Restaurant l'Air de Rien à Esneux
Cela fait 6-7 ans que j'ai lu de belles choses sur le restaurant l'Air de Rien par l'ami Jehan du Verre et l'assiette. Mais je n'avais pas eu encore l'occasion d'y aller lors de mes vacances belges. Soit il n'y avait pas de place. Soit je n'avais pas le temps. Cette fois, les étoiles étaient alignées, et j'ai enfin pu découvrir la cuisine de Stéphane Diffels que j'avais croisé une fois dans une micro-brasserie.
Le restaurant est situé dans une belle maison en quasi-campagne, remarquablement aménagée. L'ambiance dépouillée, naturelle, colle parfaitement avec l'identité gastronomique du chef où le produit local et de saison est privilégié.
Du matériau brut. Pas de nappe ni de bibelot superflu. Mais tout de même une façon décalée de placer les couverts sur la table.
En attendant Ludovic, j'ai commandé pour l'apéro un kombucha à la verveine. C'est très agréable, mais j'ai beau chercher le goût de la verveine, je ne le trouve pas. Pas plus que je ne trouve de bulles, alors que jusqu'à maintenant, les kombuchas que j'avais bus étaient gazeux. Pas grave. Tant que c'est bon !
Ludo étant arrivé, le repas commence par une première série de mises en bouche. De gauche à droite, un gaspacho de chou-fleur, sorbet à la pomme (mais il y avait autre chose d'intrigant) ; neige de foie gras (mais pas que, il y a du crémeux et gourmand en dessous) ; Moule frite (très revisité, mais les moules et les pommes de terre sont bien là).
Puis des maatjes cuits au flambadou (remis à la mode par Adrien) : top ! La "tuile" en dessous est super croustillante. Le maatjes est un jeune hareng
Nous continuons avec une alliance bulot/langoustine/ris de veau (miam !)
Puis une très bonne mousse de coques à la lavande (originale sans être dérangeante).
Le tout avec une Folle Blanche 2020 de Vincent Caillé. C'est rond, frais, gourmand, très désaltérant. On sent que la seule vocation de ce vin est de procurer un plaisir immédiat. C'est réussi !
Première entrée : la truite d'Ondenval en deux préparations.
avec des haricots verts, des salicornes et des framboises
en rouleau de chou-rave et des lentilles.
J'ai nettement préféré la première assiette. Les framboises vont en fait très bien avec le reste. C'est plus leur côté frais et acidulé qui ressort ici. La cuisson de la truite est parfaite. Pour la seconde, même si la présentation est jolie, je n'ai pas trop compris ce que voulait faire le chef. Et comme je ne suis pas un fou de lentilles (sans les détester), je n'ai pas accroché.
On nous demande de choisir le vin qui va accompagner le plat suivant. Je prends le Calcarius 20, et Ludo le Fleur de roche 2018 des Hauts de Caillevel. J'aurais parié que le Calcarius contenait du muscat, car il a un côté floral (rose, fleur d'oranger) et des notes d'agrume (pomelo) et de pêche blanche. La matière est pulpeuse, goûtue, très rafraîchissante. Du joli vin nature, là aussi sans prétention.
Le beurre ... qui a un bon goût de beurre !
Et le pain, tiède et croustillant. Je vous raconte pas les deux ensemble...
Voici la barbue, avec des feuilles crues et de la rhubarbe fermentée. La cuisson est superbe, la sauce à tomber. Et l'idée des feuilles crues est à la fois impertinente et maline. Elles apportent de la fraîcheur et du croquant à un plat très très tendre, presque crémeux.
Le rouge qui va accompagner la suite : Easy rider du Vieux Moulin (Languedoc, Carignan et Cinsault). Comme les vins précédents, on est sur un vin d'esprit "nature", rond, fruité, gourmand, facile d'accès. C'est agréable, mais un peu frustrant à la longue pour un amateur de vin "classique".
Jaune d'oeuf façon carbonara, courgette. En fait, ce sont des spaghettis de courgettes cuites al dente avec du lard croustillant, un jaune d'oeuf au centre cuit en basse-temp, une émulsion (oeuf/crème ?/lard, je présume) et du Valèt de Waimes rapé. On a vraiment l'impression de manger des carbonara, sans les habituelles pâtes. C'est très très bon et malin (je vais copier !).
Ah ben voilà un vin un peu moins nature sans être toutefois classique. Ce Marcillac Lo Sang del Païs 2019 du domaine du Cros est souple, épicé, avec un fruit plus sobre (mais plus complexe) que les vins précédents, une finale sanguine / ferreuse /poivrée. Mon vin préféfé du jour (que je vends, pour être honnête).
Avec le vin du jour, le plat du jour, le boeuf de chez Lothar en deux préparations : comme un gravlax, chimichurri et confit, tomates carottes. Préparant le boeuf en "gravlax" depuis plusieurs années, je n'ai pas été surpris de la méthode, mais son mélange d'épices est extra, et transcende totalement le plat, lui donnant même un côté craquant très agréable. La version confite est un summun d'umami. J'ai rarement mangé de la carotte aussi goûteuse. Si toutes les textures sont très fondantes, chacune a ses propres caractéristiques, rendant chaque bouchée très différente, avec le plaisir pur en constante. Tout petit en taille, mais grand plat. Et l'accord avec le sanguin marcillac est parfait.
Pour le dessert, il nous est proposé soit un Poiré de Bordelet, soit une bière Ondée 2020 produite par la Brasserie de Liège pour l'Air de Rien. Comme le kombucha, elle est censée être aromatisée à la verveine. Là encore, j'ai beau chercher : je ne trouve pas une trace de verveine (je commence à me demander si l'on parle de la même plante en Belgique et en France). Mais elle est bonne ; efferverscence fine, légèrement ambrée, avec juste ce qu'il faut d'amertume et d'épices. En terme d'accord, ce n'est tout de même pas exceptionnel.
Sorbet à l'oseille, granité à l'aneth. Vu que le sorbet à l'oseille est un peu une obsession chez moi, je ne suis pas trop surpris par ce premier dessert. C' est évidemment très bon, rafraîchissant, mais j'aurais aimé un peu plus de folie et de complexité (tout en ayant conscience que pour 90 % des gens, ça doit être une super découverte).
Le deuxième dessert est composé de glace à la pomme de terre, de cerises et de crumble au chocolat blanc. J'ai goûté en premier la glace, me disant qu'elle risquait ensuite d'être écrasée par ses voisins. Elle est extra, toute en subtilité, avec ce goût de peau de pomme terre dorée au four. Une belle découverte. Mais comme je le craignais, une fois que l'on mange le reste, pfff, on ne profite plus que de la texture et du côté rafraîchissant. Cela donne envie de faire un plat 100 % pomme de terre (et éventuellement un peu de cacao ou de noisette pour éviter l'austèrité). Mais comme pour le dessert précédent, je comprends que le chef ne veut pas faire dans le trop clivant.
Des financiers sortant du four pour accompagner le café.
Si mon appétit a été largement satisfait, je suis tout de même resté un peu sur ma faim. Au fil de mes lectures, j'imaginais un chef qui allait jusqu'au bout de ses idées, même les plus folles, n'hésitant pas à remuer ses convives. Dans ce repas, j'ai capté de belles fulgurances, mais avec l'impression qu'il "retenait ses coups". Je comprends qu'il veuille éviter de mettre ses clients K.O. mais lorsque je fais ce genre de table, c'est justement ce que je recherche. D'où un léger sentiment de frustration malgré de très jolis plats (la barbue, l'oeuf, le boeuf). Mais bon, j'ai conscience d'être un client un peu particulier, et je n'ai pas de doute que l'immense majorité des gens sera comblée. Ce fut malgré tout un très bon moment qui m'a permis de discuter avec Ludo de notre repas d'anniversaire de l'année prochaine...
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