750 grammes
Tous nos blogs cuisine Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
A boire et à manger
26 juillet 2022

Retour en cuisine

Cela faisait plusieurs mois qu'il était prévu que je me mette aux fourneaux pour mes amis de Saint-Yrieix, mais à chaque fois, la date ne convenait pas à l'un(e) ou à l'autre. Finalement, tout le monde s'est accordé sur ce dimanche 24 juillet, ce qui en fait une sorte d'écbauffement pour mes repas belges à venir. On retrouve d'ailleurs la difficulté de cuisiner dans une cuisine qui n'est pas la vôtre, nettement moins bien équipée, même si 80 % du repas était déjà préparé en amont à la maison. 

Tous les vins servis proviennent de ma cave, dont certains ont vécu sept déménagements et des conditions de stockage parfois aléatoires. Malgré tout, ils faisaient nettement moins vieux que leur âge. Comme quoi, il n'y a pas forcément besoin de caves optimisées. 

s01

Vu que je servais une "bulle" avec cette entrée, il n'y a pas eu de mises en bouche de prévues. On va dire que c'est une version revisitée de la tomate mozza. Elle comprend un tartare de Coeur de boeuf et de Noire de crimée, auxquelles j'ai ajouté des haricots pourpres et des mini-courgettes du jardin (cuits al dente). Le tout est lié par un pesto rosso maison uniquement composé de tomates confites mixées et de parmesan rapé. Cela permet d'intensifier le goût de la tomate tout en lui gardant sa texture de fruit frais. Le tartare est surmonté d'une glace à la burrata, huile d'olive et basilic, elle-même saupoudrée d'une poudre de tomates (peaux séchées au four et pulvérisées). Puis est versé un coulis de tomate Green zebra au basilic (et une mini-pincée d'ail en semoule pour le relever). 

J'aurais pu servir un rosé ou un blanc de Provence, ou d'Italie, mais histoire de faire le meilleur accord possible, j'ai servi de l'eau de tomate pétillante présentée dans une bouteille de Dom Ruinart rosé 1990. Ça n'a pas fait illusion longtemps : ça manque de mousse et de bulles frétillantes. Et même la couleur est un peu zarbi.... Par contre,, au nez, y a pas : ça sent bien la tomate, avec un arrière-plan de garrigue. Et en bouche le fruit explose, soutenue par une fine effervescence et une fraîcheur acidulée. Sans surprise aucune, l'accord est parfait. 

s02

Nous poursuivons avec une tartelette au maquereau mariné, crème de ziste de citron, citron confit, noisettes grillées, radis pourpre et bourrache. La pâte est à base de petit épeautre, plus goûteux que le blé, et d'un peu de farine de noisette. La texture du poisson est d'une grande délicatesse, faisant quasiment penser à de la langoustine, montrant que c'est vraiment dommage de faire cuire ce poisson. Comme il m'en restait pas mal après avoir garni les tartelettes, j'ai pu faire un deuxième service avec des petits morceaux de maquereaux, accompagné de la crème de ziste, ce qui a permis de pouvoir encore plus l'apprécier. 

Pour l'accompagner, un vin de maquereau, un Muscadet Réserve 2011 de Michel Brégeon. La robe or clair n'est pas particulièrement évolué. Le nez fait chablis à maturité, mêlant le mousseron au beurre noisette et au lemon curd. La bouche est élancée, tendue par une fine acidité traçante, tout en offrant une matière, ronde, mûre, ample, affichant des caractères de jeunesse – cette impression de croquer un bonbon acidulé – et de maturité sereine : notes de brioche, de mousseron, d'épices. La finale est encore plus fraîche et tonique, avec une grande persistance sur le citron titillant le bout de la langue. L'accord avec le maquereau était très bien. 

s03

C'est la troisième fois que je sers cette sucrine au haddock et citron confit. Et à chaque fois, elle déclenche la surprise puis l'enthousiasme des convives.  C'est au départ une recette de Glenn Viel que j'ai pas mal modifiée. J'avais prévu de faire comme la dernière fois une "crème anglaise" au haddock. Mais il se trouve que je venais de faire une purée un peu trop liquide à base de pomme de terre et celeri (chutes d'un plat évoqué plus bas). Je lui ai ajouté du lait en poudre pour ne pas la liquéfier plus.  Un peu de beurre, puis les chutes du  haddock (dont la peau), un tour de moulin à poivre. Et c'était juste parfait pour accompagner la sucrine. Afin d'apporter un peu de couleur à cette grande surface beige, j'ai fait une huile au persil  à la dernière minute. Elle amène en sus du peps et de la fraîcheur aromatique. 

Pour l'accompagner, j'ai chois un vin que je découvre en même temps que les convives : c'est un Riesling Grand Cru Rangen de Thann 2017 de Bruno Hertz que j'ai connu grâce à LPV. Curieux de le goûter, j'en ai commandé six bouteilles chez le vigneron. Eh bien, je suis convaincu : le nez est expressif et complexe, sur le citron confit, la mangue verte et une fine touche pétrolée. La bouche est tendue, racée, avec une matière mûre et concentrée, très fraîche, avec un fond cailllouteux /minéral du plus effet. La finale poursuit la tension de la bouche avec une acidité qui monte encore d'un cran, sur le fruit de la passion et une touche pétrolée. Vraiment très bien. Avec quelques années de garde, ça devrait être encore meilleur. L'accord avec la sucrine était impeccable. Bonne pioche !

s04

Vous allez croire que je fais un fix sur Glenn Viel : ce plat est aussi inspiré de l'une de ses recettes qui avait l'objet d'une épreuve l'année dernière sur Top Chef. J'ai fait quelques modifications, évidemment ;-) Le ris de veau a été remplacé par du ris d'agneau, et le pomelo brûlé par du jus de mandarine, car je voulais avoir quelque chose de plus gourmand (le pomelo brûlé, j'ai déjà testé : j'suis pas fan). Mais sinon, les principes sont là : les carottes ont été déshydratées 12 h à 80 °C. Avant d'être réhydratées dans un jus réduit  moitié carotte, moitié mandarine. Cela donne une consistance de pâte de fruit assez incroyable, avec le sucre naturel et la fraîcheur de l'agrume (ce qu'il n'y a pas dans la recette originelle où la carotte est réhydraté au jus de carotte).  Les ris ont été cuits dans un jus de veau à 63 °C durant deux heures, puis laqués dans un fond de veau sirupeux avant d'être parsemé de sarrasin. Devant, c'est de la carotte et de la mangue verte finement rapées, additionnées d'un peu de jus de yuzu pour éviter que ça s'oxyde. Sur les carottes, il y a des fleurs de carotte sauvage qui a un goût prononcé ... de carotte.  Une fois l'assiette servie, je versais sur l'ensemble un jus de carotte / mandarine très réduit, quasi-sirupeux, à la couleur orange intense. 

Comme il y a quatre ans, j'avais servi avec succès un Vouvray moelleux Le Mont 2009 de Huet sur une Variation autour de la carotte et des agrumes, je me suis dit que ça devrait le faire. J'en ai donc ouvert une bouteille. Ce n'est pas plus surprenant que cela, mais il a pas mal évolué : l'agrume confit et le coing se sont atténués pour laisser place à de la truffe, faisant penser à un Sauternes à maturité. Et la bouche a perdu un peu de sa tension initiale, rendant le vin  un tantinet plus lourdaud. Reste tout de même une opulence bien maîtrisée, avec juste ce qu'il faut d'onctuosité. Un sucre bien fondu, assez discret. Connaissant le vin à l'origine, je trouve qu'il a perdu un peu de son éclat d'origine, mais les convives qui le découvraient l'ont beaucoup aimé et adoré l'accord. 

s05

Pour cette découpe étonnante du boeuf, je me suis inspiré de notre repas récent au Château de Bourglinster où le paleron avait été coupé en fines lamelles et roulé en spirale. Il avait été cuit ainsi en basse-température. Voici à quoi ça ressemblait : 

lu17

J'ai fait plusieurs tests à différentes températures, mais aucune ne m'a donné satisfaction : la texture ne me plaisait pas. J'ai finalement fait le choix de le snacker sur les deux faces en laisant le coeur bien rosé. Et pour le coup, ça m'a beaucoup plu ! Une dizaine de jours avant,la pièce de boeuf a été fumée au genévrier, avant de maturer tranquillement au frigo. Une fois taillé en fines tranches, ces dernières ont été enduites au pinceau d'un beurre aromatisé au morilles avant d'être roulées. Puis chaque "palet" a été filmé et a reposé au frais une nuit entière pour s'imprégner du parfum de la morille. Même technique pour des fines tranches de pomme de terre Bintje et de celeri, préalablement cuites au four vapeur 20 mn à 120 °C. En plus du beurre de morille, j'ai ajouté une mini pincée de sel, histoire d'éviter toute fadeur. Le lendemain, les "millefeuilles" ont été cuits une vingtaine de minutes à 180 °C, et finis au grill pour avoir une belle coloration. 

Cela ne se voit pas sur la photo, mais il y avait un jus de queue de boeuf aux morilles versé ensuite dans  l'assiette. 

Pour accompagner ce plat, j'ai choisi un Saint-Julien Connétable du Château Talbot 2005. Lorque je l'ai ouvert la veille au soir, j'avoue que je ne savais pas trop ce que j'allais trouver, car 17 ans pour un "second vin", ça commence à faire long. Dès que je l'ai versé dans le verre, j'ai été rassuré : la couleur avait un rubis encore prononcé, avec juste quelques nuances tuilées. Itou au nez : on a encore un joli fruit de jeunesse (cassis, mûre) complexifié par des notes tertiaires : tabac, cèdre, sous-bois, légère truffe. La bouche a une vigueur et une fraîcheur inattendues, avec des tanins finement veloutés, totalement fondus, sans la moindre trace de sécheresse, et toujours un fruit expressif, subtilement patiné. La finale, toute en souplesse, réussit à ne pas gâter le reste : là encore, du fruit, complété par le cigare et le sous-bois, avec une persistance sur les épices et le cèdre. Un très joli vin, se mariant très bien avec la viande. 

s06

Je suis tombé il y a un mois sur une boîte de kadaïf dans un rayon frais de magasin. Je l'ai achetée, me disant que j'allais en faire bon usage. A l'intérieur un cylindre d'agneau de 7 heures enroulé  d'une tranche d'aubergine afin que l'agneau n'humidifie pas trop le kadaïf. À gauche une tranche épaisse d'aubergine que j'ai enduite au pinceau d'un mélange huile / sauce soja. Comme pour les plats précédents, j'ai ensuite versé le jus de cuisson de l'agneau longuement réduit. 

Pour lui tenir compagnie, j'ai sorti l'une des bouteilles les plus anciennes de ma cave (mais pas la plus vieille). J'ai dû l'acheter vers 2004. C'est un Cigales Val de Los Frailes Vendimia Seleccionada 2001 (100 % Tempranillo, 800 m d'altitude). La robe est grenat très sombre, à peine évoluée. Le nez est intense, sur la quetsche, le tabac, les épices, rafraîchi par des notes mentholées et résino-balsamiques. La bouche est élancée, tonique, tendue par une grande fraîcheur aromatique qui tient lieu de colonne vertébrale. Celle-ci est enrobée d'une matière dense et veloutée, séveuse, avec pas une seule molécule de tanin qui dépasse. On retrouve cette énergie et cette fraîcheur en finale, en plus fougueux encore, avec une grande persistance sur le tabac et le poivre cubèbe. Là encore, accord impeccable avec le plat. 

s07

Le plat suivant correspond à l'une mes marottes : égarer le convive qui ne sait plus s'il en est au fromage ou au dessert. Les deux en fait. C'est la fleur d'immortelle qui m'a inspiré cette assiette. Elle a un goût prononcé de curry. Je me suis dit qu'elle se marierait parfaitement avec le comté ... et le jura oxydatif. J'ai donc préparé une crème glacée à l'immortelle, ainsi qu'un vrai-faux curry. Il y a aussi des noix caramélisées parfumées au curry corsaire de Rollinger ... Et bien sûr un comté de 40 mois que j'ai rapé dans toute l'assiette. Le résultat est vraiment épatant, car l'on perd ses repères habituels tout en se régalant. La gourmandise avant tout !

J'ai évidemment servi un vin jaune : un Château Châlon 2010  de Jean-Luc Mouillard. La robe est d'un or intense. Le nez est foisonnant, sur le curry, la noix grillée, la croûte de comté, le pain de campagne qui sort du four... La bouche est longiligne, toute en finesse, tendue par une acidité arachnénne, avec une matière concentrée mais élégante, et une palette aromatique intense proche de celle perçue au nez. La finale est une sorte de copié-collé en plus puissant et énergique, sans tomber dans l'agressif. L'accord est d'une évidence totale, même si l'idéal serait le formidable Vigne aux dames 1976 de Marius Perron bu à Bourges il y a quelques années. 

s08

Comme je voulais servir un vin allemand pour conclure le repas, j'ai préparé un dessert ad hoc. Non, il n'est pas inspiré par Glenn Viel, mais par Jérome Banctel. C'est une "revisite" de son Calisson de citron jaune, crémeux de citron vert, sorbet de miso et fromage blanc. Comme je n'avais pas de moules en forme de calisson, j'ai fait avec les moyens du bord. Et j'ai changé les agrumes ainsi que la quantité de miso. On a donc au final, un crémeux au fruit de la passion et yuzu, un sorbet au skyr, yuzu, citron et miso,  et une meringue au combava. A l'intérieur, il y aussi un gel au citron / yuzu et des batonnets d'amande caramélisés (également présents dans la recette originelle, même si non cités). Et j'oubliais la base : un pain de Gênes à la pâte d'amande (recette Banctel également).  L'ensemble est peu sucré et très rafraîchissant. Parfait avec les 25-30 °C du salon !

Le vin servi est un Riesling Auslese Ürziger in der Krankelei 2019 de Karl Erbes. La robe est or clair, brillante. Le nez intense mêle les fruits exotiques à la citronnelle et au citron vert. La bouche est éclatante de fraîcheur, avec une acidité laser et une matière pure, cristalline, d'une légèreté irréelle. Et en même temps, vous vous prenez un feu d'artifices d'agrumes et de fruit de passion  qui semble ne plus pouvoir s'arrêter. L'accord avec le dessert est jubilatoire. 

Nous avons fini le repas avec des choconoisettes maison (du chocolat où la noisette est broyée aussi finement que le chocolat) pour accompagner le café. 

s09

Les héroïnes du jour ! 

Commentaires
A boire et à manger
A boire et à manger

Quand deux passions se rejoignent pour n'en faire qu'une: la gastronomie
Voir le profil de Eric B sur le portail Canalblog

Visiteurs
Depuis la création 5 921 050
A boire et à manger
Pages
Newsletter
1 148 abonnés
Suivez-moi