Le choc McCurry
Lorsque Didier, passionné de photographie, me propose de faire l'arrêt-retour pour aller voir une exposition Steve McCurry, je lui demande "Steve Mc quoi ?" McCurry, me repète-t-il. "Tu dois connaître au moins une des ses photos : la jeune fille afghane avec des yeux verts", Ah mais oui, bien sûr. Je ne connais qu'elle. Eh bien allons-y, ça devrait être intéressant !
Nous voilà donc parti à Bruxelles. En train comme pour aller à Bruges. L'exposition est à la Bourse, soit à 10 mn à pied de la Gare centrale. En route, on passe par la Grand Place qui est belle même lorsque le temps n'y met pas du sien. Comme il n'est que 10h30 du matin, ce n'est pas encore la queue à la caisse. Lorsque nous en sortons 3 heures plus tard, c'est une autre affaire...
La scénographie de l'exposition a des avantages et des inconvénients. Le public navigue dans un labyrinthe de tulle où l'on devine par semi-transparence les photos à venir. Cela donne envie d'aller dans telle ou telle direction pour aller voir une image qui vous a interpellé. Le souci, c'est qu'il n'y a pas un circuit précis à parcourir qui vous assurerait de voir toutes les photos. Il est donc assez facile d'en rater toute une série. C'est pour cela que ça demande des heures pour être certain de tout voir, quitte à repasser plusieurs fois au même endroit (les photos ont été prises avec mon smartphone, d'où la qualité approximative).
Le point fort de l'expo, ce sont les audiophones qui vous sont fournis à l'entrée. Ils permettent d'avoir le commentaire (traduit) du photographe sur une bonne moitiés des oeuvres : il suffit de taper le numéro affiché au pied de celle-ci , et de suite, Steve Mc Curry pourquoi il a pris cette photo. C'est parfois drôle, souvent émouvant, toujours intéressant. On ne s'en lasse pas !
Il est par exemple drôle d'apprendre que cet Indien est en train de chercher les clés de sa voiture qui sont tombées dans ce bassin adjacent au Taj-Mahal. Tout de suite, ça vous rend la chose plus humaine, plus proche de ce qui peut vous arriver.
Cette photo a été prise au Sri Lanka. Les pêcheurs peuvent rester ainsi des heures. Ces poteaux ont résisté au raz de marée qui a eu lieu peu de temps après alors que tout avait été dévasté sur la côte.
Des jeunes apprentis au monastère de Shaolin
Homme de la tribu des Rabari en Inde, en voie de disparition. Il est berger ... et magicien. L'orange vient du henné.
Pêcheur sur le lac Inle en Birmanie. Il va chercher des légumes car les jardins sont flottants.
Son art de l'équilibre est incroyable.
Bon, je vous la mets tout de même, cette photo de Sharbat Gula,
prise dans un camp de réfugié en Afghanistan en 1984
La même, 18 ans plus tard. On sent que la vie n'a pas dû être simple...
Photo prise par réflexe lorsque le taxi s'arrêtait à un feu. Steve n'a pas eu le temps d'échanger avec la femme.
Jeunes filles en tenue traditionnelle dans un restaurant à la décoration plus moderne
Enfants de la tribu Kara (Ethiopie) qui tentent de voir l'intérieur de la maison à travers la moustiquaire
Vieux moine tibétain à Lhassa (Tibet)
Egalement prise à Lhassa au Tibet
Berger de la tribu Kuchi (Cachemire)
Prise à Yanesha (Pérou). Rassurez-vous, c'est un jouet. Par contre, ce garçon est vraiment triste : d'autres enfants le chahutaient. Steve McCurry est allé le voir pour savoir s'il pouvait faire quelque chose. Mais le garçon était trop malheureux pour lui répondre.
On ne voit que les yeux, mais quel regard !...
En 2010, Kodak a remis à Stevec McCurry le dernier rouleau de film argentique sorti de la chaine de production. Pour rendre hommage à la pellicule, il a fait une série de portrait, et a commencé dans sa ville de New York avec le plus célèbre de ses habitants. "You are talking to me ?"
Et ainsi de suite....
Tu ressors de cette exposition émerveillé, bouleversé, ému par tous ces visages et ces histoires. Une ouverture sur des univers dont tu soupçonnes à peine l'existence, avec ses drames, ses bonheurs, une façon de voir la vie toute autre, et qui relativise tes tracas quotidiens. Bref, si cette expo itinérante arrive près de chez vous, allez-là voir : vous ne serez plus tout à faire pareil...
Histoire de nous remettre de nos émotions, Didier a ouvert deux bouteilles pour accompagner une entrecôte maturée de vache normande et des pâtes aux truffes (les truffes sont dans les pâtes, donc on ne les voit pas).
Tertre Roteboeuf 2006 : nez puissant, complexe, sur des fruits noirs compotés, le cuir, le bois précieux , les épices douces. Bouche élancée, traçante, avec une matière dense et séveuse aux tanins patinés. Longue finale épices
Hosanna 2000 : nez très truffé, avec une pointe de tabac, de fumée et une petite touche de violette. La bouche est ronde, ample, soyeuse, d'une perfection formelle absolue. Tout y est : fruit, complexité, profondeur, fraîcheur, longueur immense.... En même temps, cette perfection n'a rien d'ennuyeuse, car elle est en mouvement perpétuel : à chaque gorgée, tu découvres d'autres choses, d'autres émotions, d'autres facettes... Finalement, ce vin résume à lui tout seul l'exposition de Steve McCurry ;-)