C'est tous les jours le 14 février à Saint-Valentin
C'est en 2001 qu'un organisateur de mariage japonais entend parler à Saint-Amour (Beaujolais) du village de Saint-Valentin (Berry). Il se rend dans l'Indre, discute avec le maire de la commune de ce qu'il pourrait faire ensemble. Et en 2005, un restaurant est créé dans ce village de 280 habitants, avec une équipe 100 % japonaise. Pour en savoir plus, vous pouvez regarder cette vidéo :
Depuis, les choses ont bien évolué : il existe désormais 4 restaurants en France (dont un à Saint-Amour), avec un personnel qui se forme dans les divers établissements. Ils sont tous étoilés, dont 2 * pour celui de Saint-Amour. J'avoue que je n'en avais pas entendu parler jusqu'à ce qu'un ami gastronome me conseille cette petite perle cachée dans la campagne berrichonne. Je ne me voyais pas y aller sans ma "bande de Limoges". Ainsi avons-nous débarqué hier à 7 au 14 février de Saint-Valentin.
Dans la plupart des restaurants "franco-japonais", nous avons affaire à une équipe mixte. Ici, tout le personnel est japonais, ce qui vous donne presque l'impression d'être au pays du soleil levant. Toutefois, on n' y mange pas avec des baguettes ... mais la plupart des couverts sont japonais (hormis un très beau couteau de Laguiole – un vrai !).
Où l'on voit l'art du pliage appliqué aux serviettes...
Et un rappel de Saint-Valentin sur le repose-couteau
Des oshibori qui se réhydratent sous nos yeux dans un lavabo portatif
Nous avons choisi le menu "hommage au berrichons" à 92 €, et apporté nos vins, car un droit de bouchon était gentiment proposé (20 € par bouteilles). Il faut dire que leur carte des vins est un peu trop classique à mon goût et en tient pas assez compte de la spécificité de la cuisine servie, marquée par l'agrume et le sucré/salé/acide. Mais ça ne semblait pas déranger les convives des autres tables qui ont pris majoritairement une bouteille de vin rouge pour accompagner tout le repas.
L'ensemble des mises en bouche s'intitule "le chant guilleret des oiseaux dans les doux rayons du soleil". Et c'est vrai qu'il émane quelque chose de guilleret de cette belle présentation.
D'abord des carottes très joliment découpées, avec une purée de carotte
Puis des cornets garnis d'une crème aux lentilles du Berry
Et enfin des "calissons" au foie gras et persil (un peu trop sucrés à mon goût)
Deuxième série de mises en bouche, avec en haut à gauche un velouté de cresson et crevette grise et en haut à droite une bouchée à la fleur de cerisier (un peu trop sucrée aussi : elle serait mieux placée en pré-dessert).
En ouvrant la boite de conserve , surprise : ce sont des petits morceaux de sardines confites qui alternent avec des mini-médaillons de homard. Ce qui paraît être de l'huile n'en est pas : c'est une délicieuse gelée (de crustacé ?). Le tout est vraiment excellent. Y a pas : on est chez un étoilé !
On sent venir le caviar...
... avec l'esturgeon qui veille sur l'assiette
Voici le Caviar "Sorenska" de Sologne, oignons divers < mousse, rôti, caramélisés>
Le caviar est d'une grande délicatesse de texture et de goût, plus noiseté que poissonné, salé juste comme il faut. Les différentes variantes d'oignons sont très bonnes, même si on a tendance à tomber un peu trop dans le "doucereux".
Et c'est là qu'intervient brillamment le Champagne Extra-Brut de Billecart-Salmon que nous avons ouvert sur les mises en bouche, et qui apporte l'équilibre et la niaque qui manquent un peu au plat. Ensemble, c'est vraiment extra !
J'allais oublier les mouillettes de luxe qui accompagnaient le caviar, avec 4 saveurs différentes :
ciboulette, yuzu ... et peut-être bien daïkon et échalote
Je retiens l'utilisation astucieuse du moule à gaufre (enfin, j'imagine).
Restaurant japonais, mais on n'échappe pas au cérémonial pain/beurre ( de Bordier)
Un plat très "embrumé" nous arrive...
La cloche est soulevée, et la fumée se dissipe
Parfums et couleurs des légumes du printemps
<30 variétés> <38 °C> <prosciutto di Parma>
Le tout est arrosé d'une sauce au beurre blanc
On est dans l'esprit du Gargouillou de Michel Bras, avec toutefois moins de complexité. Mais c'est tout de même très bon, avec une large palette de goûts et de textures. Chaque bouchée est différente, rendant l'expérience des plus plaisantes.
Ce Jurançon Marie-Kattalin 2007 du domaine de Souch est avant tout prévu pour le plat suivant, mais comme nous avons terminé le champagne, il faut bien s'abreuver. Comme il a une grande acidité, le sucre n'est pas du tout dérangeant, et ça fonctionne plutôt bien avec le plat.
Poêlée parfumée de foie gras de canard du Périgord
<Noix de coco> <Mangues> <Poivre de Timut>
Lorsque j'avais lu l'énoncé du plat, je ne m'attendais pas à ce clin d'oeil à l'oeuf au plat. Comme ingrédient non cité, il y une tombée d'épinards cachée sous le foie gras. Celui-ci est une petite merveille : croustillant/caramélisé à l'extérieur et fondant/limite coulant à l'intérieur. L'accord avec le Jurançon est magnifique. Le vin a gagné en intensité tout en devenant étincelant. Les arômes exotiques de la mangue et de la noix de coco participent également à la grande réussite du mariage. Le plus beau moment gastronomique du repas !
Homard bleu de Bretagne flambé au cognac
<Petits pois> <Clovisse> <Œufs de truite>
Un plat intéressant avant tout par la cuisson du homard. Je ne sais pas trop comment il a cuit, si ce n'est qu'il a l'a fait dans sa carapace et que celle-ci a bien chauffé (elle est noire par endroits). Peut-être bien sur des charbons japonais (binchotan) ? Cette cuisson apporte un subtil goût fumé sans écraser celui du homard. La chair est ferme, mais pas trop cuite. C'est clairement une re-découverte du crustacé. L'accompagnement, lui, est agréable, mais rien d'exceptionnel (avec un bémol sur la clovisse, tirant sur le chewing-gum).
Pour le homard, nous avions amené un Riesling vom roten Schiefer 2015 de Clemens Busch. Un vin fin, tendu,cristallin, qui laisse le plat s'exprimer sans l'écraser.
Trou "japonais ": granité aux agrumes, très peu sucré
Rôti de canard étouffé de la célèbre maison Burgaud
<Asperges> <Jus de yuzu> <Sabayon> <Sauce au yuzukosho>
Un très bon plat avec une viande de haut niveau à la cuisson parfaitement maîtrisée, une sauce concentrée et bien relevée dont on ne se lasse pas. Par contre, c'était un casse-tête pour trouver un vin qui puisse supporter le yuzu, l'asperge et le piment.
J'avais finalement tranché pour un Riesling Windsbuhl 2008 de Zind-Humbrecht, et ma foi, ça c'est bien passé, sans que ce soit l'accord du siècle (existait-il ? Peut-être un Rhône légèrement acidulé qui tire vers l'orange sanguine). La bouteille a été intégralement vidée et l'assiette rendue (quasi) propre au serveur. C'est bon signe, non ?
En pré-dessert, un mousse au chocolat avec un crumble... au chocolat (très bon !)
Pour finir, une sphère mystérieuse...
Elle est arrosée d'un sirop léger(en sucre) de pamplemousse
Et l'intérieur apparaît : suprêmes de pamplemousse, mascarpone, (excellente) glace à la pistache et fruits pas trop de saison... C'est gourmand, très rafraîchissant, sans la moindre lourdeur : on aurait pu s'attaquer à un second dessert !
Nous passons au salon pour le café (ou thé pour certains)
Avec quelques mignardises
À noter que les toilettes sont aussi "à la japonaise" avec lunette tiède et confortable et jets à température du corps parfaitement orientés, suivi du séchage à l'air chaud. Depuis le temps que j'en entendais parler, j'ai testé : je veux le même à la maison !
Au final, un très chouette repas dans une ambiance qui sort vraiment de l'ordinaire, avec un personnel d'une grande gentillesse, à l'écoute du client. Je recommande chaudement. Signalons qu'ils ne sont qu'à quelques kilomètres de l'autoroute A 20 . Cela ne fait donc pas un grand détour pour ceux qui montent ou descendent.
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2 rue du Portail 36100 le village de Saint-Valentin
Tel : 02.54.03.04.96.
E-mail : 14fevrier@icloud.com
Du jeudi soir au samedi soir de 19h30 à 21h et du vendredi midi au dimanche midi de 12h00 à 13h30.