Superbe repas chez Azurmendi (Bilbao)
Azurmendi est peut-être le restaurant basque triplement étoilé le moins connu en france. Peut-être parce que l'ascension de son chef, Eneko Atxa, a été fulgurante. il a ouvert le restaurant en 2005, et a obtenu sa troisième étoile sept ans plus tard. Peut-être aussi parce qu'il ne fait pas une cuisine aussi moderniste et spectaculaire qu'Andoni Luis Aduriz, même si comme nous le verrons, il a vrai sens de la mise en scène.
Le restaurant 3* est situé tout en haut d'une colline où pousse également la vigne...
et paissent les moutons.
Encore au-dessus du restaurant, une serre pour protéger certaines plantes de l'hiver et préparer les plants pour la saison suivante. . Mais elle sert également de vitrine sur la démarche durable de l'établissement.
Et en contrebas, il y a un restaurant 1* plus accessible, Eneko, ainsi qu'une "bodega", Gorka Izagirre.
À peine arrivé dans le hall d'accueil, je suis pris en charge par un serveur qui s'occupera de moi durant tout le repas, car c'est celui qui parle le mieux le français. 30 secondes plus tard, j'ai un verre de vin blanc du domaine dans la main...
et on m'emmène faire un pique-nique à côté d'une fontaine.
Au programme, un sorbet au piquillos (d'une rare intensité), un tartare de porc ibérique bien épicé, une brioche salée garnie d'une crème fouettée finement fumée, et d'un bouillon au haricot rouge possédant la puissance et l'onctuosté d'un fond de boeuf. Quant au vin, il allie rondeur, fraîcheur et gourmandise. Il se descend à vitesse grand V.
Puis on m'emmène dans la cuisine où je vais faire une mini-dégustation autour de la truffe.
D'abord, devant moi, un cuisinier vide un jaune d'oeuf de son contenu avec une seringue...
... avant de le remplir avec un jus de truffe chaud et concentré.
Mais avant de le goûter, je dois d'abord découvrir ...
... un macaron à la truffe (pas trop sucré) et un Marianito à la truffe
(apéritif basque à base de vermouth et d'agrumes).
Le jaune d'oeuf truffé est extra (le meilleur des 3 bouchées)
Puis nous passons dans une pièce adjacente où se trouvent 4 "tableaux" différents comprenant chacun une mise en bouche. J'ai entouré celle du premier pour que vous puissez la répérer, car elle est très bien fondue dans le décor. Je n'ai pas trop compris avec quoi elle était faite, mas elle était à la fois crémeuse et croustillante, complexe aromatiquement, dans un régistre terrien / fumé.
Puis il m'est servi un verre de cidre basque qui contient encore pas mal de sucre. J'ai cru comprendre qu'il était fait à base de pommes qui ont été conservées longtemps avant d'être fermentées (d'où des notes très confites).
Lorsque le serveur ouvre le coffret, de la fumée s'échappe. C'est une poche d'oeufs de saumon qui est fumée et maturée. Ce n'est pas elle qui est servie directement (elle reste entière pour le "show"), mais elle sert de base à la mise en bouche suivante.
A l'interieur donc, des oeufs de saumon. Et entourée par une feuille de nori. Très bon !
Pour finir, dans un décor qui rend hommage aux moutons du domaine
Un fromage de brebis tendre mais trèèès affiné entourée d'une fine meringue croustillante colorée d'un peu de charbon (enfin je suppose).
J'ai enfin le droit de passer à table :-)
Dans les minutes qui suivent, une nouvelle série de préparations arrive. Au mileu de la rose, une sphère finement croquante contenu un nectar de Txakoli parfumé à la rose qui s'écoule doucement dans le gosier. A droite, une "tige de fleurs" (de l'alysse odorante) contenant une crème très délicate, finement florale, à mi-chemin entre sucré et salé, contenue dans un "tube" croustillant. Dans le "godet", une eau florale très délicate, elle aussi, au charme irrésistible.
Et puis une fausse feuille à base de tomate hyper réduite / concentrée, avec un côté très umami. Dans un premier temps, elle croustille, puis elle fond ensuite, persistant longuement en bouche.
Durant le repas, je me suis contenté de deux verres de ce Vidonia 2020, un vin provenant des Canaries issu de vignes centenaires de Listan situées à 350-400 m d'altitudes. Il conjugue finesse, tension, gras , arômes subtilement fumés / caillouteux. Il a réussi à se marier avec à peu près tout.
Le plat suivant s'appelle "citronnelle"
Au milieu des citrons entiers, il y en a un qui est vidé et rempli d'un jus de citron ultra-concentré au point d'en être sirupeux, sucré juste pour rendre l'acidité supportable, et qui masque une crème de foie gras qui se marie très bien avec, les deux s'équilibrant parfaitement. Je retiens l'idée, pas trop compliquée à exécuter. Je n'exclue pas qu'il y avait un peu de citronnelle qui aromatisait le jus (d'où le nom du plat).
Un bao (pain cuit-vapeur)
... que je vais tremper dans l'huile d'olive en haut à droite. L'huître est cuite en tempera et a une texture et température parfaite. Le jus d'herbe et olive est la vraie vedette du plat. Les herbes apportent la couleur incroyablement intense, mais on ne les sent pas. Ce jus a un goût d'olive comme je n'ai jamais ressenti : vous êtes totalement submergé par celle-ci. Et curieusement, il ne fait pas gras du tout. Je serais curieux de savoir comment il est préparé.
Le pain de maïs accompagne les crevettes
Un plat ultra-sobre et en même temps magnifique, mettant en valeur la chair des crustacés. Il faut avoir des matière premières de haut niveau pour se permettre de les servir crues, avec très peu d'assaisonnement. La chair résiste une seconde aux dents avant d'offir son moelleux, sa "jutosité marine" et sa sensualité. Et plus étonnant, sa grande douceur. L'espèce de mayo doit être faite avec les carapaces. L'huile d'herbes est bien parfumée, mais n'écrase pas le reste.
Le plat s'appelle "jardin glacé". Il repose sur un sorbet d'eau de tomate (le blanc), d'eau de tomate gélifiée (le rouge), les deux étant aussi intenses que délicats. Les autres légumes sont crus, y compris le mini-panais, et donc croquants, mais naturellement doux. C'est vraiment très bon !
Un plat qui se mange en deux temps. D'abord une tartelette de caviar de petits pois (ces grains minuscules tendres, juteux, sucrés) avec une gelée de porc ibérique. Le fond de la tartelette est très fin et craquant. On touche ici au sublime... tout en restant "simple".
Puis un bouillon d'herbes fumé qui évoque presque certains thé chinois. Très bien et réconfortant.
Le repas se poursuit avec un homard grillé, jus de poivron et oignon rouge de Zalla. Cuisson parfaite (à savoir quasiment nacré à l'intérieur et bien doré à l'extérieur). Dans le jus, il y a aussi du homard, car il n'a pas que le goût de poivron. Extra.
Puis des kokotxas de merlu, plat basque par excellence. La sauce bien moelleuse est une émulsion d'huile d'olive et d'ail des ours (ça en a le goût, en tout cas). Le plat que j'ai le moins aimé même si je ne peux rien lui reprocher. Juste pas mon trip.
La salle s'est bien remplie. Au départ, nous n'étions que deux tables. Finalement, elles étaient toutes occupées. Faut dire que 1) l'espagnol est décalé par rapport au français pour l'heure des repas 2) avec le parcours très individuel du départ, il faut que chaque tablée arrive en décalé, car sinon, ce serait ingérable. Mais ce serait difficilement envisageable en France.
Peut-être (non sûrement) le plat du jour : une castañeta de porc ibérique longuement confite puis cuite en tempura (pour avoir une fine couche croustillante), recouverte de son jus de cuisson sirupeux et de lamelles de truffe. Tuerie totale d'une puissance gustative qui n'a rien à envier au lièvre à la royale. C'est en fait la glande salivaire du porc, qui à ma connaissance n'est pas utilisée en France. Il n'y en a que 50 g par bête. C'est donc de la denrée rare. En texture, c'est proche du ris d'agneau (mais ça se défait plus) et en goût, c'est giboyeux.
Un délicieux cornet à la crème de châtaigne.
On me prépare en direct mon premier dessert
Voilà : alors au fond, il y a un curd d'herbe, de fleur et de miel (base de brebis frais, de mémoire). Puis un granité aux fleurs et au miel. Et un "espuma" très floral et délicat. Il y a des variations de textures et de températures avec la fleur d'alysse odoratante en commun. C'est très très bon et fait du bien en fin de repas.
Fleurs d'alysse
Le dernier dessert marie le chocolat et l'olive noire. La ganache à gauche est incroyable de puissance chocolaté. Au milieu, une glace à l'olive noire (toute en finesse) et à droite, un moelleux au chocolat très peu sucré. Un délice !
J'ai eu droit à une visite des cuisines et à un échange avec le chef. Je lui ai dit avoir adoré la castañeta, et beaucoup aimé le reste du repas.
Mon fauteil pour boire le café ;-)
Il y avait des choix plus classiques, mais ça changeait un peu de l'ordinaire
Le café
Les mignardises
Un macaron, deux chocolats fourrés, une guimauve au chocolat, deux pâtes de fruits et une praline à la châtaigne. Tout très bien, peu sucré. Les deux pâtes de fruits étaient bien acidulées. C'est bon jusqu'au bout !
Azurmendi est une bien belle découverte. Je n'avais jamais fait un repas qui ressemble à celui-ci, avec des scénographies assez impressionnantes par rapport à la taille des bouchées. Le restaurant souhaite vous faire vivre une expérience. C'est réussi. On pourrait trouver que les portions sont un peu chiches. Mais en fait, c'est juste ce qu'il faut pour ne pas saturer avant la fin. Cela dit, j'ai lu dans cet article que vous pouviez reprendre de n'importe quel plat sans frais supplémentaires. Ils ont oublié de me le dire, les coquins. J'en aurais bien repris un ou deux...
Par contre, comme à la Grenouillère, ça n'a pas l'air de trop se renouveler. C'est donc une expérience à ne faire qu'une fois pour prendre le plaisir maximum.
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Où : Barrio Legina s/n 48195 Larrabetzu (Bizkaia), 30 € depuis Bilbao en taxi.
Prix moyen : 300 euros.
Réservations : 94 455 83 59 et leur site internet