Clos de la Roilette, Janin et Thivin : trois domaines, trois styles
Fin novembre, comme je l'ai déjà évoqué, j'étais en terre beaujolaise. Avec mes amis du Juratour, nous avons visité trois domaines durant le week-end. J'aurais pu faire un billet par vigneron, mais je trouvais plus intéressant de regrouper les trois : cela permettra de voir de suite les différences de style sans avoir à cliquer vers une autre page.
Je signale que je ne suis pas du tout un spécialiste des vins de la région. Je juge juste ce qu'il y a dans le verre, comme je le fais au quotidien en tant que caviste. Il est probable que certains demanderont du temps pour donner leur meilleur. Mais j'ai tout de même tendance à croire que lorsqu'un vin est grand, on le pressent dès sa prime jeunesse.
Vendredi, fin d'après-midi : Clos de la Roilette
Ce domaine de neuf hectares est situé à Fleurie. Fernand Coudert l'a acquis en 1967.Son fils Alain lui a succédé en 1987. Petit à petit, son fils Alexis – qui nous a reçu – prend le relais.
Brouilly 2016 : la robe est grenat. Le nez est fin, sur la violette, l'ardoise chaude, avec une pointe de fumée, et un soupçon de "bonbon anglais". La bouche est élancée, tendue, avec une matière soyeuse qui gagne progressivement en chair. La finale est nette, fraîche, avec de la mâche et une légère verdeur (rafle ?).
Fleurie "Clos de la Roilette" 2016 : la robe est plus claire. Le nez est plus fumé, avec des notes végétales plus marquées (rafle). La bouche est plus fine et plus tendue, avec une acidité traçante. La finale est fraîche et digeste, avec une verdeur plus prononcée (trop à mon goût) que dans le vin précédent.
Fleurie "Cuvée tardive" 2016 (vignes de plus de 80 ans) : la robe est plus sombre. Le nez est plus mûr, plus complexe, avec des notes fruitées et florales, des épices ... et toujours une pointe de rafle. La bouche est tendue, mais l'acidité est moins saillante, mieux intégrée. La matière caressante gagne en douceur et en sensualité. La finale est plus tonique, avec toujour cette verdeur qui me dérange un peu...
Fleurie "Griffe du marquis" 2015 (même vignes que vin précédent, avec élevage d'un an en barriques) : la robe est encore plus sombre. Le nez est encore plus mûr, avec en plus des notes grillées/épicées. La bouche est ronde, riche, charnue, avec une aromatique très confite/compotée que je trouve un peu lourdingue. La finale marquée par l'alcool n'arrange rien. Pas mon truc... (le vin suivant montre que c'est l'effet millésime)
Fleurie "Griffe du marquis" 2016 : la robe est pourpre violacée. Le nez est plus fin et frais, avec un retour sur du fruit (juste) mûr, de la violette, quelques épices. La bouche est élancée, pleine de fraîcheur, avec une matière veloutée, gourmande, et une aromatique charmeuse. L'ensemble est d'une grande plénitude. La finale, puissante, est encore un peu marquée par l'élevage en barrique, mais ça devrait rapidement se fondre. Très joli vin !
Samedi matin : domaine Paul Janin & fils
Le domaine de 8.5 hectares est situé à Romanèche-Thorins. Il produit essentiellement du Moulin à Vent. Nous sommes accueillis par Eric Janin.
Beaujolais-Villages "piémonts" 2016 : la robe est rubis translucide. Le nez est dominé par les petits fruits rouges avec une touche lactique. La bouche est ronde, fraîche, gourmande, avec une matière fine, soyeuse. La finale est une explosion fruitée. Miam !
Moulin à Vent "Vignes du Tremblay" 2016 (essentiellement vignes de 40 à 70 ans): la robe est pourpre translucide. Le nez est très expressif, sur la cerise rouge, la groseille et une pincée d'épices. La bouche est ronde, ample, avec une matière juteuse, fruitée, d'une grande gourmandise. La finale est par contre encore un peu sévère, mais ça devrait s'arranger rapidement.
Moulin à Vent "Héritage du Tremblay" 2016 (vignes de 80 à 100 ans) : la robe est plus sombre et intense. Le nez est superbe, avec des fruits plus noirs que rouges. La bouche est élancée, avec un très belle tension et une matière veloutée, fraîche, qui vous tapisse le palais. La finale est puissante, encore un peu ferme, mais sans dureté. A attendre en toute confiance.
Moulin à Vent "Vignes du Tremblay" 2014 : la robe est rubis. Le nez "pinote" sur la griotte et des notes de terre humide. La bouche est ample, avec une matière charnue, moelleuse, et un fruit intense, vibrant. Le tout d'une grande fraîcheur. La finale est savoureuse, intense. Extra !
Moulin à Vent "Héritage du Tremblay" 2016 : la robe est grenat/pourpre intense. Le nez est très beau, sur les fruits rouges et les épices. La bouche est de grande ampleur, avec une matière veloutée, sensuelle et gourmande, d'une totale évidence. La finale épicée envoie du lourd sans la moindre dureté. Excellent !
Moulin à Vent "Vignes du Tremblay" 2015 : la robe est plus sombre. Le nez est plus mûr, limite confit. La bouche est plus riche, plus ample, plus mûre. Un peu trop même (j'ai vraiment du mal avec ce millésime). Les tannins ne sont pas encore totalement fondus. La finale est chaude, lourde. Sans moi...
Beaujolais blanc "Argiles" 2016 : la robe est or pâle. Le nez est très expressif, sur la poire, le beurre, la fumée. La bouche est ronde, fraîche, équilibrée, avec une juste tension et une aromatique beurrée bien intégrée. La finale est nette, gourmande, savoureuse. Ça fait du bien après le 2015 !
Samedi après-midi : ChâreauThivin;
Ce domaine de 27 hectares est situé à Odenas. Il produit essentiellement du Côtes de Brouilly. Il a été acquis en 1877 par Zaccharie Geoffray, en pleine crise du phylloxera (il ne reste alors plus que 2 ha de vignes). Son fils Claude lui succède, puis son fils Claude, puis son fils Claude. Là, c'est le fils de Claude, Claude-Édouard Geoffray, arrivé en 2007 au domaine, qui nous reçoit .
Construit à flanc de colline, le chai utilise la gravité. Les grappes entières sont encuvées par ces trappes.
Puis une fois la fermentation semi-carbonique achevée, les raisins tombent dans le pressoir qui se déplace sur des rails.
Selon les cuvées, le vin poursuivra sa fermentation et son élevage en foudre ou en barriques
Brouilly Reverdon 2016 : la robe est rubis/grenat. Le nez est fin, frais, minéral, avec des notes subtiles de fruits rouges confits. La bouche est pure, fraîche, tendue, avec une matière soyeuse, limpide, au fruité intense, mais noble. La finale est fraîche et gourmande. Cela comment très bien !
Côtes de Brouilly "les 7 Vignes" 2016 : la robe est rubis. Le nez est plus discret. La bouche est encore plus fraîche, avec une acidité traçante plus saillante et une matière aussi fine. La finale est nette, franche, avec une légère mâche. À attendre un peu ...
Côtes de Brouilly "Clos Bertrand" 2016 : la robe est proche du précédent. Le nez n'est guère plus causant, avec en plus de la réduction (notes fumées/grillées). On retrouve la même acidité traçante, mais avec une matière un peu plus dense. L'ensemble est très tendu sans que ce soit agressif. La finale est nette, intense. À attendre encore un peu plus ...
Côtes de Brouilly "Griottes de Brulhié" 2016 : la robe est grenat translucide. Le nez est fin et profond, sur la griotte, la violette, la pierre chauffée au soleil. La bouche est très élancée, avec une matière soyeuse, élégante, d'une grande finesse. La finale fraîche et intensément fruitée ne rompt pas le charme. Excellent.
Côtes de Brouilly "la Chapelle" 2016 : la robe est grenat sombre. Le nez gagne en complexité, sur les fruits mûrs et les épices, tout en gardant de la fraîcheur aromatique. La bouche est juste superbe, alliant une tension de ouf à une matière chambollienne, douce et sensuelle. L'harmonie est totale. La finale est plus ferme que dans le vin précédent, mais la mâche est très gourmande. J'a-dore ! Hélas, il n'est déjà plus dispo (les clients ont bon goût). Je me rattraperai sur des 2008 remis en vente... en espérant qu'ils seront aussi bons.
Côtes de Brouilly "Zaccharie" 2016 : la robe est grenat sombre. Le nez est magnifique, sur les fruits rouges et noirs confits et des épices douces (le plus beau nez de Gamay jamais senti, je pense). La bouche est pure, intense, alliant une matière mûre, riche, et une fraîche tension. La finale puissante est encore marquée par l'élevage bois, mais ce n'est pas plus gênant que cela. Un grand vin en devenir !
Côtes de Brouilly "la Chapelle" 2000 : la robe est grenat évolué. Le nez est riche, sur les fruits confits et fumé/toasté assez marqué. La bouche est très élancée, avec une matière douce et fraîche, d'une grande intensité gustative. La finale est très intense, sans la moindre dureté. Superbe vin !
Il y de (très) belles bouteilles chez ces trois producteurs, même si j'ai un gros faible pour Thivin. Probablement parce que l'on oublie totalement que l'on boit du Gamay tant il est transcendé. Reste qu'à l'instar des autres régions viticoles, les prix grimpent de plus en plus. N'espérez pas dénicher des affaires à prix doux (à part Reverdon et le Beaujolais Piémonts).