Mon repas d'anniversaire français
Ce n'est pas parce que je fête mon anniversaire avec mes amis belges que je dois boycotter ma bande de Limoges. Nous passons de tels beaux moments au fil de l'année que je leur dois bien ça. Cette année, j'ai décidé d'innover en préparant un repas axé entièrement sur le végétal, même si je ne me suis pas interdit des produits "animaux". Ce n'est pas demain que je vais virer végan. Mes amis pourront en témoigner : la viande et les poissons/crustacés ne s'avèrent pas si indispensable que ça pour faire de beaux accords avec les vins.
Pour démarrer, un cromesquis autour de l'oignon : à l'intérieur, une crème liquide au lard fumé et à l'oignon roussi qui évque la flammkueche ; à l'extérieur, de l'oignon frit. Il faut le manger en une seule fois, car c'est très coulant...
Pour l'accompagner, une bulle un peu particulière. J'ai servi à l'aveugle – comme tout le reste – un Verdelho Reserva de Barbeito dilué à 1/3 d'eau gazeuse. Cela lui apporte un perlant et de la fraîcheur tour en lui enlevant de l'alcool. La couleur passait de l'ambré à un très joli doré que l'on pouvait admirer durant le service puisque j'avais transvasé le mélange dans une bouteille de Fargues 1990 ;-)
L'accord avec le cromesquis était vraiment top. Je ne regrette pas mon audacieux "bidouillage".
Le premier plat est un "vrai-faux" citron sur une gélée de pomme verte et kombu
(et prises dans la gélée des fleurs de bourrache et des feuilles d'huître)
On casse la coque et apparaît une crème : elle contient du lait fermenté parfumé au pomelo, du citron confit en brunoise, des milliers de petites billes de citron caviar, de la salicorne, de la feuille d'huître hachée, du tofu fumé et de courgette pour le croquant.
Il a été servi avec un Muscadet Gorges 2012 de Vincent Caillé. La nez était dominé par le citron (ça tombait bien !), avec des pointes minérales et marines. La bouche était ample, fraîche, avec une acidité tonique et des notes d'agrume. La finale est marquée par le mix amertume/astringence que l'on trouve dans l'écorce de pomelo (voir de citron). Le tout fonctionne bien. La seule chose que l'on peut lui reprocher est d'être le vin le plus faible de la journée (il est bon, mais ne pas monter au 7ème ciel). Faut dire qu'il n'était pas prévu au départ : ce devait être Comtesse 2008 de Boulay qui m'a paru trop évoluée (très miellée).
Arrive ensuite une variation sur le chou-fleur
Il y a une crème de chou-fleur dans laquelle il y a des "grains de chou fleur" (dans l'esprit d'un risotto) issus de la moelle et des tiges. Il y a une tranche de chou-fleur snackée au beurre. Et puis du chou-fleur séché en fin copeaux (avec aussi des cristaux de beurre noisette, des noisettes torréfiées et du sarrasin japonais.
Dès que l'on verse le vin dans le verre, on se dit qu'on passe aux choses sérieuses : la couleur est d'un or intense, avec une sensation de gras. Le nez est envoûtant, sur le citron confit (salé), le beurre noisette, la fumée, une pointe d'orange, une touche de silex... La bouche est très tendue sans qu'il y ait besoin du soutien de l'acidité, et en même temps très ample, enveloppante, avec une matière grasse, séveuse, réussissant à ne pas être lourde du tout. L'équilibre est magnifique. La finale explosive vous propulse direct au nirvana, avec un retour puissant de l'écorce d'agrume confit et de la fumée, se poursuivant sur des notes hésitant entre l'hydrocarbure et la Chartreuse. Pfffiou, ça envoie ! Il y a eu une grosse discussion pour deviner ce qu'était ce vin. Une majorité penchait pour un Chardonnay. C'est en fait un Palette Château Simone 2005.
L'accord n'est pas "fusionnel" mais fonctionne très bien : il sert de rampe de lancement au vin qui passe de très bon à magnifque.
On se dit que le plat suivant aurait pu souffrir de passer après ce beau moment gastronomiquie. Eh bien, même pas. Cette variation sur la carotte va encore monter le curseur d'un cran ! Dans l'assiette, il y a des jeunes carottes cuites au four en papillote avec du beurre, du gingembre et du jus de mandarine, de la purée de carotte jaune au cerfeuil, du jus de carotte réduit à la mandarine et une pointe de gingembre, des chips de carottes et un guacamole au citron vert et à la coriandre.
Le vin suivant a une robe encore plus intensément dorée que le précédent, avec des reflets cuivrés. Le nez monte aussi d'un cran : mandarine, écorce d'orange confite, terpène d'agrume, gingembre confit. La bouche repose sur une acidité laser qui vous happe dès l'attaque et ne vous lâche plus, enrobée par une matière à la fois dense et aérienne (7 % d'alcool...) qui évoque des fruits très mûrs, confits. L'équilibre est superlatif, avec cette acidité cristalline en balance avec la richesse du vin. Il y a des sucres en final (environ 70-80 g, j'imagine), mais ils passent tout seul grâce à la fraîcheur et à une noble amertume (écorce de mandarine), avec une persistance sur le gingembre et des fines notes fumées. Magnifique. Il n'y a de doute pour personne que c'est un Riesling allemand : c'est un Riesling Auslese *** Wehlener Sonnenuhr 1996 de Jos. Christoffel Jr.
L'accord pour le coup est totalement fusionnnel et touche à l'orgasmique. L'accord de la journée pour la plupart des participants.
La couleur du plat suivant l'indique : nous passons au(x) rouge(s). C'est de la betterave présentée comme un tartare , avec un oeuf de caille, de la salade pourpre et des croutons. Une fois l'assiette servie, je verse un jus tiède issu de griotte, betterave et framboise.
La robe est d'un pourpre intense, peu translucide. Le nez est très expressif, sur les fruits rouges et noirs (cerise, mûre, myrtille, framboise) et un peu de poivre et d'épices douces. La bouche est ronde, pulpeuse, fraîche, avec un fruit d'une pureté et d'une intensité rares. C'est d'la bombe, et en même temps, on n'a jamais l'impression que le vin en fait trop. La finale a une légère mâche gourmande, où là encore le fruit prédomine, prolongé par les épices. Un vin à l'hédonisme insolent qui réussit à vous faire oublier les vins précédents. Même si Olivier devine que c'est un vin issu d'une carbo, personne ne devine que c'est un Gamay du Beaujolais (ce qui est plutôt un compliment) : Côtes de Brouilly La Chapelle 2016 de Château Thivin.
L'accord se fait sur la sauce qui fusionne totalement avec le vin : on ne sait plus trop si l'on boit la sauce ou l'on mange le vin. Ou l'inverse. Une belel et profonde immersion dans le fruit, sans jamais se noyer ;-)
Ce plat parait austère à première vue. En fait, le chapeau de Portobello cache un mélange de trois champignons snackés séparément (pleurottes, shiitake et girolles) et une mousse de champignon de Paris. Et je versais ensuite une sauce à base de vin rouge (Bordeaux fruité), cèpes, échalotes et lardon fumé.
Le vin servi a une robe grenat translucide légèrement évoluée. Le nez est fin et assez complexe, sur le cassis, la ronce, le tabac, le sous-bois et une pointe de truffe. La bouche est élancée, avec une matière toute en finesse, caressante, qui se densifie peu à peu. Même si les notes tertiaires sont présentes, le fruit est encore bien là. La finale est un peu plus ferme sans devenir dure, avec une dominante du cassis et du tabac. Ce n'est pas hyper long, mais très bon. Autour de la table, on part plutôt en Bourgogne à cause de la texture. Du tout, c'est un Bordeaux : Saint-Emilion 1er GCC Château Belair 1999.
L'accord avec la sauce et les champignons fonctionne : le plat fait ressortir le fruit du vin.
Il est difficile de ne pas finir une série de rouges sans un vin sud. D'où ce plat très méditerranéen où l'aubergine prend la place de l'agneau sur le grill (elle est hyper fondante à l'intérieur). Le tout est fumé à l'instant au romarin (avec une cloche). Le crumble noir est composé d'olive séchée, de parmesan, d'herbes de provence pulvérisées et de chapelure.
J'ai quelques vins meilleurs que celui-là dans ma cave, mais j'ai choisi ce Minervois C 2011 de Centeilles car nous l'avions bu tous ensemble l'année dernière à l'Astrance avec du pigeon et nous nous étions régalés. Je l'ai trouvé plutôt plus jeune et puissant qu'en 2017, mais on retrouve la belle aromatique sudiste (pas trop appuyée), un fruit toujours bien frais et des tannins tous doux. Il est – forcément – à l'aise avec ce plat sudiste. Tellement évident, qu'au final, l'accord n'est pas plus marquant que cela.
Dans ce menu très végétal, je n'ai pas fait une croix sur le fromage, tout en le rendant minoritaire. Sous cette crème de maïs chaude, il y a des dés de jeune comté qui fondent légèrement. Dessus, du comté rapé 24 mois, des pop corn salés et une glace au pop corn.
Pour lui tenir compagnie, un "mythe" du Jura : Les Vignes de mon Père 1999 de Jean-François Ganevat. Ce vin est resté 115 mois en demi-muids, soit pas loin du double d'un vin jaune (en étant ouillé, lui). La robe est dorée, mais pas plus que ça. Le nez évoque un élevage réducteur à la bourguignonne : pétard, sésame grillé, brioche chaude. Par contre, la bouche est jurassienne, avec l'acidité bien traçante du Savagnin, heureusement enrobée par une matière toute douce, aérienne, faussement légère. Le contraste est assez étonnant et peut surprendre (il n'a pas plu à tous autour de la tablée.
Le dessert était un clin d'oeil aux spaghetti bolognaises. Cela peut paraître lourd : il n'en est rien. Les "pâtes" sont de la pomme verte "rapée" à l'instant. Les "tomates" sont du sorbet à la fraise. La viande sont des financiers à la noix de pécan ramollis par un jus rhubarbe/fraise. En dessous, il y a un sorbet à la citronnelle. Le parmesan est un mélange beurre/beurre cacao/huile essentielles de citron et zeste de combava. Bref, c'est fruité et rafraîchissant.
Je n'ai pas servi un vin avec le dessert, mais un jus de rhubarbe légèrement "fraisé" et passé en siphon avec une cartouche de gaz carbonique. J'obtiens un "champomy" de rhubarbe/fraise. C'était délicieux et l'accord fonctionnait impec (mêmes ingrédients que dans le plat.
En mignardise, des mini babas au yuzu (avec du caramel au yuzu dans le "trou" du dessus.
Et pour finir, un café avec un financier à la noix de pécan et un chocolat au lait au caramel craquant.
C'est tout pour aujourd'hui. Les recettes suivront...