Mon anniversaire français 2021
Pour la première fois depuis des années, je fête mon anniversaire le jour J à domicile (pour la version belge, ce sera dimanche prochain). Les différents membres de ma "bande" étant en vacances, j'ai invité d'autres amis : Benjamin, qui était déjà venu l'année dernière, Gilles et Dominique, des amis dégustateurs et fins gastronomes et puis Corinne et Jean-Michel Comme qui ne s'étaient pas attablés chez moi depuis mon anniversaire de 2010. Les uns et les autres ne se connaissaient pas, mais celà s'est super bien passé. Pendant que j'étais en cuisine, j'entendais les conversations qui se poursuivaient avec enthousiasme.
Nous avons démarré avec des "rochers au chocolat/noisette" fourrés d'une crème au foie gras et aux morilles, avec une noisette grillée entière en guise de coeur. Le chocolat était partiellement dé-sucré avec du beurre de cacao et de la pâte de noisette avant de ne pas tomber dans le dessert dès l'apéro.
Puis il y avait des allumettes à la poitrine fumée, noisette et comté. J'avais limité à une par personne, car il y avait pas mal à manger après ;-)
Pour accompagner ces mises en bouche, j'ai servi un Champagne dont j'avais ouvert un autre exemplaire quelques jours plus tôt. Je me permets de copier ce que j'ai déjà écrit à propos de ce Blanc de Blancs Grand Cru 1996 de Demière-Ansiot car la bouteille était du même niveau que la précédente. Le vin impressionne dès qu'on a le nez au-dessus du verre : noisette, brioche toastée, mousseron, agrume confit, craie humide, épices... Et tout ça en étant subtil et profond. Rien de démonstratif. La bouche mériterait un Savagnin d'Or tant l'acidité laser qui vous happe dès l'attaque continue sa route une fois même la dernière goutte avalée. C'est traçant de chez traçant. Dieu merci, elle est enrobée d'une matière ronde, douce, aérienne, agrémentée de bulles très délicates, finement crémeuses. Et en toile de fond, un mousseron très chablisien et l'impression d'être dans une cave en tuffeau. La finale s'appuie évidemment sur l'acidité pré-citée tout en la soulignant d'une astringence finement crayeuse et d'une amertume évoquant l'écorce de citron. Et puis le mousseron revient avant de céder la place à une noisette grillée qui persiste très longuement. Superbe vin !
La première entrée s'appelle juste La mer. Au dessus, une mousse 99 % huîtres (et 1 % de gélatine) qui commençait à s'affaisser un peu quand j'ai pris la photo.
En dessous, de la salicorne, de l'haricot pourpre du jardin (devenu vert), du saumon fumé et du haddock, de l'algue kombu, du citron confit et du concombre macéré dans de l'eau de mer (reconstituée , hein). Au dessus, de la bourrache, de la pimprenelle et de la mertensia (toutes du jardin).
En accompagnement, un Chablis 1er Cru Montmains 2014 du domaine Droin amené par Benjamin : la robe est jaune paille, brillante. Le nez est expressif, sur le beurre fumé, l'amande, la poire et la craie humide. La bouche est à la fois ample et longiligne, tendue par une fine acidité traçante, avec une matière douce, mûre et aérienne. La finale est tonique, mêlant l'amertume du citron confit, à l'astringence de l'écorce de pomelo, le tout étirée par une acidité citrique qui persiste longuement.
La deuxième entrée s'appelle tout aussi simplement Tomates. Il y a plusieurs variétés de tomates, crues et cuites, une sauce à base de tomates confites dont l'umami a été renforcé encore par du parmesan et de l'anchois à l'huile, un granité d'eau de tomate, un sorbet mozarella / basilic.
Et pour l'accompagner, une eau de tomate gazéifiée, très goûteuse, avec ma foi des bulles très fines donnant l'impression d'un élevage sur lattes assez long ;-)
Nous passons au chaud avec une ballotine de homard au chou vert (à l'intérieur, une chair fine de crevette – aromatisée à la carapace rôtie du homard – et la chair des pinces), du homard cuit à basse température, des girolles et des coques. Corinne Comme a dit que c'était le meilleur plat qu'elle ait mangé de sa vie. Mon plus joli cadeau d'anniversaire !
En accompagnement, un Rully 1er Cru "Le Meix Cadot" 2014 du domaine Dureuil-Janthial : la robe est or clair, brillante. Le nez est intense, sur l'agrume confit, la citronnelle, la pêche de vigne et une touche de pain grillé. La bouche est élancée, étirée énergiquement par un fil invisble, tout en offrant une matière dense et mûre, à l'intensité aromatique impressionnante (agrume confit à donf'), qui s'affirme encore plus fort dans une finale magistrale, d'une rare explosivité. Superbe !
Premier "plat à rouge" : des raviolis à la queue de boeuf et foie gras, de la truffe (mélanosporum congelée) généreusement rapées sur lesquels je versais un jus de queue de boeuf très parfumé.
J'ai choisi ce Château Saint-Pierre 2002 (Saint-Julien ) pour Jean-Michel Comme, car il conseille désormais les domaines Jean-Louis Triaud. Alors qu'il est issu d'un millésime réputé faiblard, ce vin faisait plus jeune que son âge et semble pouvoir vieillir encore quelques années : sa robe est grenat sombre à peine évoluée. Le nez est très médocain, sur le cigare, le cèdre, le graphite, mais aussi le cassis et la truffe. La bouche est ronde, enveloppante, déployant une matière d'une grande douceur tactile. Elle est dotée d'une belle fraîcheur aromatique (cassis, menthol) qui apporte la tension nécessaire, avec le tabac en arrière-plan. La finale prolonge la dynamique tout en augmentant la densité, avec un retour du cèdre, mais aussi de la truffe, et une persistance sur l'âtre de cheminée et les épices. Accord d'une totale évidence avec le plat.
Nous poursuivons avec un filet mignon de porc à basse température (56 °C, puis snacké rapidement pour avoir une réaction de Maillard), betterave cuite et crue, framboise, purée de pomme de terre / panais / topinambour. Et je versais ensuite dessus un coulis de framboise adapté à une viande (donc, peu sucré, salé, poivré et très légèrement vinaigré)
C'est un ami caviste qui m'a conseillé cet Uvaggio 2015 de la Proprietà Sperino (même propriétaire que Isole e Olena) située dans le Haut-Piémont. Il est principalement constitué de Nebbiolo, complété par les cépages Vespolina et Croatina. Sa robe est grenat translucide. Le nez est fin, sur le cassis, la framboise, le tabac gris et des notes résino-balsamiques. La bouche est longiligne, étirée par une fine acidité qui trace au delà même de la finale, et déroulant une matière veloutée, pulpeuse, au fruit omniprésent, complété toujours par ces notes de tabac gris, mais aussi de poivre et de garrigue. La finale est pêchue, avec une très grande fraîcheur aromatique, des amers plus marqués (quinquina), des tanins un chouïa plus fermes , et toujours cette belle acidité qui tient lieu de colonne vertébrale. Super découverte ... et accord magnifique avec le plat !
Allez, pour terminer la partie viande, un pigeon en trois cuisson, polenta croustillante à l'extérieur, crémeuse à l'intérieur, sauce à la cerise noire et au chocolat, grué de cacao. Le filet de pigeon a été macéré durant 4 jours dans un mélange de miso blanc et de poudre de cacao (recette de Jérôme Banctel). Je ne sais pas si c'est l'effet du miso, mais je n'ai jamais mangé un pigeon aussi tendre /moelleux. Tu n'en croyais pas tes papilles !
Dernier rouge : un Groppello Amarone 1967 de Girolamo Frassine. Il date d'une époque avant la DOCG. On pouvait alors faire un amarone à partir du cépage Gropello qui donne des vins légers pas vraiment censés se garder longtemps (ce que je ne savais pas lorsque j'ai acheté la bouteille). Mais en fait, lorsque je l'ai ouvert la veille au soir, le vin était magnifique. Il a perdu un peu de fruit le lendemain, avec malgré tout de beaux restes : la robe est entre le vermillon et le tuilé. Le nez est complexe, sur le guignolet, le vin de noix, le café et le pot-pourri floral. La bouche est élancée, tendue par une acidité arachnéenne (ultra-fine mais intense), déployant une matière très fine, soyeuse, aérienne, dotée néanmoins d'une intensité aromatique de dingue (c'est 1967, que voulez-vous) sur la griotte, le café et le sous-bois. La finale un peu plus ferme gagne en fraîcheur et en expressivité, avec une persistance sur la boîte à cigare, la vieille prune et les épices.
Ça ne se voit, mais c'est le fromage ! Les gnocchi qui ressemblent à des Saint-Jacques crues sont à base d'eau de parmesan et de kuzu. La quenelle de glace est à base ... De parmesan. Et le crumble est un mélange de chapelure de maïs et de parmesan. J'ai ajouté des "pickles" d'abricot (salés, sucrés, légèrement vinaigrés) pour faciliter le pont aromatique avec le vin (qui marche très bien par ailleurs comme contraste avec le fromage salé /corsé).
Le vin, c'est un Passito di Pantelleria Ben Rye 2018 de Donnafugata . Je l'ai déjà croisé à plusieurs reprises, et à chaque fois, j'adore ! Je ne fus pas le seul. Toute la tablée fut conquise par cette cuvée hors-norme. Sa robe dense est entre l'ambré et le cuivre. Le nez est riche et complexe, sur l'abricot confit, le jasmin, la fleur d'oranger, la rose fanée, l'orangette et le souk oriental. La bouche est vive, traçante, offrant une matière sensuelle d'une rare onctuosité , délivrant une aromatique proche du nez, avec en plus des notes grillées / fumées. L'ensemble est un hymne éblouissant au style baroque tout en offrant un équilibre vertigineux. La finale est un résumé très concentré de la bouche, complété par le toffee, l'orange confite, l'abricot sec et les épices douces, sans lourdeur aucune.
Nous finissons par un nuage de citron vert (fourrée de coulis mangue /passion) ...
surmontant un pain de Gènes au citron vert, des dés de mangue fraîche et une crème au yuzu.
Forcément, ça appelle l'Allemagne. J'ai donc sorti de la cave un Riesling Ürziger Würzgarten Auslese *** 2015 de Karl Erbes : le nez est explosif, sur l'ananas, la citronnelle, la mangue confite et le fruit de la passion. La bouche éclate d'une fraîcheur cristalline dès la première seconde, puis gagne rapidement en ampleur tout en maintenant un fil directeur acidulé absolument jouissif. La matière ronde et douce réussit à conjuguer une grande maturité très "tropicale" et une digestibilité totale, aidée en cela par un filet perlant de gaz carbonique qui titille très agréablement la langue. La finale accentue encore l'acidité – très fruit de la passion – et concentre intensément les saveurs et la texture (qui devient plus onctueuse), formant un ensemble tellement bon que vos neurones grésillent de bonheur. Une pure merveille !
Eh bien voilà. On recommence l'année prochaine si tout va bien :-)