Retrouvailles bien arrosées
Après mon départ de Limoges, le noyau dur des participants à mes soirées-dégustation a décidé de perpétuer ce rendez-vous mensuel. Chacun propose à l'avance une bouteille à Olivier C qui va voir ensuite le chef Philippe Redon pour choisir les meilleurs accompagnements possible. Etant en ce moment dans le Limousin, je me suis invité à cette soirée sans prévenir mes amis, hormis l'organisateur en chef. Ce fut une belle surprise pour tout le monde !
Avec les "quelques babioles" préparées par le chef, nous démarrons par un Cheverny Frileuse 2021 du Clos du Tue-Boeuf : la robe est dorée, brillante. Le nez pas très sexy mêle la réduction (grillé, embrun marin) et des notes racinaires. La bouche est tendue, aérienne, offrant une matière douce, fraîche, avec ce côté végétal qui se renforce en finale sur la gentiane et la sauge. J'ai un faible pour l'acidité des blancs de 2021, mais ici, on ressent la faiblesse du millésime.
Nous continuons avec un délicieux ceviche de daurade. Il était prévu un Côtes de Provence pour lui tenir compagnie. Malheureusement, il était bouchonné. On est passé quelques minutes à l'eau plate ;-)
Puis arrive un mystérieux liégeois d'un homard bleu et céleri. Caché sous la carapace, il y un sorbet de bisque de homard et un tronçon moelleux du crustacé.
Pour lui tenir compagnie, un Anjou Cornillard 2014 de Patrick Baudouin : la robe est dorée aux reflets cuivrés. Le nez est fin, expressif, complexe, sur le coing confit, la pomme chaude et l'écorce d'orange séchée. La bouche est ample, enveloppante, très aérienne mais intense, avec une acidité laser percutante et une aromatique corsée rappelant un vin liquoreux ... sauf que le vin est bien sec. La finale monte encore d'un cran en intensité et en acidité, sur des notes d'orange, de miel et de coing confit (toujours sans sucres perceptibles).
Ce vin m'a rappelé la définition de la décadence selon François Mitjavile : c'est la splendeur ultime de Rome avant sa dégringolade. C'est exactement ce que je ressens : jamais ce vin n'aura jamais été aussi flamboyant, mais on sent qu'il ne va pas tenir ainsi pendant des années.
On passe à une entrée chaude, avec ce Pithiviers de ris de veau aux girolles.
C'est le plat qu'a choisi Olivier pour accompagner ce Champagne Brut Nature Les Rachais 2006 de Francis Boulard (dégorgement en mars 2011) que j'avais proposé d'apporter. Il trouvait dommage qu'il soit servi à l'apéro. Et il a bien eu raison de choisir ce Pithiviers à la sauce bien corsée. Il a permis au champagne de sortir de sa zone de confort, comme on dit à Top chef : sa robe est d'un or intense, avec des fines bulles encore bien présentes. Le nez puissant évoque la pomme rôtie, le sous-bois automnal et l'écorce d'orange séchée. La bouche fougueuse allie ampleur et tension, associant une matière dense et mûre à l'aromatique finement oxydative à des bulles nerveuses d'une fraîcheur vivifiante. La finale monte encore d'un cran dans l'intensité et la fraîcheur, mêlant la pomme chaude, la brioche toastée et le citron confit.
Je n'ai pas vraiment été surprise par les notes oxydatives, classique pour ce producteur, mais j'ai été bluffé par sa fraîcheur et la vivacité de ses bulles.
Cette assiette est assez mystérieuse au premier regard. Un coup d'oeil au menu m'apprend que c'est une aubergine parmigiana & lard de guanciale. C'est excellent, mais ça a vraiment un goût de trop peu, même si du goût, ce mini-plat n'en manque pas : toute l'Italie dans une bouchée !
Ce Côtes Catalanes 2018 du Clos du rouge-gorge réussit l'accord parfait. On se régale ! Sa robe est rubis sombre. Le nez est mûr et frais, sur la prune rouge, la cerise et les épices. La bouche est ronde, ample, veloutée, avec une matière douce, charnue, bien mûre, et une belle fraîcheur aromatique en arrière plan, sur l'orange et le poivre cubèbe, formant un ensemble très harmonieux. La finale prolonge la bouche avec plus de densité mais pas moins de plaisir, sur la quetsche, l'orange amère et les épices.
L'intitulé est sobre : bœuf maturé.
La présentation aussi !
Peut-être la découverte la plus inattendue du jour car nous, Français, sommes souvent assez méprisants au sujet des vins du "nouveau monde". Cet Assemblage 2017 de la Bodega Atamisque évoque un Bordeaux dans ce qu'il peut avoir de meilleur sans en avoir le moindre défaut : sa robe est grenat sombre. Le nez est fin est frais, sur le cassis mûr, le menthol, le pain grillé, avec une légère touche de moka et une toute petite pointe vanillée. La bouche est ample, enrobante, déployant une matière mûre au toucher velouté, sensuel, et dégageant une grande fraîcheur mentholée. La finale gagne en largeur et en puissance, avec un cassis qui irradie, avec toujours ce menthol en contrepoint qui persiste longuement. Ca manque encore de complexité à ce stade, le tertiaire mettant du temps à arriver. Je serais curieux de regoûter ce vin dans dans une petite dizaine d'années.
Bleu de Bonneval (Haute-Maurienne)
Ce n'était pas le liquoreux prévu au départ. Il y a eu un quiproquo avec l'un des participants. L'ami Fred est donc parti vite fait chez lui pour nous ramener ce Sua Sponte 2011 d'Elian da Ros. Sa robe est cuivrée, brillante. Le nez est riche, mû, sur la pomme tapée et la tarte à la mirabelle. La bouche est ronde, moelleuse, suave, sur l'abricot et la pêche de vigne, avec une fine (mais efficace) fraîcheur en arrière-plan. La finale est encore plus moelleuse tout en réussissant à rester peu sucrée, sur le miel et les fruits confits. L'accord fonctionne plutôt bien avec le fromage.
Et on finit avec des figues rôties, crème glacée au basilic.
Le dessert est accompagné par un Maury 2012 du domaine des Capitelles. La robe est rubis sombre. Le nez est gourmand, sur le coulis de mûre, la cerise et le cacao. La bouche est ronde, fruitée, avec une matière charnue / pulpeuse, bien équilibrée. C'est en finale que ça se gâte, avec un sucre et un alcool un peu trop présents. Dommage.
Eh bien, c'était super de retrouver mes partenaires de dégustation. Je ne sais pas si je pourrai assister à la prochaine rencontre. Wait and see...