Un mercredi soir chez Philippe Redon
Notre petite bande a du mal à vivre un été entier sans se voir. Aussi nous sommes-nous réunis hier soir au restaurant de Philippe Redon chez lequel nous pouvons amener nos bouteilles (que nous lui faisons déguster). Nous avons pris son menu dégustation avec juste quelques modifications pour que les plats s'accordent avec les vins.
Ainsi ces toasts au fromage suisse, pêches, noisettes grillées et lamelles de courgettes juste tiédies qui révèlent diverses facettes du champagne que j'ai amené (merci au très sympathique amateur qui me l'a vendu à un prix d'ami).
Ce Blanc de Blancs Grand Cru 1996 de Demière-Ansiot impressionne dès qu'on a le nez au-dessus du verre : noisette, brioche toastée, mousseron, agrume confit, craie humide, épices... Et tout ça en étant subtil et profond. Rien de démonstratif. La bouche mériterait un Savagnin d'Or tant l'acidité laser qui vous happe dès l'attaque continue sa route une fois même la dernière goutte avalée. C'est traçant de chez traçant. Dieu merci, elle est enrobée d'une matière ronde, douce, aérienne, agrémentée de bulles très délicates, finement crémeuses. Et en toile de fond, un mousseron très chablisien et l'impression d'être dans une cave en tuffeau. La finale s'appuie évidemment sur l'acidité pré-citée tout en la soulignant d'une astringence finement crayeuse et d'une amertume évoquant l'écorce de citron. Et puis le mousseron revient avant de céder la place à une noisette grillée qui persiste très longuement. Superbe vin !
Puis viennent les Huîtres de la tremblade, Perles de tapioca, huile d'olive et poivre à queue. Cette asssiette est un jeu de multiples contrastes (chaud/froid, tendre /vif, doux /relevé) dont le principal but est de mettre les huîtres en valeur (enfin j'imagine). Eh bien, c'est très réussi : ce sont des petites merveilles d'un éclat marin quasi surnaturel !
Avec celles-ci, un Muscadet Gorges 2004 d'André-Michel Brégeon apportée par Olivier. La robe est or clair, pas si évoluée que ça. Le nez "mousseronne", avec une touche de beurre fumé et de citron confit. La bouche est très ample, douce, enveloppante, avec une matière à la fois moelleuse et aérienne. Il y a une bonne tension qui n'est pas due à l'acidité, cette dernière n'apparaissant qu'en finale avec un peps citronné / acidulé qui nous rappelle que l'on boit un muscadet.
Avec le plat suivant, un filet de maigre au girolles, le vin s'est réchauffé et aéré, gagnant alors en cohérence : l'acidité revient en début de bouche et ne fait plus qu'une avec la tension. La matière prend encore plus de volume et d'ampleur et se prolonge maintenant en finale sans le moindre à-coup. Le citronné / acidulé s'est transformé en lemon curd avec de revenir vers le mousseron et le beurre fumé qui persistent longuement. Du haut niveau !
Nous continuons avec un excellent(issime) carré d'agneau, tomate confite et croute d'olive noire. Très simple en présentation, mais la viande est vraiment magique.
Et le Bandol 1990 du domaine Tempier apportée par Stéphane est en accord total : un nez superbe sur la truffe, le sous-bois, la garrigue, les fruits noirs compoté, avec une subtile pointe goudronnée/résineuse. La bouche est ample, enrobante, d'une grande douceur tactile – particulièrement pour un Bandol – mêlant les notes de truffe et de cuir à une aromatique plus balsamique. La finale monte d'un bon cran dans l'énergie et la puissance, tout en restant d'une grande douceur tactile, avec une persistance sur la truffe, la réglisse et le goudron. Superbe (oui, encore).
Avec " Le Truffadou " du Bois d'Amalthée (bouton de chèvre et vache a la truffe d'été), nous finissons la bouteille de champagne. Il paraît alors plus jeune et plus fraîche, et fusionne avec l'aromatique truffée du fromage, contrastant avec des notes de citron confit. Une explosion des papilles !
Nous terminons avec une tarte croustillante au praliné, abricots confits. D'où mon idée d'apporter en vin de dessert...
.... un Monbazillac Madame 2009 du Château Tirecul la Gravière. La robe onctueuse évoque l'or en fusion. Le nez, l'abricot rôti, la mandarine, le safran et le caramel au beurre salé. La bouche est très ample, riche, voluptueuse, tout en étant tendue par une acidité presque vive. L'aromatique est proche de celle du nez, avec une prédominance de l'agrume confit. La finale garde la richesse et la voluptuosité de la bouche en y ajoutant une explosion des saveurs et une acidité accrue qui compense la générosité du sucre. C'est long, très long, avec une grande persistance sur le safran et l'orangette. Eh bien, encore. superbe !
Des mini-clafoutis pour finir !