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A boire et à manger
8 septembre 2018

Le Cru Gorges fête ses 20 ans. J'y étais !

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J'ai été invité avec quelques journalistes et blogueurs à participer au 20ème anniversaire du Cru Gorges, terroir emblématique du Muscadet. Comme je ne connaissais pour l'instant que deux domaines produisant des vins de cette appellation – Michel Brégeon et Vincent Caillé – c'était l'occasion idéale pour découvrir les autres. Cela s'est révélé passionnant, car la palette des styles est pour le moins diverse.

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Une roche de Gabbro, d'une densité hors du commun

J'en connais qui vont vérifier sur leur tablette la date de naissance de Gorges et constater que le cru a été reconnu en 2011 par l'Inao. Tout à fait. Mais l'association des vignerons du Cru Gorgeois est bien née officiellement en 1998. Elle faisait suite à des discussions entre cinq vignerons en 1996-1997 qui se rendaient bien compte que les vins issus de leurs parcelles de gabbro avaient une personnalité méritant d'être valorisée. Ils ont donc mis en place un cahier des charges plus strict que de nombreuses AOC prestigieuses :

- sol de Gabbro (forcément)

- cépage Melon de Bourgogne

- rendement maximum de 40 hl 

- degré minimum :  11 °

- élevage sur lie de 24 mois minimum

- dégustation en agrément par un jury d'experts  sur lot embouteillé

Aujourd'hui, ça parait presque banal, mais à l'époque, ça a fait du ramdam au pays du Muscadet. Au point que le syndicat de vignerons local a fini par prendre cela au sérieux. En 2001, l'idée a été émise de créer une hiérarchie à trois niveaux : un Muscadet "générique", un "sous-régional (par ex Sèvre et Maine ou Côtes de Grandlieu) et enfin le Cru au sommet. Dix ans plus tard, trois crus ont été reconnus : Gorges, Clisson et Le Pallet, suivis deux ans plus tard par 7 autres qui sont détaillés ICI

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L'ensemble des dix crus réprésente une surface de 200 ha et une centaine de vignerons. Autant dire que nous sommes vraiment à l'échelle de l'artisanat comparé par exemple au Médoc où de nombreux châteaux dépassent les 100 ha à eux tout seul. D'où leur difficulté à communiquer pour les faire connaître au grand public (j'avoue pour l'instant n'avoir jamais dégusté la moitié de ces crus...). 

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Gilles Luneau, l'un des 5 à l'origine du Cru Gorgeois, aujourd'hui à la retraite

La journée a démarré au Moulin à papier du Liveau. Racheté par la commune de Gorges en 2001 alors qu'il était à l'abandon depuis un demi-siècle, il a été rénové pour faire découvrir au public le fonctionnement d'un moulin. Il y en avait autrefois une vingtaine tout du long de la Sèvre Nantaise. 

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François Bonhomme, vigneron de Gorges, et Anne Ruiz responsable de l'animation du moulin

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Anne Ruiz nous a fait rapidement visiter le moulin

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... et nous a montré comment fabriquer une feuille de papier.

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Nous sommes ensuite passés aux travaux pratiques – nous sommes là pour bosser, tout de même – avec des huîtres et un Muscadet Sèvre et Maine 2017 du Domaine du Vieux Puits. Il était intéressant à plusieurs titres

- il allait très bien avec les huîtres, alors que l'accord n'était pas évident avec la plupart des Gorges, trop ronds, et sur des aromatiques plus évoluées

- cela permettait de voir qu'un Gorges ne ressemble pas du tout à un Muscadet "normal"

- cela permettait de voir aussi qu'un Muscadet pouvait être frais et cristallin sans avoir une acidité agressive qui vous déchausse les dents. Il y avait une vraie délicatesse dans ce vin qui vous pousserait à en boire en quantité déraisonnable. 

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Puis nous avons bu toute une série de vins du Cru Gorges, avec ou sans fromage(s)

Roger et Fabrice Gautreau 2014 : le nez est complexe, mêlant les fruits blancs mûrs, les fruits secs, des notes minérales. La bouche allie ampleur et tension, avec une matière beaucoup plus dense que le précédent muscadet, tout en restant digeste et aérienne. La finale est nette, légèrement crayeuse, sur des notes d'agrume confit et de pierre humide. 

Gaec Blanchard 2013 : le nez est plus discret, sur l'amande (orgeat). La bouche se montre d'abord plus large et ronde que le Gautreau, puis avec l'aération, regagne en fraîcheur et en tension. Un vin assurément complexe, avec de multiples facettes. 

Domaine Brégeon 2013 "Les Vigneaux" (Fred Lailler) : le nez est plus frais, plus citronné/iodé, avec des notes de craie mouillée (cave troglodyte). La bouche est tendue, limite tranchante, avec une matière fougueuse, tonique. Ça déménage ! Pour le coup, celui-ci va très bien avec les huîtres. La finale est intense, avec le retour du citron, mais aussi de la craie, et l'astringence qui va avec. Comme tout vin du domaine Brégeon, il faut savoir l'attendre : on est superbement récompensé. 

EARL Barreau 2013 : le nez est plutôt austère, fermé. Par contre, la bouche est très jolie, avec une texture soyeuse, un gras subtil et une fraîcheur cristalline. Une totale évidence, avec de classe. Ça me plait beaucoup (environ 9 € au domaine !). 

Charbonneau 2009 : le nez est plus évolué, sur des notes de noisette, de mousseron et de beurre fumé. La bouche est ample, enveloppante, déployant une matière ronde, mûre, au toucher moelleux. C'est plutôt riche – millésime solaire – mais ça reste néanmoins digeste et équilibré. La finale est assez intense, avec un retour de la noisette et du champignon. 

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Nous partons vers Nantes. Mais avant, nous faisons un arrêt dans une vigne de Jean-Michel Barreau plantée en 1965 (53 ans). Il y a plein de pieds superbes, qui n'ont pas grand chose à envier aux gobelets de Châteauneuf du Pape (manque les galets, par contre...)

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Les raisins sont dorés et sucrés. Ils devraient être cueillis incessamment sour peu... 

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Joli, non ?

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Gilles Luneau, Fred Lailler, Christophe Boucher, Philippe Faure-Brac (parrain de cette journée)

François Bonhomme, Christophe Martin et Jean-Michel Barraud

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Nous voilà au restaurant l'Atlantide 1874 (1* au Guide Michelin), juste à côté du Musée Jules Vernes

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Fred Lailler inspecte la salle : tout est en ordre !

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Le chef Jean-Yves Guého en discussion avec Philippe Faure-Brac

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Vue sur la Loire depuis le jardin (fraisiers au premier plan)

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Mises en bouche  :

La demi-sphère est à base d'huître ; le maki,  de tourteau et bigorneau (très bien !)

le foie gras est de canard, et la tartelette à l'avocat.

Elles sont servies avec un magnum de Gorges 2000 de Christophe Boucher. Un vin admirable à touts points de vue : un nez complexe et profond sur le "beurre nantais", la noisette fraîche, le mousseron. Une bouche de grande ampleur, dotée d'une matière dense et charnue qui vous envahit sensuellement le palais, et d'une tension évitant toute mollesse. La fine mâche crayeuse de la finale, sur des notes de citron confit, de champignon et d'amande, vous emmène irrésistiblement vers un beau Chablis.  

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Le beurre aux armes du restaurant

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Huitre de pleine mer, gelée de pomme verte et caviar d'Aquitaine

Cette première entrée est accompagnée d'un Gorges 2014 de François Bonhomme.  On comprend rapidement pourquoi il a été choisi pour ce plat : le nez est marqué par le citron et les embrums marins. Un peu de fleurs blanches, aussi. La bouche est fine, tendue et aérienne, avec une finale caillouteuse/citronnée/saline. Très bel accord. 

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Ceviche de langoustines / condiment yuzu /cébette et jeunes pousses

Saluons la qualité exceptionnelle de la chair des langoustines : on confine au sublime. Cette entrée est servie avec un Gorges 2014 de Martin Luneau. Par rapport au vin précédent, on gagne en salinité et épices. Il est plus vineux, plus intense,  avec une chair moelleuse, presque onctueuse. Ce qui n'exclut pas la tension et un style racé. La finale est tonique, corsée (poivre). Superbe accord et excellent vin. 

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Volaille fermière de Treize Septiers aux écrevisses de Grandlieu et girolles crémées

Dans cette assiette généreuse, nous avons d'une part le filet de la volaille et de l'autre – enfin, j'imagine –  la chair de la cuisse en ballotine farcie avec les abats. C'est très bon, avec cette belle alliance avec les crustacés (j'allais écrire terre/mer, mais les écrevisses vivent dans  l'eau douce). Il nous est servi deux vins de Damien Rineau. D'abord un Gorges 2012 "Tour de Gallus" , sur des notes beurrées/citronnées/fruits blancs mûrs, une bouche charnue et fraîche et une finale mâchue.  Puis un Gorges 2010, plus évolué et complexe, avec un nez fumé, une bouche plus tendue et intense, énergique. Mais une finale plus fondue et harmonieuse, aux notes fumées/caillouteuses. L'accord fonctionne mieux avec le second vin, plus mature. 

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Fromage de chèvre foisonné et légumes craquants du potager

Il est accompagné par un Gorges 2013 de Thierry Rineau. Un vin plus vif et frais que les précédents, avec une acidité traçante. Cela va très bien avec fromage de chèvre et vous réveille les papilles à un moment où vous commenciez à vous assoupir. 

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Poire William pochée au bourru et poivre de Sichuan autour d'une conversation, sorbet verjus

Servir un Muscadet avec un dessert, le pari n'était pas gagné. L'idée de l'accompagner avec le Gorges 2000 de Christophe Boucher est des plus pertinentes. On a le sentiment de boucler la boucle, tout en ayant fait un beau voyage en terre gorgeoise. Et à ma grande surprise, l'accord est superbe. Le dessert fait ressortr les notes de fruit et d'amande du vin. Et comme le premier est peu sucré, le second ne parait pas du tout déplacé. Au contraire, il réussit à apporter de la fraîcheur et du peps au plat. On ne se lasse pas de passer de l'un à l'autre. Un régal !

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Quelques mignardises (dont un "hommage au Pépito", biscuit nantais !)

Un grand bravo au Chef et à son équipe

qui ont réussi à prouver que le Gorges est un vin de gastronomie !

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Nous terminons le journée à la Brasserie la Cigale, chef d'oeuvre du Modern Style.

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Les héros du jour

Les vignerons accueillent les sommeliers et les cavistes qui n'ont pas été invités aux festivités du reste de la journée.  Je pensais découvrir les autres millésimes des producteurs précédemment dégustés. Pour le coup, j'ai été un peu frustré, car c'était de nouveau les mêmes qui étaient servis (les professionnels ne les connaissaient pas, eux). Ce qui fait que je n'ai pas dégusté grand chose de nouveau. Enfin si, quelques uns, tout de même. 

La Pépière 2014 (raisins provenant du domaine Brégeon) : bouche ample, tendue, racée, avec une belle matière dense. Excellent !

Olivier Clenet 2009 : nez évolué et complexe. Bouche droite, à la matière vineuse et intense. Finale longue et énergique. Un vin à maturité, mais qui pourra tenir encore longtemps. 

Damien Rineau 2015 : très bel équilibre entre la fine tension et la générosité de la matière. Juste classe !

Joël Luneau  2014 : un vin plus aérien que ses confrères, de belle ampleur. Finale fraîche et nette. 

Christophe Boucher 2014 : à l'opposé de son 2000. On plus sur un style "brégeonien", avec une acidité vive, tonique, qui vous transperce le palais et l'âme, sans que ce soit agressif.  

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J'ai terminé la soirée en "hors programme" au restaurant Aristide avec une dizaine de vignerons. Cela permit de faire encore plus connaissance avec eux. Il faudra que je revienne les voir, car j'aimerais vraiment découvrir le reste de leur production. Les 12 coups de minuit avaient sonné depuis longtems lorsque j'ai rejoint ma voiture. Ouf, elle ne s'était pas transformée en citrouille !

Commentaires
S
C'est vrai que 2009 est solaire mais ce qui est aussi marquant c'est que les vignes de Denis Charbonneau se situent juste sur la faille entre granit et gabbro. C'est un Gorges qui "Clissonne": plus aromatique, moins acide.
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L
J'espère que quelques vins sont disponibles en Belgique... Cela ne me semble pas impossible mais, bon....:-)
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L
Tu as une vie difficile... 😉
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Quand deux passions se rejoignent pour n'en faire qu'une: la gastronomie
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