Grand moment gastronomique à la Maison d'à côté
Lorsque nous étions allés en mars dernier à la Maison d'à côté, nous nous étions promis d'y revenir au moment de la saison de la chasse, histoire de goûter aux gibiers préparés par Christophe Hay. Entre temps, le restaurant a déménagé de 20 m sur la droite vers un bâtiment plus moderne, avec une cuisine – très ergonomique – ouverte sur la salle. Les anciens locaux accueille désormais le Côté bistrot où officie le second du restaurant, Nicolas Aubry.
Un droit de bouchon (13 € par bouteille) permet de boire des vins au niveau de la cuisine du chef sans que ce soit une ruine. Une somme méritée car le sommelier Sébastien Durance ne ménage pas ses efforts pour trouver les meilleurs accords, le bon timing, les températures et aérations adéquates.
Nous démarrons par une vénérable bouteille de Grand siècle de Laurent-Perrier. Elle a passé une bonne dizaine d'années en cave. Cela se voit à son bouchon totalement "chevillé". La robe est d'un or intense, les bulles sont très fines mais encore nombreuses. Le nez est superbe, sur les fruits secs grillés, le miel, la brioche toastée. La bouche est très "grand siècle", à savoir fine, tendue, ultra-précise, y compris dans la délicatesse cristalline des bulles. Mais s'y ajoute la complexité aromatique due au vieilissement prolongé. L'ensemble est juste magnifique, rentrant directement dans le TOP 5 des mes plus beaux champagnes jamais bus. Le plus impressionnant est peut-être cette rétro en fin de bouche qui prolonge longuement cette superbe aromatique.
Avec celui-ci, nous commençons à attaquer les mises en bouche, dont ces brioches aux graines et fleurs. Je subodore qu'elles ont été cuites la vapeur pour être ensuite légèrement dorées au four. Mais avec l'équipement moderne, on peut tout faire dans le même ;-)
Le chef vient nous voir pour discuter avec nous du menu. Nous prenons celui à 7 services qui va inclure un lièvre à la Royale. Christophe Hay nous propose de nous apporter juste avant du dos de sanglier cuit en basse-température, très tendre. Nous acceptons volontiers. Et comme nous avions une deuxième bouteille de rouge dans la voiture au cas où la première eût été défaillante, nous aurons de quoi l'accompagner.
Une deuxième (et double) mise en bouche arrive
Une pleurotte comme je n'en ai jamais mangée, mi crue, mi cuite, fondante et croquante à la fois
Un velouté de cardon à la fève Tonka (parfaitement dosée. On la sent très légèrement)
Avant que le repas ne commence pour de bon, le pain et le beurre maison. Rien que pour cela, ça vaut le déplacement. Rarement je me suis autant régalé à manger une tartine beurrée. Cela devient un mo(nu)ment gastronomique.
Le premier plat est de la daurade royale en gravlax
accompagnée d'une variation sur les choux (verts, rave, fleur).
sur laquelle est versée une sauce beurrée au citron.
Le tout accompagné par un Riesling GC Sommerberg 2008 d'Albert Boxler.
La texture du poisson est dense et ferme, tout en gardant du moelleux. Le plus impressionnant par à du saumon en gravlax, c'est son goût d'iode prononcé. Tu as presque l'impression de manger un pavé d'huître. La variation de chou est intéressante : il y en a des corsés, des sucrés, des fondants, des croquants. La sauce citronnée est la bienvenue pour faire la liaison avec le vin marquée par les agrumes confits. Le vin et le plat réussissent mutuellement à se mettre en valeur. À chaque bouchée/gorgée, on se dit "oh, p... c'est bon !". Bref, dès le premier service, ça attaque très fort.
Huître pied de cheval snackée, topinambour, épeautre et sarrasin
sur laquelle est versé un jus de persil
servi avec un Montlouis Volagré 2007 de Stéphane Cossais
La texture et le goût de l'huître, snackée d'un côté, crue de l'autre, sont assez magiques. À la fois ferme et fondant, et une explosion iodée en bouche, comme une grande vague dans la g... Les légumes sont très tendres tandis que le sarrasin apporte du croustillant. Un de mes voisins aurait aimé un jus de persil un peu plus corsé. C'est vrai qu'une petite touche d'ail (doux) aurait donné plus de niaque et de profondeur. Par contre, ça aurait pu nuire à la pureté aromatique du Volagré. Le plus impressionnant dans ce vin est son acidité d'un ciselé magistral, apportant une tension qui nous lâche plus. Renversant !
Pomme de terre crémeuse et cheveux d’anges, consommé acidulé ... et truffe d'Alba !
Avec ce plat moelleux et parfumé, très automnal, il vaut mieux retourner au Riesling, car le tranchant du Montlouis paraîtrait un peu trop affuté. L'accord fonctionne bien, même si un vin un peu plus rond (Rhône nord blanc évolué, par ex) eût certainement été plus adéquat. C'est probablement le plat le plus simple du repas, mais il a quelque chose de réconfortant en cette période automnale.
Carpe de loire à la Chambord, Truffe d’automne, lard de Colonatta, écrevisses, champignons...
... et vin de Cheverny
Un des grands plats du repas où tout est absolument parfait : les quenelles ont la taille idéale pour apprécier leur texture moelleuse, rebondissante. Les champignons sont cuits comme je les aime, avec cette tendre fermeté. Les écrevisses enrobées de Colonnata – qui leur apporte un gras goûteux – sont délicieuses. Mais le meilleur est ce que l'on ne voit pas sur le photo : un long parallélépipède de carpe : sa texture fibreuse/fondante rappelle celle d'un travers de porc longuement confit. Là, un vin rouge léger de Loire eût été parfait. Mais le Volagré que l'on finit sur le plat fait plus que bien son job, d'autant qu'il s'est réchauffé entre temps et gagné en rondeur sans perdre sa sublime acidité. Pfffiou, quel repas.
Et voilà le dos de sanglier cuit à basse température, accompagné de divers légumes racine.
Il y avait bien sûr une sauce, toujours servie par le chef lui-même (ça change des chefs stars qui viennent juste pour la photo et les applaudissements. Lui se rend utile, répondant avec précision à toutes les questions techniques). La cuisson de la viande est parfaite, sans aucune goutte de sang, tout en étant rosée : la texture est tendre, moelleuse, tout en gardant de la fermeté. Le goût n'a rien de giboyeux. Je ne pense pas qu'à l'aveugle, je serais partis sur du sanglier.
Le Saint-Joseph Les Serines 2007 de Cuilleron est presque trop puissant pour ce plat. On est sur une Syrah expressive, mûre, épicée, à la chair veloutée et généreuse. Il accompagnera bien mieux le lièvre à la Royale.
Alors que la Côte Rôtie Cordeloux 2007 de Bénétière (non photographiée), plus fine et plus fraîche, plus florale aussi, est juste parfaite.
Le plat tant attendu...
Le lièvre à la Royale "Antonin Carême" , baies d'épine-vinette et cébettes
purée de céleri
... et une sauce liée au sang à se damner (non, elle n'est pas verte)
Ce plat est une pure tuerie par son intensité gustative. Chaque bouchée est une petite bombe qui vous explose en bouche. Même si l'on reste toujours dans un registre moelleux, les textures sont variées. Mais le sommet est certainement la sauce dont on ne se lasse pas de goûter et regoûter, y compris avec le pain maison quand le lièvre a disparu dans votre gosier. L'accord avec le Saint-Joseph est superbe (moins évident avec la Côte Rôtie qui fait un peu maigrelette).
Trois camemberts affinés par la Maison Bordier : au cidre, au pommeau et au calvados
Ils sont servis avec le vin que nous avons choisi à la carte : un Vouvray moelleux 2009 de Foreau, donnant lieu – à mon goût – à l'accord le plus merveilleux du repas. La puissance gustative et le gras des fromages contrastent avec le sucre, le fruit confit et l'acidité du vin. Et la bataille qui s'engage alors est vraiment bouleversifiante, comme aurait dit un vrai-faux producteur de cinéma.
Le chef de partie froid Charles Bernabé qui nous apporté les fromages
Pomme sauvage pochée au poivre Timut, crumble, glace caramel
... avec une assiette dédiée à Stéphane, l'annivers'heureux du jour
Le dessert pas trop lourd est des plus judicieux. Il y a du chaud, du froid, du croustillant, du crémeux, du fruité, de l'épicé... Le tout bien en lien avec la saison où l'on aspire à ce genre de plat très cocooning. Le vin se marie bien avec, même si je le trouvais plus intéressant avec les fromages.
Délicieuses mignardises...
et quelques friandises pour nous achever ;-)
Lorsque le repas s'achève, il est près de 18 heures. Tous les autres clients sont partis. Nous visitons la cave avec le sommelier, discutons avec le chef, toujours très disponible. Nous venons vraiment de vivre un de ces moments rares comme seule la gastronomie – mets et vins – sait le faire. Merci à toute l'équipe pour cette journée d'exception !
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La Maison d'à Côté
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