Déconfinement en beauté !
Notre "petite bande" s'est réunie hier pour fêter de multiples anniversaires dans la famille d'Olivier C. C'est donc ce dernier qui s'est mis aux fourneaux pour préparer ce beau repas. Comme celui-ci a repris certaines de mes recettes, y a comme un air de famille ... d'autant que j'ai participé aux dressages des assiettes, accentuant encore la confusion. Bref, on dirait que c'est moi qui l'ai fait ... mais en fait, non ;-)
On a démarré avec des rouleaux aux pommes et noisettes grillées, avec – à la place du speck que j'utilise souvent – de la bresaola. Ca complique un peu la mise en oeuvre car c'est plus épais et moins souple, mais c'est plus charnu et très goûteux (c'est du boeuf).
Il y avait aussi des gougères amenées par Patrick. Mais j'ai oublié de les photographier. Mais bon, les habitués du blog les connaissent bien car elles sont indissociables de nos réunions.
Pour accompagner tout ça, Olivier nous a servi un vin effervescent : sa robe est or pâle, avec des bulles discrètes. Le nez est élégant, sur le mousseron, les fruits blancs, le zeste d'agrume et une légère touche beurrée. La bouche est ronde, ample, aérienne, avec une matière fine, fraîche et savoureuse. Le tout est étiré par une belle tension qui perdure dans une finale gourmande subtilement crayeuse, avec une persistance sur la poire et des notes salines. C'est vraiment très bon, super équilibré. Un régal ! Par contre, j'ai du mal à le situer, même si je ne doute pas que ce soit un champagne. Tout faut : c'est un Crémant de Loire 1948 d'Arnaud Lambert ... que j'ai vendu à Olivier. Ben je vends des bonnes choses, dis donc !
La première entrée est un clin d'oeil à Kei où nous avons mangé deux fois. Elle réunit un gravlax de saumon, une crème d'olives noires et de capre, une mousse d'avocats aux herbes, une écume de citron. Des têtes d'asperges blanches, aussi. Un mariage de saveurs et de textures à la fois rassurant et dépaysant. C'est très bon !
Le second vin a une robe claire entre le vermillon et le cuivré. Le nez est intense, sur la merise, l'écorce d'orange et les épices. La bouche allie ampleur et tension, avec une acidité "katana" qui vous tranche le palais en deux, et une matière à la chair pulpeuse gagnant progressivement en densité. La finale monte encore d'un cran dans la tonicité, avec l'impression de croquer dans une griotte acidulée, puis l'écorce d'orange revient, avec l'amertume qui va de pair, pour finir sur la cerise séchée. Clairement , on est sur un vin "nature" à tendance "orange" qui ne peut laisser indifférent. Après, difficile de dire quels en sont les cépages ou la région d'origine. Olivier nous donne la solution : c'est un vin tchèque qui assemble le Portugais bleu, le Blaufrankisch, le Saint Laurent, le Gruner Veltliner, le Welschriesling et l'Isabella. Il ont tous été vinifiés ensemble ce qui en fait un mix orange/rouge. Le producteur s'appelle Richard Stávek et la cuvée Divý Ryšák 2017. Mes recherches sur le net ont plutôt montré un enthousiasme pour ce vin, comme ceet avis d'Antoine Gerbelle : "les raisins blancs et rouges sont co-fermentés et aboutissent à une floralité de pétale de rose, à une gourmande acidité épicée de baies sauvages sèches. A la fois accessible et complexe, ce vin peu alcoolisé (11,5% vol) est un magnifique paradoxe, inoubliable.'
Si Olivier a ouvert cette bouteille, c'était pour rendre hommage à Gaëtan, membre fondateur de "la bande" qui était retourné dans sa Bretagne d'origine pour devenir caviste et nous a quitté définitivement l'automne dernier. C'était la dernière bouteille qu'Olivier a bu avec lui. On pense très fort à toi, Gaëtan !
Cette recette est une revisite des poireaux brûlés d'Eric Fréchon par l'amie Chantal. Exit les citrons, huîtres et algues, remplacés par des moules et leur marinière, et quelques noisettes pour apporter du croquant (et le bon goût de noisette !). Y a pas : c'est vraiment la meilleure cuisson possible pour le poireau qui devient alors the best vegetable of the world.
Allez, un troisième vin qui s'avère plus consensuel : sa robe est jaune paille. Le nez est réduit au départ sur des notes de fumée et de vase marine. Puis ça se transforme en embruns plus délicat, le zeste de citron arrive suivi de quelques fruits blancs et de caillou chauffé par le soleil. La bouche est élancée, pleine de fraîcheur – sans avoir recours à une acidité perceptible – et déploie une matière mûre et dense au toucher moelleux. L'équilibre est très beau, harmonieux. avec une aromatique entre le citron et le "minéral". La finale ne gâte rien, tout au contraire, mêlant de fins amers du citron confit à une noble astringence crayeuse, avec toujours un caillouteux très présent. C'est très très bon, et on se dit que ça ne peut qu'être un chenin. "Ou un Chardonnay qui a réussi sa vie" ajoutai-je malicieusement. Je ne croyais pas si bien dire : c'est un Chablis Côte aux prêtres 2017 du Château de Béru.
Nous continuons avec ce que j'estime être mon plat signature : variations sur le champignon de Paris (voir ICI). Cela fait tout drôle de le manger sans avoir à passer des heures en cuisine. À quelques détails près, la copie est conforme. Je valide !
Dès que l'on met le nez au-dessus du verre du quatrième vin, il n'y a pas de doute : c'est du Chardonnay. Et à 99 % sûr qu'il est jurassien. Au tout début, le nez fait un peu brouillon, mais rapidement, tout se met en place : on est entre le pétard / sésame grillé de Coche et le tourbé / fumé des Bruyères de Stéphane Tissot. Un peu de pomme rôtie au beurre rappelant Ganevat. On va dire que ça commence bien. La bouche longiligne dotée d'une matière mûre et fraîche à la douceur enrobante confirme tout le bien que je pense. On sent qu'il y a fond derrière la jolie forme. La finale fumée et pétaradante prolongée par le sésame grillé enfonce le clou. J'aime beaucoup ! Eh bien, ce n'est ni Coche, ni Ganevat, ni Tissot, mais le vigneron "rasta" Etienne Thiébaud, avec sa cuvée Guille-Bouton 2010. Au bout de 11 ans, le vin n'affiche aucune faiblesse et peut tenir sans problème dix ans de plus.
Le seul plat du repas : des ris d'agneau laqués au fruit de passion et à l'ananas, avec des asperges, des carottes et des suprêmes d'orange (et quelques feuilles de coriandre). Sans même que l'on sache quel sera le vin servi, ça sent le Riesling à plein nez ( ou à la rigueur, le Chenin demi-sec).
La robe est d'un or intense aux reflets cuivrés. Le nez tout aussi intense évoque l'orange confite, l'encaustique et la noix verte (et une touche terpénique / pétrolée qui ne laisse aucun doute sur le cépage). Clairement, il est oxydé. La bouche affiche une belle tension dès l'attaque, avec une matière dense, mûre et moelleuse et une fine acidité tenant lieu de colonne vertébrale. La finale est puissante, presque tannique, avec un retour de l'orange confite et de l'encaustique, complétés par du caramel aux fruits secs.
Olivier me dit l'avoir acheté il n'y a pas très longtemps à Vins étonnants. Je lui ai répondu que je lui remboursais car il y a un gros souci. Je ne suis pas trop surpris d'apprendre que c'est un Riesling Muenchberg 2017 du domaine Julien Meyer.
Pour finir, un autre plat que j'ai "créé" il y a un an tout juste. : Hommage au printemps. Il est composé de légumes et d'herbes du jardin. Aucun fruit si ce n'est du citron confit. Olivier l'avait déjà préparé une fois pour ses proches. On lui a demandé de la resservir. C'est une bonne idée, car ça permet de voir si ça me plait toujours autant. Réponse : OUI ! Il n'y a rien à modifier. Essayez, vous serez étonnés !
Un dernier vin pour accompagner ce dessert : sa robe est dorée, parsemée de fines bulles. Le nez est tentateur, sur des notes de muscat, de pêche rôtie et de fleur d'oranger. La bouche est ronde, friande, avec une pétillance tonique et l'impression de croquer dans une baie de muscat. La finale est gourmande, finement acidulée, avec un sucre des plus discrets. Une friandise pour les grands !
Après le drame Muenchberg, ce vin redore un peu la réputation de Vins étonnants, puisque ce Moscato Spumante de Fidora vient aussi de chez nous ;-)
Bravo au chef pour le travail accompli (que je sais colossal) !