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A boire et à manger
22 avril 2013

Superbe verticale de Pontet-Canet

L'idée de Jean-Michel Comme était de me donner un aperçu ce ce que pouvait offrir le terroir de Pontet Canet, afin d'y voir les constantes au fil des ans … et les nuances. Il y a bien sûr l'effet millésime, mais aussi des approches très différentes, à la vigne comme au chai. Il est particulièrement intéressant d'observer les dernières années, où la biodynamie a profondément modifié les raisins vendangés, amenant à faire des extractions de moins en moins appuyées.

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Jean-Michel m'a conseillé de partir du plus ancien vers le plus jeune. Aller dans le sens du chemin parcouru, en quelque sorte. Ayant les bouteilles à ma seule disposition, je ferai en fait un aller-retour, suivi d'un autre aller. Histoire de bien m'imprégner de chaque millésime. Sans lassitude aucune.

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Lorsque Jean-Michel est allé chercher ce millésime dans la cave du château, il était dans une bouteille plus "dans le jus". Elle a été transvasée dans cette bouteille qui présentait mieux, ce qui a permis de l'aérer. Cela explique pourquoi il était très expressif dès le premier verre.

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la bouteille d'origine...

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1953 : la robe est très évoluée (acajou), mais bien sombre. Le nez est très expressif, aérien, sur des notes de boîte à cigare, de cèdre, d'humus et de feuille de cassis séchée. La bouche est à la fois très légère, arachnéenne, avec des tannins d'une douceur irréelle, et en même temps d'une grande intensité aromatique (cela me rappelle un vieux Musigny bu il y a quelques années). La matière semble s'être envolée pour laisser toute la place à l'esprit de Pontet-Canet. Et il l'occupe parfaitement et totalement. La finale est toute aussi intense, sur des notes de havane.

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1982 : l'une des années du siècle passé. Mais aussi une année record en rendement. C'est plutôt la deuxième option que l'on ressent ici. Le nez a un fruit un peu "décadent" (pour reprendre une expression de François Mitjavile), mais aussi de sous-bois d'automne. La bouche est ronde, douce, avec une matière polie par le temps. Lorsque j'y reviendrai un peu plus tard, le côté "aqueux" ressortira assez cruellement. La finale est assez déséquilibrée, avec une amertume marquée. Pas emballant.

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1996 : le nez est superbe,  entre jeunesse et maturité : cassis, truffe, cèdre, épices. La bouche allie la droiture médocaine à une matière dense et douce, aux tannins parfaitement fondus. L'équilibre est superlatif, avec une impression de radieuse sérénité. La finale se conclut sur une fine mâche gourmande, sur des notes de cassis et de tabac. Ce que c'est bon !

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2000 : l'année qui a fait tourner les têtes. Un peu trop, certainement. Le nez est intense, sur des notes fumées, lardées, havanaises, avec un fruit en arrière plan. La bouche est charnue, pleine, avec des tannins veloutés et ce qu'il faut de fraîcheur. L'ensemble est fin, équilibré, mais manquant d'allant et de caractère. Le cassis finit par dominer dans une finale un peu ferme. 

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2005 : encore un grand millésime, avec un domaine qui s'est alors lancé dans l'aventure biodynamique. Nez assez fermé sur le bois précieux et les épices. Bouche ample,  dégageant une puissance majestueuse, avec une matière riche et dense. On sent une grande maturité du fruit, tout en ayant une bonne fraîcheur. La finale est tout aussi puissante, très marquée par les fruits noirs (coulis de myrtille). Puissant et classe.

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2009 : le millésime du millénaire ;-) Nez riche, sensuel et complexe, sur la crème de fruits noirs, l'encens, les épices. Bouche mûre, voluptueuse, gourmande, aux tannins sensuels, ce qui n'exclue pas une densité impressionnante de la matière. La finale est du même acabit, avec une mâche puissante mais sans dureté, prolongeant le plaisir quasi indéfiniment. Une bombe qui mérite le 100/100 de Parker ! 

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2010 : le millésime intergalactique. Nez fin et profond, plus "sombre" et frais. Bouche fine, élancée, avec une matière douce, dense et fraîche. L'ensemble est à la fois tendu et d'une profondeur insondable,se prolongeant dans une longue finale, sans aucune dureté. C'est d'une beauté indescriptible, émouvante. Un vin qui touche au sublime. Là aussi, le 100/100 est mérité.

Au vu de cette verticale, il y a clairement un basculement de style dans ce millésime.

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2011 : nez fin, aérien, sur les fruits noirs, le cèdre et les épices. Le toucher de bouche est quasi irréel, avec une matière douce, mûre, soyeuse, émouvante. Un vin hors du standard bordelais moderne, se rapprochant plus des grands  Bourgognes (celui-là, je l'ai goûté et regoûté, pour être sûr de ce que je ressentais).

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2012 : nez pur, élégant entre fruits noirs, épices douces et notes lactées (très jeune). Bouche aérienne,  tendue par une acidité ciselée au laser. La matière est encore plus douce que le vin précédent, tout en étant plus intense, plus riche. Ce vin a quelque chose de l'irréalité du 1953, la fougue de la jeunesse en plus. Mais à 60 ans de distance, il se rejoignent. La finale est d'une rare persistance, pénétrant l'âme en profondeur. Juste énorme.

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Que dire si ce n'est que cette heure passée en la compagnie de ces vins fut magique. Je regrette juste de ne pas l'avoir passée avec Jean-Michel, occupé à recevoir les professionnels quelques dizaines de mètres plus loin. Je ne sais pas quels seront les développements futurs des vins de Pontet-Canet, mais les derniers millésimes semblent montrer qu'il est en train de devenir l'un des vins les plus incroyables de la planète.

 

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