Mon anniversaire belge 2019
Pour la 5ème année de notre anniversaire commun, mon "jumeau" belge Ludovic a choisi une thématique originale : après les diverses régions françaises en 2018, voici les vins du monde entier, France exclue. Ma mission était d'imaginer – puis de réaliser – 9 plats qui accompagneraient ces 9 vins étrangers. Pour la plupart, je ne les avais jamais bus. Je me suis donc basé sur les compte-rendus glanés sur internet (essentiellement Cellar Tracker).
Pour l'apéro, j'ai préparé des gaufres croutillantes à la betterave garnies de betteraves Chioggia roses et jaunes, de foie gras, de noisettes grillées et de coulis de framboise acidulé.
Elles accompagnent un Franciacorta rosé Annamaria Clémenti 2007 de Ca' del Bosco. (100 % Pinot noir, dégorgement en automne 2016). La robe est saumonée aux reflets ambrés, parsemée de fines bulles très éparses. Le nez est expressif, complexe, sur la rose séchée, la fraise confite, les épices orientales et le cuir. La bouche est de grande ampleur, déployant une matière douce, caressante, évoquant l'écorce d'orange séchée, les épices douces et les petits fruits rouges confits. En arrière-plan, une fine acidité apporte la tension nécessaire, secondée par des bulles subtiles, patiemment polies par le temps. La finale est fraîche et tonique, avec toujours cette aromatique agrumes séchés /épices et une belle touche amère qui persiste agréablement. Classe !
Nous passons à table pour démarrer avec une crème froide de chou-fleur, parmesan et thym, crumble aux pistaches, pignon et parmesan. En dessous se cachent des dés de moelle de chou-fleur cuits al dente, des fleurettes rôties au four, et une brunoise de citron confit.
Cette entrée a été créée pour le Château Musar blanc 2009 que j'avais déjà eu l'occasion de boire à quelques reprises. La robe est dorée sans être trop évoluée. Le nez est élégant, sur l'amande grillée, le beurre chaud, le citron confit, et une pointe d'embrun marin. La bouche est toute en rondeur, avec une matière charnue à la texture douce, et une fraîcheur éparse plus due aux agrumes de l'aromatique qu'à l'acidité. La finale poursuit su cette fraîcheur, contrabalancée par les épices et les fruits à coques grillés. L'accord avec le plat est superbe : les deux semblent être faits l'un pour l'autre.
Puis arrive un hommage à la croquette de crevette belge dont j'avais découvert trois versions très différentes l'années dernière. Mais cette croquette n'est qu'une illusion provisoire.
Lorsqu'on l'arrose de bouillon de crevette chaud (citronnelle, gingembre, combava, ctron vert, coriandre fraîche), elle fond et laisse apparaître des crevettes cuites à basse-température (45.5 °C), des suprêmes de pomelo et de l'avocat, agrémentés de coriandre fraîche et de menthe.
Ce plat est servi avec un Sauvignon blanc 2018 de Cloudy Bay.. La robe est or pâle. Le nez est très expressif, sur le pomelo, la citronnelle, le bourgeon de cassis (subtilement) et une pointe mentholée. La bouche allie ampleur et tension, avec une matière ronde, fraîche, croquante, à l'aromatique généreuse – mais pas too much – et une acidité traçante qui étire le vin. La finale est tonique, joyeuse, mêlant les agrumes au menthol et au fruit de la passion. Un vin moins caricatural qu'autrefois, et qui s'est très bien accordé avec ce bol de crevettes très exotique
Pour terminer la série des vins blancs, une mousse de champignons de Paris, noisette et sarrasin grillés, enokis.
Cette mousse tient compagnie à un Chardonnay White bones 2014 de Catena Zapata. La robe est d'un or brillant. Le nez fin évoque la noisette, le citron frais, le beurre fumé, avec une légère touche fumée. La bouche est ronde, ample, avec un bel équilibre entre une matière moelleuse aux accents fumés et une fine acidité tonique aux notes citronnées. La finale est fraîche et nette, avec un retour de la noisette, du beurre fumée, et une persistance sur le crayeux/salin. L'accord avec le plat fonctionne bien, sans être exceptionnel.
Nous démarrons la série des vins rouges avec un tartare de betterave fumées au cigare, sauce au cassis, cèpes et bacon, oeuf à 64 °C et parmesan.
Le premier vin est un Attila 2006 de la winery Villany (1/3 Merlot, 1/3 Cabernet-Franc, 1/3 Cabernet-Sauvignon). Le nez est très Cabernet avec ses notes de cigare et de cassis, et sa touche d'âtre de cheminée et de menthol. La bouche dévoile une matière ronde et mûre, veloutée, plutôt plus Merlot que Cabernet, car ne possédant pas cette tension acide typique. Le vin est néanmoins bien frais grâce au cassis et au menthol que l'on retrouve en final, souligné par des notes poivrées/épicées/fumées. Bel accord avec le plat.
Nous poursuivons avec une picanha de boeuf Angus grillée et pommes de terre nouvelles du jardin. La chair de la viande est dense et très parfumée, avec des saveur fumées dues à la cuisson au barbecue.
Cette cuvée Sena 1997 qui l'accompagne a été créée par Robert Mondavi et Eduardo Chadwick au milieu des années 90, avec l'idée de donner naissance à un Opus One sud-américain (cela n'a pas fait long feu...). On est à 84 % de Cabernet-Sauvignon et 16 % de Carmenère. On retrouve un peu le nez du précédent, mais avec plus de notes tertiaires (cèdre, sous-bois), tout en gardant la fraîcheur du cassis et du menthol. Cette fois-ci, on la tension typique du Cabernet est bien là, d'une jeunesse insolente pour un vin de 22 ans, enrobée d'une matière fine, élégante, étonnamment aérienne pour un chilien. Je pense que si je l'avais bu à l'aveugle, je serais parti sur un beau GCC médocain. La finale poursuit dans l'élégance, sans la moindre dureté, avec une belle palette aromatique sur le tabac, le cassis et les notes fumées. Excellent !
Le vin suivant s'annonçant comme un feu d'artifice, j'avais eu l'idée de faire un plat au multiples saveurs et couleurs. D'où ce modeste hommage à Jackson Pollock., constitué d'une poitrine de porc marinée dans une dizaine d'épices et cuite 12h à 85 °C , et de quatre sauces différentes : la rouge est aux piquillos et au paprika fumé ; la verte au persil, ail et haricot vert ; la marron est un "jus de porc" ; et la noire le même jus additionné de crème d'ail noir.
Ce Rioja est une cuvée produite par Lopes de Heredia pour le magazine espagnol Matador qui sort chaque année une série limitée destinée à ses lecteurs. L'étiquette a été faite par l'artiste Philippe Parreno. C'est un assemblage de vins provenant de trois terroirs différents du domaine (dont Tondonia). Issu de la vendange 2001, il n'a été embouteillé qu'en 2017. L'élevage de 16 ans ne s'est pas fait qu'en barriques, je vous rassure. À peine sorti, le vin a été considéré comme exceptionnel par les divers critiques (dont le Wine Advocate qui lui a accordé un 100/100).
En fait, faudrait pas savoir tout ça avant de le boire, car on s'attend à un truc de dingue qui envoie du lourd. Et en fait, c'est d'une finesse superlative, d'une grande délicatesse de tanins, avec une fraîcheur mentholée incroyable, soulignée par l'orange sanguine. Les épices sont présents, mais très discrets pour un Rioja. On a aussi du cacao, une fine touche camphrée. Mais tout ça en dentelle, sans esbrouffe spectaculaire. Le plat était clairement trop puissant pour le vin qui réclamerait plutôt un filet de pigeon rosé ou une selle d'agneau.
Quel fromage choisir pour accompagner une Syrah autralienne de 24 ans ? Je me suis posé la question lorsque j'ai fait les courses à Liège le samedi matin. Cela m'a pris plus de temps à me décider qu'à acheter toutes les autres marchandises. J'ai fini par craquer pour un Perlagrigia al tartufo. En plus de contenir de la truffe, il a été affiné avec des épices (muscade, cannelle) puis enrobé de cendre de hêtre. Sa texture moelleuse rappelle la tomme de Savoie.
Nous sommes donc sur une Syrah Balmoral 1995 de Rosemount Estate (Mc Laren Vale). J'avais lu des compte-rendus disant qu'elle était en fin de course (d'où sa place ingrate avec le fromage). En fait, pas du tout : ce vin a encore du fruit (noir) et de la fraîcheur. Mais surtout, il est à l'antithèse de l'idée que l'on se fait des shiraz australiennes. : fin, digeste, élégant, avec une belle tension, unematière douce et aériene qui vous enrobe le palais. Une finale fraîche et digeste, finement épicée. Et l"accord avec le fromage était excellent. LA surprise du jour !
Pour finir, une variation sur les agrumes, avec un sorbet citron/citron vert, un granité citron/combava, des segments de pomelo, des meringues au citron vert, du sponge cake au yuzu, une "vinaigrette" au jus d'agrumes, huile d'olive et herbes du jardin. Le tout saupoudré de fruit de la passion déshydraté.
Ce dessert accompagnait un Mosel-Saar-Ruwer 2003er Scharzhofberger Spätlese Riesling d'Egon Müller (AP Nr 3 567 142 8 04). Le millésime n'a pas provoqué la botrytisation des baies, mais leur passerillage. Cela donne donc un vin qui est plus resté sur son caractère Riesling que sur les notes baroques de la pourriture noble. Enormément d'agrume, donc, un peu de citronnelle et de fruit de la passion. Il affiche une belle tension sans que l'acidité soit trop marquée. Et des sucres résiduels plutôt discrets. L'accord avec le dessert est juste parfait (l'inverse eût été surprenant).
Pour finir, des pralines fourrées à la ganache au sésame noir.
Merci Ludo pour ce très beau tour du monde avec une sacrée homogénéité qualitative. Tout Français devrait vivre une telle expérience : ça le rendrait un peu moins chauvin ;-)
Les héroïnes du jour !