Echauffement à la Belge
Le soleil devient rasant : il est l'heure de démarrer l'échauffement des papilles afin d'éviter un claquage dimanche prochain.
Comme nous sommes en Belgique, cela commence forcément par une bouteille de Ruffus. Ici, la version Brut Sauvage, à savoir non dosée. Je le trouve plus racé et séveux que dans ma mémoire, avec des bulles fines bien intégrées. Par contre, si l'absence de sucre en finale convient bien, l'amertume me semble un peu trop marquée. Y a du progrès, mais peut mieux faire.
Un délicieux saucisson fumé aux fruits secs. Belge, of course.
Ce Champagne 1er Cru 1996 de Saint-Gall est mon apport. Il provient de la même source que la bulle dégustée dimanche dernier, mais il n'est pas au même niveau. Rien à redire sur la robe dorée. Ni même sur le nez, mêlant les fruits secs à la brioche et à la pomme rôtie au beurre. La bouche démarre bien, avec une belle tension qui ne vous lâche plus, et une matière dense et mûre, soutenue par de nombreuses micro-bulles délicates. Non, le problème, c'est un arrière-plan aromatique dont on ne sait trop s'il est liégeux ou poussiéreux / champignonné . En tout cas, ça parasite un peu le plaisir. S'il n'était pas là, on serait dans l'excellence. Mais voilà... La finale tonique et complexe sur l'agrume confit et les fruits secs, essaie de rattraper le coup, mais le mal est fait : je ne pense plus qu'à ça. J'en ai une seconde bouteille : si c'était un problème de bouchon, j'ai une chance qu'elle soit meilleure que celle-ci.
Dernières secondes avant le service. Au programme, Limousine (Cocorico !) et Angus.
En accompagnement, un tian provençal et des pommes de terres rôties
Premier vin amené par Didier, servi à l'aveugle. La robe est grenat bien sombre, légèrement évoluée. Le nez est séducteur, sur les fruits noirs confits, la truffe, les épices douces, le sous-bois. La bouche est élancée, dynamique, tout en déployant une matière douce, sensuelle, aux tanins superbement polis. Aromatiquement, on reste sur des fruits noirs bien mûrs, encore plus d'épices, et des notes tertiaires plutôt classieuses. La finale reste tactilement douce, mais gagne en fraîcheur et en tonicité avant que ne reviennent les épices qui persistent longuement.
Nous avons mis un certain temps à partir en Espagne. Mais en procédant par élimination et en connaissant les goûts de Didier, il ne restait quasiment que cela de possible. C'est un Ribera del Duero Valbuena 5° 2011 de la bodega Vega-Sicilia (élevage de 5 ans, repos en bouteille inclus).
Puis Ludovic nous sert un Mouton Rothschild 1986 (Pauillac). La robe est grenat translucide avec quelques reflets tuilés. Le nez très expressif est médocain à donf, sur le Havane, le cèdre, l'âtre de cheminée, un léger cassis, mais aussi le poivre et le cacao. Dès l'attaque en bouche, vous êtes saisi(s) par la tension énergique, traçante, rapidement enrobée d'une matière d'une grande densité aux tannins polis par le temps. L'aromatique persiste dans le registre médocain, donnant un vin plutôt austère, janséniste, manquant de gourmandise et de folie. L'effet séquence (passer après le Valbuena) ne doit pas arranger son cas. Itou pour la très longue et intense finale, dominée par le tabac et l'âtre de cheminée, avec une touche mentholée qui apporte de la fraîcheur.
Camembert FRANÇAIS au lait cru chauffé dans sa boîte au BBQ
Il est servi avec un deuxième vin amené par Didier : c'est un Uerziger Würzgarten Riesling Auslese*** 1989 de Christoffel-Berres. La robe est d'un or intense légèrement cuivré. Le nez est magnifique et très complexe, sur le terpène d'agrumes, la térébenthine, les fruits exotiques rôtis , le gingembre confit, la citronnelle... et j'en passe. Tu passerais des heures à le renifler. La bouche est longiligne, étirée par une fine acidité qui file droit, et dotée d'une matière mûre, riche, très onctueuse pour un Riesling (11 % d'alcool, ce qui est plutôt élevé pour un Auslese et laisse penser que le degré potentiel était élevé). La finale monte encore d'un cran dans la richesse tout en intensifiant la fraîcheur, avec le retour de la fantastique palette aromatique perçue au nez. Orgasmique (et accord aussi magnifique qu'inattendu avec le camembert).
Et le Mosel va très bien aussi avec l'exceptionnelle tarte au riz amenée par Didier (venant de la boulangerie où travaille son frère). Je ne me suis jamais autant éclaté avec un dessert à base de riz. On est dans le régressif absolu ... et ça fait un sacré bien !