Leçon de bonheur à la maison d'à côté
Quelques compte-rendus alléchants nous avaient donné envie de nous atabler à la Maison d'à côté sise à quelques kilomètres de Blois. Connaissant bien cette ville pour y avoir habité une partie de mon enfance, j'avais proposé à mes amis de leur faire visiter le centre historique avant de mettre les pieds sous la table.
Le temps étant plutôt gris, je n'ai pris cette fois-ci de photo de Blois, mais j'avais fait un "photo-reportage" l'année dernière : ça se passe ICI.
Après avoir longé la Loire durant 10 mn (pendant lesquelles on peut apercevoir le Château de Ménars sur l'autre rive) nous arrivons au village de Montlivault. Le restaurant est en plein centre, juste derrière l'église). Extérieurement, ça ne paie pas de mine. Mais dès que l'on rentre, la salle est plutôt coquette, et plus grande que l'on ne l'imagine
D'ici l'été, le restau devrait déménager de quelques mètres dans un nouveau local :
La table est suffisamment décorative pour ne pas avoir besoin de nappe (pratique et économique !)
Le chef Christophe Hay discute avec nous du repas à venir. Il faut dire que nous sommes venus avec quelques bouteilles, le droit de bouchon étant particuièrement bas (5 € par bouteille de vin, 8 € pour un Champagne), nous avons profité de cette aubaine. Il est à souligner que toute l'équipe a réagi très positivement à ces apports : non seulement nous n'avons aucune gêne/reproche, mais le sommelier a tout fait pour que les vins soient servis à bonne température, avec l'aération nécessaire (carafe) avec un parfait sens du timing.
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Nous avons pris l'apéritif avec Brut Millésimé 2004 de Raymond Boulard, une bouteille rappelant une époque - pas si lointaine - où Francis n'avait pas encore pris son indépendance ... mais produisait déjà de l'excellent Champagne. La robe est d'un beau doré, sans paraître toutefois trop évolué. Le nez est superbe à l'ouverture et finira magnifique avec un peu d'aération : c'est Chardonnay à donf (50 % de l'assemblage) avec des notes de noisette/sésame grillé(e), de brioche toastée, de morille... Par contre, en bouche, c'est intense, vineux, complexe, plus typé noir (30 % PN, 20 % PM). Le tout est juste magique, reléguant très loin des champagnes à l'étiquette beaucoup plus flatteuse (surtout que là, vraiment...)
Arrive la première mise en bouche : ce sont des brioches (vapeur?) à la fleur de sureau et aux baies d'épine-vinette. Si j'ai bien senti l'acidité des secondes (il y en avait deux à l'intérieur) je n'ai pas senti de notes florales. Mais c'était bien sympa.
Puis Silure fumé, mousse de courge, chips de tapioca souflé sur lamier pourpre et vesce
Ben ça y est, j'ai mangé du poisson-chat : c'est bon, dis !
Là c'est une terrine (?)à base de gardon avec un bouillon bien parfumé au chou. Bon aussi.
Premier des 7 plats du menu : maquereau des côtes bretonnes, radis d’hiver et ail des ours. Le radis est du Red meat que j'ai découvert il y a peu. Il dégage beaucoup de fraîcheur sans être piquant. Je note que le restaurant est doté d'une mandoline japonaise qui permet de faire des larges rubans de légumes (chou rave ?). J'en rêve, mais c'est un peu cher... Quant au maquereau, je ne sais pas trop s'il est cuit ou juste mariné. En tout cas, la chair est ferme et goûteuse. La peau a dû être rapidement passée au chalumeau (un grand classique depuis 2-3 ans dans les restaus branchés). C'est bon, irréprochable, avec pas mal de goûts et de textures complémentaires. On espère tout de même que le niveau va monter.
Ce plat se marie bien avec le Cheverny Frileuse 2014 du Clos Tue Boeuf. C'est le seul vin que nous avons pris sur la carte du restaurant. Nous l'avions dégusté l'année dernière à un salon "nature" près de Limoges : il nous avait laissé un bon souvenir. Mélangeant le Sauvignon, le Chardonnay et le Menu Pineau, il a la fraîcheur du premier, l'équilibre du second et la rondeur du troisième. Le vin est donc vif et gourmand, avec un nez tout de même dominé par le Sauvignon (bourgeon de cassis).
Et voici le homard de casier, panais, rhubarbe confite et nage de crustacé. J'en entends déjà qui font remarquer que la nage est des plus réduites. Normal : elle est versée après que l'on prenne une belle photo. Parce qu'ensuite, l'esthétique en prend un coup. Les petits oeufs sont ceux du homard, juste marinés au sel et au sucre (donc non cuits : leur couleur d'origine est préservée). Le homard a une belle et juste cuisson (ni trop, ni trop peu). La nage est apparemment parfuméée au combava, car elle est bien marquée par la citronnelle. La purée de panais froide et citronnée est très bonne. La rhubarbe apporte ce qu'il faut de niaque. Bref, comme dirait F.-R. Gaudry, c'est Très Très Bon. Un Riesling moselan eût été génial avec ce plat. Ceci dit, la Frileuse s'est transformée, gagnant en ampleur et en tension. L'accord est plus que satisfaisant : il est délicieux !
Le sommelier commence à nous servir la deuxième bouteille que nous avons apportée : un Montlouis Choisilles 2002 de François Chidaine. Il s'est aéré une heure dans une carafe étroite. Le nez est superbe, sur des notes de beurre fumé/grillé, de fruits blancs rôtis, de miel, avec une pointe d'agrume confit. La bouche est ample, riche, généreuse, tout en étant tendue par une fine acidité. Un Chenin d'un grand millésime à son apogée.
Nous continuons sur l'esturgeon de Sologne grillé au bois de coriandre, caviar Baeri, chou rave et Kale.
Le chef nous verse lui-même la sauce qui accompagne le plat. Le bois de coriandre, ce sont des fagots qui sont faits avec la coriandre montée en graines et qui s'est lignifiée. Cela fait plaisir de manger du poisson cuit, car plus ça va, plus les restos le servent à la limite du cru. La variation sur les choux, en goûts et en texture est très bonne. La purée verte qui est en arrière-plan, très légère mais d'une grande intensité gustative, frôle le génie. Le caviar apporte une touche croquante/iodée. L'ensemble se marie bien avec le Montlouis. Que du bonheur, donc !
Nous terminons la série des poissons avec une sole de petit bateau, asperge de Sologne, oignon doux des Cévennes, grillé et cremeux, crumble au Saté, fumet caramélisé. Un plat juste parfait, avec un jouissif ping pong gustatif entre les différents ingrédients. La cacahuète du saté est vraiment judicieuse : elle réussit à faire le lien entre tous, vin compris. L'accord est juste somptueux.
Comme pour les vins précédents, le sommelier a la bonne idée de servir celui-ci un peu en avance, histoire qu'il s'aère tranquillement dans nos verres. Ceci dit, cette Mondeuse 2002 Prestige du Prieuré Saint-Christophe a été ouverte la veille au soir, puis a été carafée une bonne heure au restaurant (le sommelier l'avait goûtée et pensait à juste titre qu'elle avait besoin de s'arrondir - mais il m'avait consulté avant de le faire, je tiens à le préciser). Le nez de cette Mondeuse est à tomber : un bouquet subtil de fleur et de fruits rouges, avec une pointe de poivre fumé et de tabac. La bouche est ronde, soyeuse et fraîche, bien épicée, rappelant plus une Côte Rôtie d'une année légère qu'un Bourgogne. Mais en tout cas, on est à l'antipode du rouge savoyard de base.
Il nous est servi avec du veau de lait, héliantis confit, mousse topinambour, crémeux de pois au Za'Atar. Là encore, le chef vient nous verser lui-même la sauce qui l'accompagne. Du riche, de l'intense, mais sans un milligrame de gras (et pas trop salé !). Quand elle commence à refroidir, elle est tellement riche en collagène qu'elle commence à devenir très collante/épaisse. L'héliantis est un cousin du topinambour. Les voir ensemble est plutôt logique. La cuisson du veau est évidemment parfaite. J'aime beaucoup ce qu'apporte le Za'Atar, mélange libanais où l'on retrouve du thym, du sésame et sumac. C'est à la fois frais et chaleureux. Tout est suffisamment subtil pour mettre le vin en valeur. Là encore, on se régale grave !
Et voici le chèvre frais de Dominique Fabre, mousse légère, herbes et fleurs sauvages, miel de sapin. (la recette est disponible sur le site du restaurant). Allier une mousse de chèvfre frais avec du miel de sapin, corsé par du chèvre plus affiné, c'est plutôt malin, et fait une belle transition entre salé et sucré. Après, certain(e)s autour de la table ont trouvé ça un peu trop sucré. Perso, ça m'a bien plu.
En dessert, un ananas du Costa Rica confit au sucre de canne, citron mandarina, glace Dulce de leche. L'ananas a un goût assez incroyable. Il ne ressemble à aucun ananas mangé de toute ma vie. Il réussit à ne pas être trop sucré. Le reste aussi, sauvé par l'acidité du citron. La glace aurait pu être en quantité un peu plus importante. Cela aurait rafraîchi encore plus le dessert.
Le sommelier a la bonne idée de nous servir avec notre 4ème bouteille qui était plutôt prévu en "vin de méditation" : un Or de Chenin 2009 de Matthieu Bouchet. C'est un vin de macération qui est resté six ans en fût sans ouillage. Le nez évoque un Coteaux du Layon évolué, mais la bouche est totalement sèche, même si elle est d'une grande puissance aromatique, avec une matière riche et dense. Le mariage avec le dessert fonctionne bien. Mais tout seul, c'est très bon aussi :-)
Une madeleine encore tiède pour le café
Et puis quelques friandises (bien aimé les guimauves, très aériennes)
Les bouteilles du jour...
... et l'homme qui les a mis en valeur : Sébastien Durance.
Un très joli repas : sans être affamé, on ne sort pas de table avec l'impression d'avoir trop mangé (un dessert au chocolat en plus ne nous aurait pas fait peur). Même sensation pour le porte-monnaie. On ne pourrait pas s'offrir ce genre de repas tous les jours, mais nous nous en tirons pour un peu moins de 100 € par personne. Cela me semble plus que correct. Il est clair que le fait de pouvoir apporter nos bouteilles y est pour beaucoup. On peut se faire vraiment plaisir sans se ruiner. Et sans avoir mauvaise conscience, le personnel étant vraiment adorable ! Merci à Emmanuelle et Christophe Hay pour leur accueil. On reviendra pour un repas gibier ;-)
Petit détour à Chambord, tout de même :-)
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La Maison d'à Côté
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