A (divinement) boire et à (très bien) manger
Suite à ma matinée d'initiation aux sushis, j'ai partagé le repas avec mes hôtes. A l'heure du déjeuner est arrivé une vieille connaissance : Pierre, dit l'homme et demi, membre historique de LPV Haute-Normandie (il avait participé au premier repas en décembre 2005). Il est venu avec quelques bouteilles ... et sa compagne, Séverine.
Pour démarrer le repas à la japonaise, Julie nous sert un bouillon dashi au miso blanc. Ce dernier apporte des saveurs plus douces qu'un miso classique. Il a donc fallu les compenser par un apport acide (balsamique, jus de
citron). L'équilibre s'est rétabli, et le résultat est top !
En mise en bouche, une petite verrine avec des crevettes épicées, des amandes grillées, un peu d'abricot sec, sur un fond de fromage blanc enrichi à la crème (on est en Normandie, que diable).
Avec celle-ci, un premier vin pour démarrer : son nez sur l'agrume confit, la poire bien mûre et quelques notes terpéniques me fait partir sur un riesling. Pourtant, sa bouche charmeuse, fine et de belle ampleur, ne présente pas le côté acéré du cépage. Pas plus que la finale saline, salivante, entre amertume et très légère sucrosité. Ce joli vin qui m'a déjà piégé moultes fois est une Marestel 2008 de Dupasquier. Si on l'achète au domaine, ce vin est sûrement l'un des meilleurs rapports qualité/prix de France.
Arrive ce qui est sûrement le plat du jour. Sa préparation est d'une simplicité biblique à condition d'avoir les ingrédients sous la main : noix de Saint-Jacques finement tranchées, jus de yuzu, pulpe de fruit de la passion et fine julienne de cédrat frais (qui apporte un croquant merveilleux).
Deux vins très différents sont proposés pour l'accompagner.
Le premier a un nez généreux, solaire, avec des notes de beurre noisette, de pomme chaude, de praliné. La bouche est ample, généreuse, avec toutefois une belle structure acide en filigrane qui lui évite de s'éparpiller. La finale est puissante, expressive et persistante. J'imagine bien un chardonnay sur Chassagne. C'en est un : Chassagne-Montrachet 1er cru "les vergers" de Philippe Colin.
Le deuxième a un nez plus vif, marqué par le zeste d'agrume et la pierre mouillée. La bouche est à la fois ronde et très tendue, intense aromatiquement, très marquée par le pomelos rose, y compris dans la finale où l'on a l'impression de mordre dans la peau de l'agrume. Sauvignon, sans aucun doute. Après... ? Un Pur sang 2007 de Didier Dagueneau. Ce "bébé" gagnera à être rebu dans une dizaine d'années. Il sera alors beaucoup plus complexe...
Suivent quelques sashimis de saumon avec cette fameuse fine julienne de cédrat et une sauce ponzu, marquée par le yuzu (et j'aime ça !). Arriveront ensuite les différents sushis que nous avons préparés ce matin. Deux nouveaux vins blancs sont servis.
Le premier a un nez très fin, sur le beurre juste fondu, le zeste de citron fraîchement découpé. La bouche est élancée, fraîche, avec un beau volume et un "gras" digeste. La finale gourmande sur l'agrume confit est d'une grande netteté. Un vin pur et élégant. Forcément un chardonnay bourguignon : un Puligny-Montrachet 1er cru "les Referts" 2009 de Bachelet-Monnot.
Le deuxième a un nez plus marqué par la fumée et cette réduction grillée qui peut évoquer Coche-Dury. La bouche est vive, tendue, avec une matière riche d'une concentration impressionnante qui ne vous lâche pas jusqu'à la longue finale. Et une expressité, vindiou ! J'A-DORE ce vin, qui est une véritable bombe ! Le choc est d'apprendre que ce n'est "que" un Saint-Aubin "En Rémilly" 2008 de Pierre-Yves Colin-Morey. Chapeau bas !
Je ne peux m'empêcher de penser à une discussion récente sur le forum LPV où quelqu'un affirmait qu'il ne connaissait pas de chardonnay bourguignon pouvant égaler un jurassien. Il faut croire qu'il n'a pas bu de vin de ce producteur...
Nous goûtons ces fameux makis de thon surmontés de pulpe de mangue et de framboise : impec !
Transition à la viande avec des brochettes de boeuf au fromage (ou l'inverse)
Ce qui permet de faire une transition vers les vins rouges....
Le premier a un nez gourmand sur la framboise fraîche et les épices. La bouche est ronde, pulpeuse, avec des tannins qui accrochent encore un peu en fin de bouche. Mais dans l'ensemble, c'est un vin bien agréable.
Le second a un nez plus dominé par l'élevage, sur le fruit surmûr, avec une pointe de volatile. La bouche est vive, tendue, avec des tannins parfaitement fondus et une finale épicée.
Quand Pierre me dit que les deux vins sont des Bordeaux, je n'en crois pas mes papilles. Et lorsqu'il me dit que je connais le producteur du 1er et que j'ai le 2ème en cave, encore moins...
Le premier, c'est Cornélie 2009 (Médoc) de l'ami Patrick que j'ai vendangé en partie. Le deuxième, c'est le Domaine de l'A 2005 (Cotes de Castillon de Stéphane Derenoncourt). Là, à mon avis, le bouchon a un souci, car ça ne ressemble pas du tout à cela : pas de surmaturité, et encore moins de volatile.
Durant la cuisson des brochettes au four, nous faisons un petit break en extérieur et allons visiter les chèvres de Matthieu et Julie. Elles sont vraiment attachantes, ces p'tites bêtes ;o)
Ken, le chéri de ces dames...
Nan, c'est pas de la viande de chèvres...
Allez, encore deux rouges...
Le premier a un joli nez sur les fruits rouges frais (fraise, framboise) et les épices. La bouche est ronde, mûre, dans un registre assez léger, mais savoureux. Un vin bien fait.
Le deuxième est sur les fruits beaucoup plus mûr, le chocolat, et là encore de la volatile (plus marquée que le vin précédent). Celle-ci apporte de la tension et de la fraîcheur au vin, avec tout de même ce côté "borderline". Plus, ce serait vraiment pô bon. Bref, je déteste pas, mais je ne suis pas trop fan non plus...
Pour le premier, je n'ai aucune idée de l'origine. Et pour cause, c'est un Malbec argentin, Phébus 2007. Le deuxième, je subodore un vin de Barral. Et c'en est un : Valinières 2006 (vin de table ... pas vraiment surprenant).
Nous passons ensuite aux fromages. Etant donné que Julie est notre grande pourvoyeuse en vieux comtés, Pierre et moi avons pensé tous les deux à amener des vins du Jura ;o)
Je propose que l'on serve d'abord celui que j'ai apporté, car c'est un papy délicat. Je l'ai acheté le mois dernier dans une cave de Bergerac. C'est un Château Chalon 1973 produit par Hervé de Boichailles. Le nez est d'une grande finesse, sur des arômes de curry, de fruits secs grillés, voire de fleurs séchées. La bouche est d'une texture irréelle, arachnéenne, avec pourtant une grande intensité aromatique. C'est comme un voile de saveur qui se dépose sur le palais. La finale est loooooonngue. Vraiment super : je ne regrette pas mon emplette !
Puis viennent les deux p'tits jeunes amenés par Pierre.
Le premier est marqué par les épices chaudes, grillées. La bouche est pure, fraîche, élancée, toujours sur des notes grillées, avec une finale pas très puissante.
Le deuxième évoque la croûte de fromage (réduction ?) puis la pomme en s'aérant. La bouche est plus tonique, avec une acidité plus marquée. La finale est nettement plus longue, bien épicée.
Les deux vins proviennent de chez Macle. Ce qui peut paraître surprenant, c'est que le deuxième est un pur Chardonnay, alors que cette acidité marquée pourrait faire penser à un Savagnin (et vice-versa pour l'autre vin). Le premier, c'était un Côtes du Jura 2007, le deuxième, un Côtes du Jura 2006 (version Chardonnay).
Je me ressers alors du Château Chalon précédent. Et je me rends compte que le papy, derrière sa structure éthérée, a une puissance hénaurme ! D' la dynamiitte !
Last but not least, le dessert de Julie, à base de yuzu, of course. Léger, goûteux, pas trop sucré. Tout ce que j'aime. Quand elle m'a demandé d'apporter le vin pour l'accompagner, j'ai pensé de suite à un Riesling allemand. J'ai donc amené un Ürziger Würzgarten Auslese 1994** de Karl Erbes.
Si l'aromatique terpénique (plus que gasoil) peut déranger les naseaux délicats – perso, j'aime beaucoup – la bouche est bien marquée par le citron confit, et est totalement raccord avec le plat. S'ajoutent aussi des arômes d'ananas, de fruit de la passion de mangue, et une touche de citronnelle. Et surtout une fraîcheur vivifiante, rare sur les liquoreux français.
Il faisait nuit lorsque nous sommes sortis de table. Autant dire que je n'ai pas mangé en rentrant à la maison ;o)
Merci à Julie et Matthieu pour leur bel accueil
et à Pierre pour les vins apportés !