Horizontale rive gauche 1989
Cette horizontale que nous offre l'ami Ludovic, cela faisait un an que je l'attendais. Elle nous avait été promise lors de la verticale 1986 réalisée en août 2016. Cette fois-ci, nous allons nous concentrer sur la rive gauche, car il y a déjà beaucoup à faire – 14 vins. Il seront dégustés appellation par appellation. Les six vins de Pauillac seront servis à l'aveugle, histoire de voir si les 1ers crus réussissent à se différencier des 2èmes. Les bouteilles ont été ouvertes juste avant le repas.
Cette fois-ci, je ne prépare pas le repas. Cela me permet de profiter du moment présent. Katy-Anne Pirson est aux fourneaux et nous accueille à son domicile. Pour l'apéritif, nous dégustons un délicieux cocktail préparé par son compagnon, Bernard Zacharias, propriétaire de la distillerie Radermacher.
Mes notes sur chaque vin ont été prises avant de m'attaquer au plat qui l'accompagnait. Il n'y a donc pas d'impact positif ou négatif de celui-ci. Par contre, j'ai mangé tiède/froid...
Nous démarrons le repas avec un Gravlax de saumon à la russe, crème aigre au citron vert.
Pour l'accompagner, un Champagne Cristal 1989 de Roederer : sa robe est d'un or intense, avec une effervescence encore bien marquée. Le nez est intense, sur les fruits secs, le pain grillé et le moka. La bouche est vive, élancée, avec une matière d'une impressionnante concentration, à la limite du tannique. La finale est puissante, marquée par l'astringence, sur les fruits secs grillés et le café.
Lorque j'ai rincé mon verre pour passer ensuite aux vins rouges, j'ai bu l'eau de rinçage (gazeuse) : j'avais l'impression de toujours boire le champagne. Je l'ai rincé une seconde fois. C'était plus atténué, mais on le sentait encore...
Nous continuons avec une caille rôtie, croustillant au soja, miel et gingembre.
Pour débuter la verticale, il nous est servi les deux meilleurs crus de Saint-Estèphe.
Montrose 1989 : la robe rubis est évoluée. Le nez est concentré, sur les fruits compotés, des notes toastées, du cuir, et un peu de sous-bois. La bouche est intense, séveuse, tendue, avec une grande énergie. L'aromatique est toute aussi intense, balsamique et torréfiée. La finale est concentrée, sans dureté, très café et vieille futaille. Avec l'aération, le menthol apparaît et finit par dominer.
Un vin fidèle à sa réputation (il est considéré comme l'un des plus grands Montrose jamais produits).
Cos 1989 : le nez est discret, sur les fruits noir et des notes toastées. La bouche est ample, intense, à la matière veloutée, avec beaucoup de fraîcheur. La finale est dure, tannique, partant dans tous les sens. Pas vraiment en place. Je l'ai rebu deux heures plus tard. Ca ne s'était pas franchement arrangé : la dureté s'était étendue au milieu de bouche.
Arrive un carré d'agneau, jus corsé et légumes de saison
Et donc six vins de Pauillac servis à l'aveugle trois par trois.
Lynch Bages : la robe est grenat sombre, à peine évoluée. Le nez est fin, élégant, sur le cassis, bois précieux, le tabac. La bouche est pure, traçante, aérienne, très racée, avec une matière finment veloutée. La finale est puissante mais très civilisée.
Pichon -Longueville Comtesse : la robe est plus translucide. Le nez plus aérien, encore plus raffiné. Un véritable parfum ! La bouche est plus élancée et plus aérienne, magnifique, avec une aromatique plus évoluée (notes de sous-bois). Sa grande tension évoque les vins sur schiste. La finale est intense, sans la moindre dureté. Superbe !
Lafite-Rothschild : la robe est proche. Le nez est limite vaporeux, sur des notes florales, le musc, le havane. La bouche est plus terrienne, avec matière moins harmonieuse, plus évoluée. La finale rustique, apportant assez peu de plaisir avec une aromatique "vieille futaille". L'un des participants qui l'a regoûté deux heures plus tard m'a dit qu'il était magnifique. Il a donc a priori souffert d'un manque d'aération. Too bad...
Fin de la 1ère série. Une majorité de participants a préféré le deuxième. Deux ont préféré lé troisième.
Latour : le nez est fin, fumé, sur les fruits noirs bien mûrs, le cèdre, le graphite. En un mot : classe. La bouche est fraîche, savoureuse, mais un peu abrupte dans le toucher (manque d'aération, encore ?). La finale est toute aussi fraîche, intense, avec cette classe perçue au nez.
Pichon-Longueville Baron : le nez est proche, encore un peu plus classe. La bouche est pure, veloutée, avec une belle tension, séveuse. La finale a beaucoup d’allonge, tout en étant un peu trop dure pour mon palais de fillette.
Mouton : le nez est très intense, fumé, floral, d'une grande complexité. La bouche est riche, veloutée, ample, généreuse, pleine, d'énergie. La finale est longue et puissante, sur les fruits noirs, le cigare, avec une pointe de cendre, Impressionnant.
Fin de la seconde série. Le troisième remporte tous les suffrages et est préféré au vainqueur de la première série par tout le monde, sauf moi (le cinquantenaire que je suis préfère la finesse...). Autant dire qu'à la découverte, nous avons été un peu surpris... sauf pour Mouton (c'est vrai qu'il a un air de famille avec le 1982 et le 1986).
Côte de boeuf maturé, écrasée de pomme de terre, sauce au poivre
Nous passons à un duo de Saint-Julien
Gruaud-Larose : la robe est grenat encore jeune. Le nez est bien mûr, agréable, sans être complexe. La bouche est ample, charnue, veloutée, au fruit intense. La finale est savoureuse, gourmande. Peut-être le plus gourmand de tous, mais manquant de profondeur et de complexité (regoûté une heure plus tard : il avait gagné en race et en tension).
Léoville Las Cases : la robe est proche. Le nez est plus frais, plus profond et complexe. La bouche est élancée, intense, avec une matière entre soie et velours, un fruit superbe, et une grande fraîcheur aromatique (menthol). La finale généreuse et complexe est quasi-interminable. Le prototype du Grand Vin. Magnifique. Pour l'instant, LE vin de la soirée.
Magret de canard, caramel de fruits rouges et patate douce
Nous poursuivons avec une paire de Margaux...
Palmer : la robe évoque le jus de cerise. Le nez est frais, fruité, intense, mais pas très complece. La bouche est pure, fruitée, charnue, veloutée, avec une fraîcheur vivifiante. La finale est nette, tonique, gourmande. C'est franchement très bon ... mais arrive le deuxième.
Margaux : la robe est grenat, légèrement évoluée. Le nez est élégant, très complexe, d'une finesse ultime : fleurs, framboise, encens. La bouche est élancée, traçante, avec une matière charmeuse, sensuelle. Seule une finale un peu sèche le pénalise, mais c'est tout de même un excellent vin qui domine largement le Palmer. Mais n'a pas la classe absolue de Las Cases.
Fromages variés
Nous terminons avec le célèbre duo de Pessac-Léognan.
Mission Haut-Brion : la robe est rubis translucide. Le nez est magnifique, tout en finesse, sur les fruits rouges, la violette, avec une touche de fumée. La bouche est ample, soyeuse, fraîche, élégante, mêlant le fruit et la cendre. La finale est finement mâchue, fraîche et fruitée, avec des notes de tabac et de cendre persistantes. Superbe vin que je place en 1er ex-aequo avec Las Cases.
Haut-Brion : la robe est proche. Le nez est plus riche, sur les fruits bien mûrs, les épices, et une poine de cigare. La bouche est plus ample, avec une matière veloutée, tapissante, plus impactante. Finale plus longue, plus classe sur une aromatique proche. Il n'a pas grand chose à envier au précédent. Mais là encore, je privilégie la finesse. À chaque fois que j'ai bu les deux vins dans le même millésime, j'ai toujours préféré MHB.
Abricot caramélisé, fromage frais, amandes
Pour conclure, forcément Yquem 1989 : la robe est entre l'or et le cuivre. Le nez est très évolué, sur l’abricot sec, le safran. La bouche est tendue, harmonieuse, avec de la rondeur mais pas d’onctuosité. L'aromatique est dominée par le noyau d’amande. La finale est gourmande, pas lourde, sur l’abricot et l’amande. Un vin d'une grande digestibilité qui conclut très agréablement ce repas.
Conclusion : difficile de faire un choix précis. Je mets en tête Las Cases et Mission. Puis arrive Haut-Brion, Pichon-Comtesse et Mouton. Mais tout ça se tient dans un mouchoir de poche... Merci à Ludovic pour cet immense moment !