750 grammes
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A boire et à manger
27 mars 2023

Une oasis verdoyante au milieu du désert

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Depuis début février, je suis "assigné à domicile" pour cause de bras cassé. Aujourd'hui, il va mieux, merci. Mais il y a encore un sacré boulot pour retrouver toute sa force et sa mobilité. Depuis plusieurs années, je me suis fixé une règle de conduite : dégustant pas mal de vins au travail, je me suis interdit d'en boire à la maison lorsque je suis seul, histoire de ne pas tomber dans l'alcoolisme – la tentation est grande, disposant au bureau de nombreuses bouteilles entâmées. Jusqu'il y a deux mois, cela me faisait chaque semaine un break de deux jours, sauf lorsque je recevais du monde à la maison ou allais chez des amis ou au restaurant. 

Avec cet accident, le break est devenu la norme. En un mois et demi, je n'ai rompu le "jeune" que 4 fois. Sans nul doute, c'est ma plus grande période d'abstinence depuis 30 ans. Et ma foi, je m'en porte plutôt bien. Je peux rester des jours sans avoir l'idée d'ouvrir une bouteille, sans avoir l'impression de me priver. Mais tout de même, dès que des amis viennent me voir, les réflexes reviennent rapidement,  et je me rappelle toujours comment me servir d'un tire-bouchon !

Ce fut le cas jeudi dernier, où notre "bande" s'est reformée l'espace de quelques heures. Cela s'est fait à domicile, car je ne peux toujours pas conduire pour l'instant. Comme d'hab, chacun a amené une bouteille avec l'un des éléments du repas – sauf un, un peu distrait. Par rapport à d'autres soirées, on était plus dans la bonne franquette, car nous sommes en semaine et mes amis travaillent. Je suis donc le seul à avoir proposé un plat "fait maison". 

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Ce sont des rouleaux de printemps revisités en bouchées. Ils contiennent des légumes (radis, carottes, courgette), de la coriandre, des dés de saumons fumés et des suprèmes d'agrumes coupés en tout petit (citron, orange, citron vert). Mais c'est la sauce qui change tout : elle est à base de jus d'agrumes, des tiges de la coriandre, de jus de gingembre, de nuoc-mam  et d'huile de sésame grillé. Une explosion de saveurs exotiques qui vous font frétiller les papilles. 

Ca demandait forcément un riesling allemand. J'ai choisi un Braunberger Juffer Sonnenuhr "Wineporn" 2018 de Fritz Haag (une sélection spéciale pour la Rieslinghaus de Bernkastel). La robe est jaune très pâle, brillante. Le nez est expressif, sur le fruit de la passion, la citronnelle et une pointe d'hydrocarbure. La bouche est vive, tendue, alliant une matière digeste, aérienne,  à une fraîcheur cristalline, tout en vous plongeant dans une infusion d'agrumes et de fruits exotiques. La finale est franche, nette, sans la moindre sucrosité, mariant la mangue à la citronnelle, avec une persistance sur le gingembre. 

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Nous poursuivons avec un très bon gravlax amené par Philippe ... mais sans le vin qui va avec.  Je descends de suite en cave pour aller chercher une bouteille qui sera déjà à bonne température. Avec le saumon, un Sancerre Silex 2017 du domaine Delaporte me semble être le meilleur accord possible, ce qui s'est confirmé à table. La robe est or clair. Le nez est fin, sur le pomelo, le zeste de citron, la craie humide et une pointe de cassis végétal. La bouche, très ample, est éclatante de fraîcheur, et étirée par une acidité arachnéenne – quasi imperceptible mais très efficace. La matière est fine, caressante, donnant plus l'impression d'avoir un gaz en bouche qu'un liquide. Si le citron domine l'aromatique, on retrouve toujours cette légère pointe de cassis typique du cépage.  Par contre, l'amertume finale bien affirmée – écorce de pomelo – évoque plus un chenin qu'un sauvignon, Un très joli vin qui a plus à tous. 

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Le plat principal est un délicieux pâté de pomme de terre – avec également une farce d'origine animale – amené par Olivier. Ce n'est pas d'une complexité folle, mais qu'est-ce que c'est bon ! A se demander pourquoi on s'embête à faire dans la sophistication. Il y a également une salade de mâche et roquette provenant du jardin de son père. J'ai préparé une sauce à l'instant, après avoir goûté le vin d'accompagnement : vieux vinaigre de banyuls, huile de pépins de courge, garum de boeuf, poivre noir de Tellicherry fraîchement broyé, sauce soja fumée. Cela a permis d'avoir un bel accord. Le vin est servi à l'aveugle : la robe est grenat translucide très légèrement évoluée. Le nez est plutôt discret, sur la cerise, la prune, avec une légère touche animale et fumée, et une subtile pointe de volatile apportant de la fraîcheur. La bouche est ronde, ample, veloutée, déployant une matière juteuse, gourmande, au fruit légèrement patiné, et soulignée / portée par une tension vivifiante qui se prolonge au delà même de la finale – qui n'affiche pas la moindre dureté. On en boirait jusqu'au bout de la nuit. Je verrais bien ça dans le Jura. Perdu, mais je n'ai pas tout faux : le mencia dont il provient est un enfant du trousseau. C'est la cuvée "1984" 2018 de La Senda (située en Bierzo, mais sans appellation).  

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Eh oui, nous sommes déjà aux fromages amenés par Stéphane. Dans l'ordre en partant de la gauche : Pouligny Saint-Pierre, chèvre Roumé, Petit fiancé des Pyrénées (chèvre au lait cru à pâte lavée) et la Fée sauvage (pâte dure suisse proche de l'emmental). Mon gros coup de coeur, c'est le petit fiancé, à la texture douce / crémeuse rappelant le reblochon, mais avec un subtil goût de chèvre et l'affinage de la pâte lavée. Une synthèse très réussie de ce qu'on peut faire de meilleur en France. 

Pour accompagner tout cela, il fallait un vin assez polyvalent : la robe est jaune légèrement dorée. Le nez mêle les agrumes aux fruits blancs (pomme, poire, coing). La bouche est ronde, ample, enveloppante, avec une matière friande, savoureuse, et une acidité plutôt discrète, mais pas absente. C'est en finale qu'elle resurgit le plus, couplée à une noble amertume. En relisant comme ça, ça fait très chenin, mais sur le moment, nous sommes partis plus au sud, du côté de la Savoie. Mais bon, oui, c'était un P'tit Chenin 2020 du domaine de la Garrelière. 

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En dessert, un millefeuille en forme de gâteau signé Le Baccara , pâtisserie à Limoges, et amené par Patrick. Avec bien sûr un vin, le plus doré de la soirée. Le nez est de belle intensité, sur les fruits blancs rôtis et une pointe de truffe. La bouche est ronde, moelleuse, équilibrée, avec un sucre bien intégré, sur la compote de mirabelle, et une truffe encore plus marquée. Celle-ci persiste en finale, accompagnée par du coing confit. C'est du ch'nin, ça, c'est sûr ! Ce coup-ci, on a bon : c'est un Vouvray moelleux réserve 1997 du domaine Freslier. 

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Bon ben, on recommence quand vous voulez, les gars !

Commentaires
C
Bonjour, <br /> <br /> je me demandais comment vous aviez intégré les tiges de coriandre à la sauce ? <br /> <br /> J'ai beau être végane, je dois reconnaître que vos menus sont toujours très tentant (malgré mon évidente préférence pour vos menus plus végétaux). <br /> <br /> Bon rétablissement pour votre bras.
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Quand deux passions se rejoignent pour n'en faire qu'une: la gastronomie
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