Repas autour d'une horizontale Saint-Émilion 1989
Ludovic nous avait proposé il y a deux ans une horizontale 1989 des GCC de la rive gauche bordelaise. Il nous restait à explorer les grand vins de la rive droite. Notre gaillard étant bien fourni en la matière, ce n'est pas une soirée qui leur est dédié, mais un week-end ! Le samedi soir, nous démarrons par les vins de Saint-Émilion. Et le dimanche est consacré à ceux de Pomerol.
Pour cette première partie, c'est Jehan Delbruyère qui s'occupe de préparer le repas. Il nous accueille pour cela dans sa toute nouvelle table d'hôtes Magneùs d'Pèlotes désormais ouverte au public les vendredis et le samedis soir, et à midi le dimanche.
Si notre hôte d'un soir aime mettre en valeur les légumes de son jardin, le menu du jour n'est pas du tout végan !
L'entrée marine était composée de coquillages (couteaux, amandes de mer et palourdes), d'une crème à la noix de macadamia et d'une touche de concombre (pour le croquant et la fraîcheur). La cramique est une brioche aux raisins et au sucre perlé que Jehan apprécie beaucoup avec les fruits de mer. Perso, je trouve que ce soir-là, elle allait encore mieux avec le champagne qui nous a été servi.
Champagne Cristal rosé 1989, Louis Roederer
La robe est entre l'orangée et le cuivré avec des bulles rares. Le nez est puissant, sur l'orange séchée, le coing, et une légère touche d' encaustique. La bouche est fine, traçante, aérienne, très fraîche, avec une matière dense, intense, très marquée par l'orange confite, et un fin perlant tonique. La finale est éclatante, enlevée, avec des nobles amers (agrumes, quinquina) et une légère astringence dessoiffante. Si la robe et et nez pouvait inquiéter, la jeunesse en bouche est assez incroyable !
Le veau au romarin est servi avec une betterave jaune cuite al dente, une pomme de terre fondante, et du sparassis crépu, un champignon que j'aimerais bien cuisiner, car c'est aussi spectaculaire visuellement que délicieux (avec une texture fine et délicate). L'accord avec les deux vins fonctionne bien.
Château Beau-Séjour- Bécot 1989
La robe est grenat sombre légèrement évoluée. Le nez est fin, sur la prune rouge compotée, le abac, la truffe et le sous-bois. La bouche est fine, élancée, avec une matière ample, soyeuse, enveloppante, tout en étant dense et séveuse. L'ensemble dégage une belle harmonie, sans la moindre fausse note. La finale joue les prolongations, sans rupture, toute en élégance, C'est très très bon. Belle entrée en matière !
Château Beauséjour Héritiers Duffau-Lagarosse 1989
La robe est légèrement plus sombre, moins évoluée. Le nez est plus discret, sur les fruits noirs confits et le cuir. La bouche démarre très ample, aérienne, avec un toucher moelleux, confortable, puis se durcit un peu en milieu de bouche, avec des tanins plus saillants – sans être agressifs. La finale est également un peu dure, me donnant moins cette sensation d'harmonie du premier vin. Cela dit, il s'adoucit avec l'aération, et pour beaucoup, il finit par l'emporter sur Bécot.
Nous poursuivons avec du chevreuil et des carottes en deux textures La tendreté de la viande est raccord avec la finesse et la douceur de texture de vins. Sur les légumes, je suis un peu plus partagé, mais l'ensemble fonctionnait bien, malgré tout.
Château Canon 1989
La robe est rubis sombre translucide. Le nez est fin, frais, sur le cassis, le menthol, le tabac, très rive gauche, quoi. La bouche est fine, tendue, racée, avec une matière trés aérienne, pétante de fraîcheur, mais aussi séveuse et intense. La finale est superbe, harmonieuse, réussissant à être aérienne et concentrée.
Clos fourtet 1989
La robe est grenat translucide. Le nez plus affirmé, sur les fruits rouges confits, le boisé noble, le grillé. La bouche est trés ample, enveloppante, avec une matière plus ronde, moelleuse. Le fruit est d'une puissance incroyable, agrémenté d'une sève énergique qui vous emporte. La finale est un ouragan de fraîcheur, avec toujours un p... de fruit, du menthol, des épices et du sous-bois.
Ce duo des "voisins du plateau" est un pur bonheur, avec deux styles très différents. Personnellement, je me refuse à en préférer un : les deux sont tout aussi bons, chacun dans leur genre.
Château Ausone 1989
Ce vin est servi seul – et c'est peut-être pas plus mal – avec une tranche de filet de gigue du chevreuil sus-nommé, cuite à la perfection (petit, mais délicieux !)
La robe est grenat translucide. Le nez est fin, harmonieux, sur les fruits confits, le bois précieux, le sous-bois. La bouche est longiligne, harmonieuse, , mais manquant un peu de fond. La matière douce, finement tannique.. La finale est légèrement machue, avec un fruit pas trop expressif. C'est bon, mais on aimerait plus de niaque, de transcendance. Ausone, quoi
Après le chevreuil, le canard cuit rosé, avec un accompagnement légumier (différents choux, céleri) et une sauce au vin rouge. Cela fonctionne très bien avec Tertre Roteboeuf.
Château Canon la Gaffelière 1989
La robe est grenat très sombre. Le nez ne fait pas net Il n'est pas vraiment bouchonné au sens classique, mais l'aromatique est dérangeante. Cela se en bouche. Dommage qu'il y ait ce petit pet', car derrière on sent une très belle matière, intense et vineuse.
Château Tertre Roteboeuf 1989
La robe est légèrement plus claire. Le nez est fin, sensuel, sur les fruits noir confits, les épices grillées, le bois précieux. LA bouche est élancée, toute aussi sensuelle, avec une sève et une vinosité insolentes, et une jeunesse impétueuse. La finale prolonge dans la sensualité, c'est long et intense, avec une grande fraîcheur. Magnifique vin qui est un voyage à lui tout seul !
Il paraît très logique de servir le boeuf avec le plus médocain du secteur, Figeac. Les cerfeuils tubéreux qui l'accompagnent ont eu un grillé un peu poussé, mais en fait, cela va très bien avec les deux vins. Sur le papier, le premier vin risquait de l'emporter. Et en fait, c'est pas si simple...
Château Figeac 1989
La robe est grenat très sombre. Le nez est frais, sur le cassis, le poivron rouge grillé et le cigare. La bouche est hyper traçante, pure, aérienne. C'est LA classe totale, avec un fruit d'une grande intensité, complété par le Havane. La finale est totalement raccord, toute aussi classieuse. Un rêve éveillé qui mettrait une jolie fessée à nombre de GCC de la rive gauche.
Château Pavie 1989
La robe est très proche. Le nez est mûr, concentré, épicé. La bouche est ample, moelleuse, sensuelle, avec de la tension, de la finesse et de la fraîcheur. Un vin complet, vibrant, qui gagne encore en ampleur en finale. Superbe vin.
Château Cheval blanc 1989, bu pour lui-même
La robe est grenat translucide. Le nez est de toute beauté, sur la violette, l'encens, le tabac et le sous-bois. La bouche est à la fois ample et élancée, avec une fine tension, une matière arachnéenne, caressante, grande classe. La finale dévoile une mâche gourmande, pleine de fraîcheur. Encore du très haut niveau !
On finit sur l'agneau dont la sensualité de la chair convient bien à l'Angélus, et bonifieTroplong Mondot. Beaucoup de plaisir !
Château l'Angélus 1989
La robe est plus sombre que la paire précédente. Le nez se situe entre Figeac et Cheval blanc: tabac, encens, fruits noirs, poivron, menthol. La bouche est trés élancée, et en même temps ample, veloutée, profonde, La finale est puissante, tannique, avec toujours ce fruit mûr et cette grande fraîcheur. Incontestablement la bombe de la soirée Le meilleur ? Difficile à dire tant le niveau est élevé, et les styles dissemblables.
Château Troplong Mondot 1989
La robe est un peu moins sombre. . Le nez est plus frais, plus aérien, sur une aromatique proche, assez médocaine. La bouche est élancée, langoureuse, sur un velours un peu moins fin qu'Angélus. La finale est fraîche, un peu plus accrocheuse, mais néanmoins très bonne. Loin d'être la honte...
Pour finir en légèreté, un dessert aux trois fruits blancs : pomme, poire, coing, qui fonctionne plutôt bien avec le Riesling (même si ça appelle plus le Chenin).
Mosel Riesling Auslese Juffer Sonnenuhr 2008, Fritz Haag
La robe est dorée. Le nez est expressif, sur l'ananas, le fruit de la passion, et une touche pétrolée .La bouche est tranchante, avec une fraîcheur cristalline et une matière intense qui confine au sublime. La finale est éclatante sur l'ananas et l'agrume confit, sans la moindre lourdeur. Ben je l'ai, le vin de la soirée. Nan, j'déconne. Ou pas...
À l'époque de leur sortie, ces vins n'avaient pas eu des notes exceptionnelles de la part des critiques. Il fallait certainement du temps pour qu'ils déploient tout leur potentiel. Au bout de 30 ans, aucun ne semble montrer de signe de fatigue. Le plaisir est vraiment au rendez-vous, avec en point commun une grande finesse. Pas certain que l'on retrouve cela dans les vin des années post 2000, nettement plus denses.