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A boire et à manger
8 avril 2018

Visite du domaine Pignier

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Le salon Le nez dans le vert me donnait l'occasion de passer quelques jours dans le Jura. Et donc de visiter quelques domaines chers à mon coeur. Parmi eux, le domaine Pignier, installé à Montaigu. Je connais les vins depuis quelques années maintenant. Je les commercialise, même. Et j'ai rencontré Jean-Etienne Pignier dans divers salons. Mais aller sur place, c'est tout de même autre chose. J'ai en plus une chance inouïe : il y a du soleil et du ciel bleu (oui, ça existe encore !). 

Montaigu est une ancienne place forte  jonchée sur un piton rocheux qui protégeait Lons-le-Saunier au Moyen-Âge (le sel, c'était un peu l'or de l'époque). Le château a été rasé en 1668 par les Français à une époque où il était sous pavillon espagnol. Dès le XIIIème siècle, des moines chartreux y avaient bâti un monastère, et bien sûr, planté des vignes. Il y resteront jusqu'à la Révolution francaise. En 1793, les ancêtres de la famille Pignier rachètent le monastère et le vignoble qui en dépend. Le phylloxera et la 1ère guerre mondiale vont le mettre à mal. Léandre Pignier ne conserve que 2 ha de vigne et convertit le reste des terres à la polyculture. Il faudra attendre 1970 pour que Paulette et François Pignier replantent 5 ha supplémentaires. Leurs trois enfants – Jean-Etienne, Antoine et Marie Florence –  arrivent progressivement dans les années 1985-95 et prolongent l'oeuvre parentale en plantant une dizaine d'hectares supplémentaires. 

Marie Florence, Antoine et Jean-Etienne

Le domaine a démarré sa conversion à la biodynamie en 1998 avec l'aide de Pierre Masson. Le premier contrôle et certification Demeter se fait en 2003. Quinze après, les frères et soeur ne regrettent rien. Ils ont même été au-delà de ce qui est demandé par le cahier des charges en ne sulfitant plus une partie de leurs cuvées, et en ajoutant des doses très faibles aux autres. Mais comme nous le verrons tout à l'heure, leurs vins n'ont rien de "nature", en tout cas dans le mauvais sens du terme. 

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Le chai principal est un peu plus haut dans la (quasi unique) rue de Montaigu. Lorsque je m'y rends avec Jean-Etienne, je n'ai pas pris que mon téléphone portable, d'où la mauvaise qualité des clichés.  Dans ce bâtiment, toute la vendange est amenée, et selon la couleur des cépages, pressurée ou égrappée, mis en cuve, en amphore ou en barrique plus ou moins volumineuse. 

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Il y a trois cuves béton ovoïdes

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et de plus en plus d'amphores en terre cuite

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... mais le bois est encore bien présent. Ici reposent toutes les cuvées de rouge (Trousseau, Poulsard, Léandre) , ainsi que les différents blancs ouillés (GPS, Percenette, Gamay blanc...). Les cuvées non ouillées (sous voile) reposent dans la cave de l'ancien monastère que nous verrons tout à l'heure. 

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C'est également ici qu'est stocké le matériel viticole, que ce soit le dynamiseur, le pulvérisateur ou le rolofaca "maison" fabriqué par Antoine : il sert à coucher l'herbe dans les rangs de  vignes sans la couper. Cela crée un paillis qui favorise la vie microbienne, limite l'évaporation, conserve la frâicheur en été, et donne une portance au tracteur lorsqu'il doit passer les lendemaine de pluie. 

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Dans un jardin proche de la maisin, un "bac à sable" peu ordinaire. En dessous de cette terre très légère, reposent des centaines de cornes remplies de bouse. Elles ont été placées ici à l'automne et seront sorties dans quelques jours (au moment de Pâques). On en sortira une bouse "transcendée" qui servira de base à la préparation 500, dont le but est de stimuler la vie dans le sol. 

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 Ces vignes sont juste au pied du village de Montaigu

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Une partie des pieds sont taillés en taille poussard  : dérivée de la Guyot, elle favorise une meilleure circulation de la sève dans la plante, limitant les maladies du bois (comme l'Esca). 

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Nous sommes sur l'une des deux reculées de la commune : ces échancrures du plateau calcaire protègent les vignes contre les vents dominants, créant un micro-climat bénéfique. Tout en haut, les dernières plantations du domaine reprises sur les broussailles. Le sol y est d'excellente qualité et devraient donner de grands vins. 

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L'on voit bien que la reculée est étroite. Le versant opposé est proche. 

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Retour au domaine : nous descendons dans la cave contruite par les Chartreux au XIIIème siècle. 

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Et c'est MA-GNI-FIQUE ! 

Sont élevés ici durant plusieurs années les cuvées Cellier des Chartreux (Chardonnay), Savagnin et le Vin jaune. 

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La boutique du domaine

 

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On passe aux choses sérieuses !

Crémant Brut (millésime 2015, 80 % Chardonnay, 20 % Pinot noir) : le nez tonique est sur la pomme et la fleur d'acacia. La bouche est fraîche, droite et équilibrée, avec des bulles plus fines que ce que j'avais goûté il y a deux ans (c'était le 2013, millésime plus compliqué).  C'est très sympa.

Crémant Brut (millésime 2016, pas encore en vente) : le nez est plus frais, avec plus de profondeur. La bouche est plus tendue, plus élégante, plus fraîche aussi. Très prometteur !

Crémant L'autre (millésime 2014, ensemencé par du moût de 2015, sans soufre ni dosage). Le nez est nettement plus complexe, sur la pomme tapée et les fruits secs. La bouche est ample, fine, élégante, avec des bulles délicates et une acidité traçante. Superbe !

Trousseau 2016 :  le nez est très floral, avec aussi de la griotte et de la framboise. La bouche est élancée, élégante, avec une matière délicate au fruit pur, à la fraîcheur communicative. Mon dieu que c'est bon !

Trousseau Gauthières 2016 : le nez est plus fumé, tout en gardant du floral, avec aussi de l'encens, des notes grillées. Très beau, quoi. La bouche est traçante, d'une pureté éblouissante, avec une matière très aérienne, presque impalpable. Et un  fruit d'une beauté ! La finale fumée évoque la rafle, même s'il n'y en avait pas dans l'amphore qui a servi à la vinification. 

À table avec Léandre 2016 (assemblage de vieux cépages jurassiens) : le nez est plus discret, pas encore en place. La bouche est ronde, pure, élégante, et manque elle aussi d'expressivité. Mais le toucher de bouche, profond et soyeux,  est juste superbe. La finale est dominée par' le floral. Patience. 

GPS 2017 (Chardonnay, Poulsard, Savagnin, vinifié en blanc ouillé) : le nez évoque les fruits blancs mûrs. La bouche est ronde, fraîche, gourmande, avec une belle tension. La finale est tonique et salivante. Très bien !

Percenette 2016 (Melon à queue rouge) : le nez est magnifique, sur la noisette grillée et des fines notes fumées. La bouche est ample et élégante, avec une matière classieuse alliant maturité et fraîcheur. La finale est longue et intense. Futur grand vin !

Gamay blanc 2016 (Chardonnay) : le nez est plus frais et plus fruité. Bouche plus tendue et intense, enrobée par une rondeur gourmande. La finale est plus mâchue, avec une légère sensation de douceur (mais non, il n'y a pas de sucre résiduel). 

Sauvageon 2015 (Savagnin ouillé) : le nez est plutôt discret. La bouche, par contre, a beaucoup  de personnalité : sa grande tension évoque un Riesling sur schistes, avec une matière aérienne non dénuée de fond. Vraiment classe, et là aussi, futur grand vin. 

Cellier des Chartreux 2014 (Chardonnay élevé 3 ans sous voile) : le nez est très noiseté, avec un léger rancio. La bouche est ample, très aérienne, avec une tension inflexible et une aromatique intense sur les fruits secs. La finale très expressive évoque le pralin et la noix confite. J'adore !

Savagnin 2014 (élevé 3 ans sous voile) : le nez est très "croûte de comté" et curry. La structure de la bouche est proche du vin précédent, avec peut-être une acidité un peu plus saillante, traçante à souhait. La finale est intense, sur les mêmes notes oxydatives 

Vin jaune 2011 : l'aromatique est proche, avec plus d'intensité. La bouche gagne encore en tension, la matière en densité et en maturité, tout en restant digeste/aérienne. La finale est très puissante, sur la noix grillée et le curry. 

Vin jaune 2009 : le nez est plus mûr et plus intense (liqueur de noix). La bouche est ample, élégante, avec une matière ronde et (très) riche.  L'intensité aromatique est hénaurme, mais sans la moindre agressivité. La finale évoque la morille et la noisette grillée. 

Vin de paille 2011 : le nez évoque les fruits confits et les épices. La bouche est ronde, douce, élégante. La finale fraîche est bien équilibrée, avec un sucre totalement intégré. 

Macvin blanc : le nez est marqué par le marc. La bouche est fraîche et équilibrée, sans lourdeur ni alcool.

Macvin rouge (pinot noir) : le nez associe un fruit pétaradant et des notes de marc. La bouche est toute en rondeur fruitée, gourmande, veloutée, sur des arômes de cerise rouge, noyau inclus. On se boirait la quille !...

Jean-Etienne m'a proposé de participer le lendemain à un repas/dégustation dans un restaurant local. Je n'ai pas décliné. A suivre, donc... 

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