Retour dans le Bordelais, jour 3 (part.3) : Château de Pressac
Le Château de Pressac est la dernière étape de notre périple bordelais. C'est l'un des plus anciens domaine de l'appellation ... et mérite vraiment qu'on l'appelle Château. Le bâtiment actuel date de la fin du XIXème siècle dans un esprit "Viollet le Duc". Mais il y avait déjà un château au Moyen-Age où fut signée la fin de la guerre de cent ans après la bataille de Castillon. C'est également ici que l'Auxerrois provenant de Cahors fut implantée dans le Bordelais au XVIIIème siècle. Appelé d'abord Noir de Pressac, il fut exporté sur la rive gauche par le Chevalier de Malbec. On connaît la suite..
Lorsque Jean-François Quenin rachète le domaine en 1997, il se lance dans un gros travail de rénovation autant dans les bâtiments que dans la vigne. 36 hectares ont été arraché puis replantés, avec l'aide de Claude et Lydie Bourguignon, avec l'idée de mettre en adéquation les sols et les cépages.
Pressac fait partie des rares domaines bordelais où l'on retrouve les six cépages traditionnels : Merlot, Cabernet-Franc, Cabernet-Sauvignon, Malbec, Petit-Verdot et Carmenère. Mais aussi l'un des seuls crus de Saint-Emilion où sont présents les trois terroirs qualitatifs : le plateau calcaire (comme Canon et Clos Fourtet), les coteaux argilo-calcaires (comme Ausone et Pavie) et les pieds de côte argilo-sablonneux (comme Canon la Gaffelière et Angélus).
À ce sujet, le domaine avait déposé un dossier pour passer en 1er Grand Cru Classé en 2022 – il est GCC depuis 2012. Pour la partie "terroir", il a obtenu l'exceptionnelle note de 19.5/20. Pour la dégustation, il a obtenu 16.5/20. Par contre, en notoriété (qui compte pour 35 % de la note finale), il n'a eu que 12/20. Il est donc probable qu'en 2032, il puisse enfin y arriver, car de plus en plus de critiques et de journalistes prennent conscience de la grande qualité des vins de Pressac. Voici les notes pour le primeur de 2022
Nous sommes dans le cuvier béton historique qui a été rénové à l'arrivée de Jean-François. Simple, mais efficace.
Et dans le chai à barrique d'origine, qui est maintenant le chai de 1ère année. A noter qu'il utilise le système Oxoline qui permet de manipuler facilement les barriques tout en superposant plusieurs couches.
Le nouveau cuvier est semi-enterré. A l'instar d'Hubert de Boüard (qui le conseille), le domaine a adopté les cuves tronconiques inversées. Elles sont bien adaptées à la technique de délestage : lorsque le niveau du moût baisse progressivement, le marc fait pression sur celui-ci en douceur. Jean-François Quenin trouve que depuis qu'il utilise cette technique, il a gagné en finesse de texture
Et voilà le nouveau chai à barriques qui va permettre de poursuivre les élevages jusqu'à 24 mois. Les 2/3 de celles-ci proviennent de la Tonnellerie du Sud-Ouest qu'il a achetée en 2010 avec Baudouin de Montgolfier. On n'est jamais aussi bien servi que par soi-même ;-) Pour compléter, il achète à des confrères : Radoux, Sylvain, Taransaud, Seguin Moreau.
Ce qui est bluffant, c'est que ce chai, hormis cette entrée, mystérieuse, est totalement invisible de l'extérieur, ce qui est important lorsque vous avez juste à côté un château historique.
La salle de dégustation s'est également développée. Il faut dire que le domaine accueille désormais 10.000 visiteurs par an, avec parfois des bus entiers. Cela demande donc une infrastructure adaptée. Une belle dégustation nous attend !
Tour de Pressac 2013 : la robe est grenat translucide. Le nez est fin, mûr, complexe, sur les fruits rouges et les épices. La bouche est ample, aérienne, avec une matière fine, mûre, gourmande, sur les fruits confits équilibrés par une belle acidité. La finale est fraîche, nette, longue et savoureuse, avec un joli trait végétal. Pour un second vin d'une année "médiocre" de dix ans d'âge, c'est une sacrée réussite !
Tour de Pressac 2018 : la robe est plus sombre. Le nez fin, élégant, profond, à la fois mûr et frais. Complexe,quoi.. La bouche est de grande ampleur, enveloppante, avec une matière finement veloutée / pulpeuse, offrant un fruit classieux souligné par des épices et un début de notes tertaires. La finale est très savoureuse, avec une mâche gourmande sur les fruits confits et des notes finement toastées. C'est très bon !
Tour de Pressac 2019 : la robe est proche. Le nez est encore plus fin, en dentelle, sur les fruits rouges confits, les notes florales, les épices et une légère fumée. La bouche plus dense, plus charnelle, avec des tannins poudreux, des fruits bien mûrs, des épices et des notes grillées. La finale est plus imposante, plus , mûre et complexe. L'un des plus beaux rapports qualité /prix de l'appellation.
Château Pressac 2018 : la robe est rubis sombre. Le nez est fin, frais, discre, sur les fruits noirs mûrs et une subtile volatile. La bouche est élancée, fraîche, avec une matière à la fois dense et soyeuse, intense, racée, et un fruit noble à l'environnement aromatiquecomplexe. La finale est droite, intense, avec des tannins concentrés bien fondus. Joli !
Château Pressac 2019 : la robe est proche. Le nezaussi. La bouche est plus ample, plus juteuse, avec une aromatique proche, mais avec plus de tension et de fraîcheur. La finale prolonge la bouche en l'intensifiant. C'est très beau !
Château Pressac 2020 : la robe est plus violacée. Le nez est fin, fruité, plutôt discret. La bouche est plus dense, plus charnue, plus puissante, plus solide, avec un fruit fougueux, épicé. La finale est puissante, tannique, mais classe et généreuse, avec une persistance épicée. C'est moins mon truc, mais faut reconnaître que c'est bien fait.
En plus de vins de haut niveau, nous avons eu la chance d'avoir un guide drôle, chaleureux, très pointu techniquement, enchaînant les anecdotes aussi savoureuses que ses cuvées. Ce qui fait que les deux heures que nous avons passées à Pressac sont certainement les plus mémorables de ce périple.