Le Printemps de Bourges avant l'heure
En avril, le retour du soleil n'est jamais certain. Par contre, pas de doute qu'il y aura une dégustation dans la cave de Jean-Loup en bonne compagnie. Cette année, le thème annoncé est "bourgognes blancs 2009", ce qui n'est pas forcément excitant sur le papier. Les blancs dans les années solaires manquent souvent de fraîcheur et d'équilibre. Mais bon, en même temps, j'avais été très agréablement surpris par la thématique du printemps précédent : les châteauneufs du pape 2007 et 2009 : je m'étais régalé alors que je m'attendais à m'ébouillanter le palais. Donc, va savoir : cette dégustation risquait de me "décevoir en bien" comme disent nos amis suisses.
Il était bien sûr prévu des gougères, mais comme il y avait deux p'tits nouveaux – façon de parler : l'un des deux frôle les 2 mètrres – Nicole voulait leur faire découvrir LA spécialité régionale : les galettes de pomme de terre !
Mais nous avons eu aussi les gougères, hein !
Cette fois-ci, pas de bulles pour démarrer : nous avons abordé direct le sujet avec deux premiers vins blancs (toujours à l'aveugle, of course).
Le premier a une robe pâle pour un 2009, et s'offre même un nez réduit, sur le grillé et la croûte de fromage. Avec l'aération, il s'ouvre et bascule sur le beurre chaud, la craie humide et le mousseron. La bouche est ample, d'une fraîcheur évidente, avec une matière de densité moyenne, finement grasse. Le tout est tendu par une acidité tellement ténue qu'elle est quasi imperceptible. La finale est longue et puissante, mêlant les notes crayeuses à la noisette fraîche et au zeste d'agrume. Ouf, je respire : si tous les vins de la dégustation sont de cet acabit, je devrais survivre.. Plusieurs annoncent un Chablis de Droin. C'en est bien un : 1er Cru Vaillons 2009 (pas d'étiquette, car prélevée la veille de la cave du producteur et offerte à Didier V.).
Le second a un nez plus discret, mais plus mûr et profond : fruits blancs rôtis, noisette grillée. La bouche est élancée, avec une matière plus dense que le vin précédent, et un toucher plus moelleux. Avec l'aération, elle gagne en tension et en minéralité : elle se fait plus "pierreuse". La finale a une mâche gourmande, sur la pomme fraîche et une fine touche beurrée. Contrairement à certains, je ne trouve pas vin spécialement fermé, même si je ne doute pas qu'il aura plus encore à offrir dans quelques années. C'est un Chablis 1er Cru Forest 2009 de Vincent Dauvissat.
Nage de lotte au lait de coco, carottes et brocoli
Il nous est servi une seconde paire de vins blancs.
Le premier a une robe jaune paille. Elle possède un nez de chardo comme je les aime, sur la noisette grillée, la brioche chaude, les fruits blancs et jaunes (poire, pêche). La bouche est longiligne, avec une fine acidité traçante et une matière douce et épurée. La classe personnifiée qui n'en rajoute pas. L'ensemble est frais, superbement équilbré, afvec une finale réjouissante sur le beurre noiseté et des notes salines. Quel beau vin ! C'est un Puligny-Montrachet 1er Cru les Folatières 2009 du domaine Leflaive.
Le second a une robe proche du précédent et un nez très marqué par les fruits jaunes confits et des notes miellées. Je le mets direct en Mâconnais. La bouche est ample et élancée, avec une matière riche, nappante, tout en gardant un bon équilibre. La finale est généreuse, avec un retour des fruits jaunes, complété par des épices et des notes grillées. On est un peu sur le prototype de ce que j'imaginais être un blanc de 2009. Je trouve ça assez fatiguant et serais incapable d'en boire plus d'un verre, même si je reconnais le travail d'équilibriste.C'est un Mâcon-Pierreclos Tri de Chavigne 2009 de Guffens-Heynen.
Saint-Jacques snackées au beurre vanillé
Et c'est reparti pour un nouveau duo de vins !
Le premier a une robe or clair. Le nez est fin, profond, sur le lemon curd et la pierre chauffée au soleil. La bouche est fraîche, éclatante, alliant ampleur et tension, avec une matière fine qui vous enveloppe le palais. La finale est tonique, sur l'agrume confit et des notes crayeuses rafraîchissantes. Un vin non seulement beau, mais réjouissant. C'est un Chassagne-Montrachet 1er Cru les Chénevottes 2009 de Chanson Père et Fils.
Le second a une robe d'un or intense. Le nez surmûr et évolué évoque un Oloroso (figue sèche, café, vieux rhum). .La bouche est ample, limite envahissante, même, mais la matière est sèche, austère, monolithique Clairement, le vin est flingué, même si le bouchon paraît de grande qualité, identique au vin précédent. Dommmage : c'était un Corton Grand Cru Vergennes 2009 de Chanson Père et Fils.
Poulet à l'estragon du jardin
C'est parti pour l'avant-dernière paire !
Le premier vin a une robe or clair. Le nez est fin, élégant, sur la poire, les fleurs blanches, et l'écorce d'agrume. La bouche est une merveille de précision et d'équilibre, avec une matière à la fois dense et (très) aérienne, et une fine acidité qui apporte fraîcheur et tension. À cela s'ajoute une énergie communicative qui m'a transporté jusqu'à une finale intense, très savoureuse, encore plus fraîche que la bouche, exprimant une forte minéralité. Grand vin pour moi, même si cet avis n'est pas partagé par tous C'est un Charlemagne Grand Cru 2009 de Chandon de Briaille.
Car pour une majorité de dégustateur, ce vin a été dominé par le second vin : la robe est proche, mais l'aromatique est nettement plus mûr, complété par du pralin, et surtout des notes boisées (pain grillé, vanille). La bouche est beaucoup plus puissante et énergique, jouant même dans l'opulence, avec une finale impressionnante d'intensité. On sent vraiment qu'il y a du fond, mais je ne peux m'empêcher d'être gêné par la gangue boisée qui prend le dessus sur le vin. Je me demande si elle sera digérée un jour. C'est un Corton-Charlemagne 2009 de Faiveley.
Gruyère suisse, Comté, et chèvre en deux affinages
Bon, cette fois, c'est la dernière paire !
Avec le premier vin, on poursuit sur les notes mûres et boisées, mais je trouve ça moins rentre-dedans, plus en finesse. Idem pour la bouche, élégante, aérienne, avec une belle tension. La finale poursuit dans la finesse tout en affichant une bonne persistance. On peut lui reprocher un manque de fond et de personnalité, mais c'est équilibré et agréable. Quand on apprend que c'est un Bienvenues-Batard-Montrachet 2009 de Faiveley, ça pique un peu...
Le second vin a un nez plus frais et aérien, avec de l'agrume confit qui émerge. La bouche est effilée, avec une fine mais intense acidité qui trace sévère, enrobée par une matière qui allie concentration et élégance. Je vais encore à l'encontre de la majorité, mais je trouve ça l'équilibre superbe, même si le style est moins "naturel" que le Charlemagne de CdB. Mais le boisé me dérange beaucoup moins que dans le Corton-Charlemagne de Faiveley car moins plaqué dessus (mieux intégré, pour le dire autrement). La finale intense et très savoureuse confirme le haut niveau de ce vin. On est dans l'excellence. C'est un Batard-Montrachet 2009 de Faiveley.
Tiramisu
Avec le (délicieux !) dessert, est servi le dernier vin. Sa robe est ambrée. Le nez est intense, sur la crème brûlée, le café et la figue séchée. La bouche est élancée, avec une fraîcheur bienvenue qui réussit à compenser la richesse de la liqueur. La finale est expressive, sur la figue, les épices et le caramel. Sans trop de surprise, c'est un Rivesaltes Le Serrat 2000 de Sardat-Malet.
Eh bien, au final, il y eut beaucoup de belles surprises : une majorité des vins a réussi à échapper à la "lourdeur" du millésime. Cela dit, je l'avais déjà constaté à plusieurs reprises sur des Sancerres et Chablis de 2009 : avec le temps, les vins ont réussi à regagner en tension.
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