Le Colombier à Offranville : quelques heures de pur bonheur !
Cela faisait quelques mois que j'envisageais de déjeuner dans ce restaurant situé à quelques kilomètres de Dieppe. En fait, depuis que j'ai rencontré le chef (Laurent Kleczewski) et une partie de son équipe, puisqu'ils se sont inscrits cette année à nos cours de dégustations. Dès que Laurent commence à évoquer sa cuisine ... il me donne faim !
Aussi, ce long WE de Pâques fut l'occasion d'y faire un tour. Le restaurant était complet. Mais on m'a trouvé une ch'tite place à l'office. Du coup, j'ai pu amener tout mon bazar sans déranger les autres clients: à savoir quelques bouteilles, mon carnet de notes, l'appareil photo et un crachoir. Ca m'a évité d'être l'attraction du jour ;o)
La salle
Ma table
J'ai pu aller aussi faire un tour en cuisine.
L'ambiance y est calme, mais efficace, chacun sachant ce qu'il à à faire.
Ici, Laurent mixe la purée de céleri qui accompagne les Saint-Jacques.
Petites mises en bouche
Crémeux de coraux de Saint-Jacques
Saucisson du marin finement tranché
J'ai ouvert ma première bouteille que je fais déguster au chef et au maître d'hôtel. Bien sûr pour qu'ils le découvrent, mais zossi pour savoir quels plats je vais choisir pour l'accompagner.
C'est un Montlouis Rémus 2002 de Jacky Blot. Je l'ai amené parce que j'avais lu que le chef avait fait il y a peu un repas autour des vins de François Chidaine. Je voulais donc lui faire goûter un Montlouis un peu plus âgé. La robe est d'un beau doré. Le nez exubérant évoque le beurre fumé, les agrumes confits, la noisette grillée. Sa bouche ample et mûre, avec une matière charnelle tendue par une fine acidité sous-jacente. La finale se conclut par de beaux amers évoquant le kumquat confit.
Le premier plat servi fut des Saint-Jacques poêlées, mousseline de céleri, beurre noisette. Une cuisson parfaite, une mousseline qui ferait manger du céleri à ses pires ennemis, et surtout une p'tite poudre magique à base de badiane et d'agrume. Mmmm... L'accord est intéressant sans être révolutionnaire. Le plat reste lui-même. Le vin aussi. Et comme les deux sont très bons, c'est pas vraiment un problème ;o)
L'acidité du vin nous avait laissé penser que le turbot poêlé, copeaux de rhubarbes, sauce vin blanc liée à l'oignon grillé se marierait bien avec. Ce n'est pas inintéressant, mais le Montlouis prend alors une allure plus austère. Son acidité ressort plus, le gras se fait plus discret. Il ressemble du coup plus à un Savennières, avec un côté minéral plus marqué. Plus intéressant qu'excitant.
Laurent me suggère une deuxième version du turbot, avec un bouillon curry et une mousse lait coco. Et là, c'est de la bombe : les épices réveillent non seulement le vin, mais le stimulent, l'intensifient, l'élargissent. Il prend une ampleur incroyable et devient loooong ! Décidément, les épices et les vins, c'est une belle histoire d'amour (voir ICI). Un beau moment de gastronomie :o)
Laurent pense que le Montlouis pourrait aussi se marier avec le magret de canard frais fumé, sauce au chutney. Allez : on teste pour la science. Verdict : c'est pas mal du tout, même si moins renversant que le plat précédent. J'en profite pour faire une transition avec le premier vin rouge :
Ce Château des Tours 2006 a une robe grenat limpide. Un nez changeant, évoquant tour à tour la grenadine, l'orange sanguine, la fumée, le poivre. La bouche est ample, toute en rondeur, avec des tannins soyeux et une grande fraîcheur. Léger affermissement dans une finale marquée par le tabac froid qui persiste longuement. Il est bon, mais je me demande si je n'aurais pas dû l'ouvir la veille pour qu'il s'exprime encore mieux. J'ai laissé la bouteille à Laurent qui pourra faire le test tranquillement.
Et voici le filet de boeuf français, jus de viande crémé au foie gras. Un plat qui demande plutôt un Bordeaux. Ca tombe bien : j'en ai amené un ;o)
Ce Talbot 98, ouvert le matin de bonne heure, s'exprime dans le plus pur style médocain : boîte à cigare, cèdre, cassis, avec un côté un peu austère. En bouche, la matière est dense et veloutée, bien équilibrée, avec cette droiture typique du Cabernet-Sauvignon. Rien ne dépasse. Bu seul, il a un côté un peu cistercien, épuré. Dès que l'on attaque le boeuf, un début de sourire apparaît aux coins de ses lèvres serrées. Un échange commence à se faire entre plat et vin : d'abord timide, puis plus assuré. Et finalement, les deux finissent par très bien s'entendre. On ne les arrête plus ... jusqu'à ce que le boeuf soit tout croqué ;o)
Avec les fromages affinés par la maison Olivier, je fais un petit essai comparatif entre les deux rouges. Le Talbot est beaucoup plus à l'aise avec la tomme de montagne et le Saint-Nectaire, le château des Tours se demandant un peu ce qu'il fait là.
Je finis le repas avec une pomme façon tatin, clafoutis sablé.
Avec un dernier vin sorti ce matin de ma cave :
Cette Sélection de Grains Nobles de Louis Sipp 2000 a une robe épaisse d'un or intense. Un nez évoquant la poire confite et la gelée de coing. La bouche allie pureté et onctuosité, avec une fraîcheur incroyable étant donné sa richesse en sucres. C'est intensément parfumé, avec une finale longue et épicée. Le mariage avec le dessert se fait très bien. On ne sature pas en sucre, alors qu'il y a tout de même pas mal...
Ce que j'ai encore plus apprécié, c'est que j'ai pu partager ce moment avec le chef : il a alors fini son service et peut profiter d'un moment de détente et de dégustation.
Nous enchaînons sur le café (déca pour moi) ...
... puis sur un étonnant rhum vénézuelien Diplomatico. Je n'en avais jamais bu de tels. Une belle couleur entre le cuivre et l'acajou. Un nez sur le toffee et les fruits secs. Une bouche ronde et onctueuse, sans sensation alcooleuse (fait tout de même 40°, le bonhomme !), avec une finale légèrement sucrée sur des notes de caramel, de café et d'épices. Miam !
L'air de rien, cela fait 5 heures que je suis attablé... Le personnel est parti prendre deux jours de repos bien mérités. Je reste encore quelques instants à discuter avec Laurent de matériel de cuisine, de cuisson à basse-température. Cela pourrait encore durer quelques heures de plus, mais il a une famille qui l'attend.
Laurent me conseille de passer à l'Eglise de Varengeville pour sa vue unique sur les falaises de Dieppe. C'est vrai que ça vaut le détour ! Il y a aussi parait-il la tombe d'un peintre célèbre. Je fais le tour du cimetierre pour la trouver, et je tombe sur celle-ci :
Je lis
Serait-ce LE Albert Roussel ?
(après vérif sur Wikipedia, OUI ! )
Mais bon, il est musicien, pas peintre...
Au bout de 10 minutes, je trouve enfin :
Ah ben voilà. Je les comprend, les Braque, d'avoir choisi un si bel endroit pour le repos éternel...
Restaurant le Colombier
Parc du Colombier 76550 Offranville - Tél 02 35 85 48 50 - Mail : lecourski@wanadoo.fr
Menus de 18 à 46 € - fermé le mardi, le mercredi et le dimanche soir. SITE