Emincé de Saint-Jacques et champignons de Paris, châtaignes rapées, pâte de citron (ou genèse d'une recette)
Cette recette a été créée spécialement pour un repas d'anniversaire. Il était décidé dès le départ qu'il accompagnerait des Saint-Jacques (commandées chez le poissonnier), mais j'avais dit à mon "commanditaire" que le plat ne serait vraiment créé que lorsque que j'aurais goûté le vin : un Chablis 1er Cru Butteaux 2001 de Raveneau.
Il est ouvert avec les autres vins du repas à 9H30 du matin, avant que nous partions faire les courses au marché de Limoges. Le vin a une robe peu évoluée pour un vin de 13 ans. Idem pour le nez, toujours dominé par les agrumes, avec des notes de mousseron et de craie humide. Mais pas de beurré/grillé/miellé qui m'aurait incité à faire dorer/caraméliser les Saint-Jacques. Itou pour la bouche, pas franchement grasse, avec une acidité encore stricte, et une finale un peu crayeuse. Cette craie appelle pour moi le champignon cru qui a une texture un peu similaire (sans parler du nez aussi "champignonné". Tout amateur un peu pointu en cuisine ne peut que faire le lien avec la recette du millefeuille de champignon et foie gras de Pascal Barbot, où la pâte de citron joue le rôle de liant entre les ingrédients. Le citron, je l'ai aussi dans le vin. J'ai maintenant les bases du plat : Saint-Jacques/Champignons/Citron.
Nous allons donc au marché : le poissonnier est super surpris que nous demandions les coquilles entières : c'est la première fois depuis la reprise d'octobre (les limougeots sont des sacrés feignasses, dis donc...). Ben oui, mais d'une part, je tiens à les ouvrir peu de temps avant qu'elles soient consommées, et d'autre part, je suis intéressé par les barbes pour préparer le bouillon qui accompagnera le plat suivant.
Je trouve des citrons bio, des gros champignons à émincer, et je vois sur le même stand des châtaignes "blanchies" (précuites et décortiquées). Je me dis : "tiens, ça pourrait être intéressant, ça. Comme le plat à un côté automnal, ça peut apporter une petite touche supplémentaire". Allez hop, adjugé.
Ce plat est le dernier réalisé dans l'après-midi, car les produits ne peuvent supporter de traîner plusieurs heures.
La première tâche consiste à décoquiller les Saint-Jacques. Pendant que je les ouvre, Stéphane met les mains dans la matière peu ragoûtante pour récupérer les trésors qui s'y cachent.
Puis les noix sont lavées et essuyées, puis dans une assiette filmée, font un tour au congélateur (20 mn) pour les raffermir. Elles sont ensuite tranchées au couteau japonais.
Les gros champignons sont tranchés eux à la mandoline, plus expéditive, évitant l'oxydation. Néanmoins, je verse dessus du jus de citron et de l'huile de noisette et je mélange soigneusement pour qu'ils soient bien protégés. Surtout pas de sel à ce moment de l'opération : ils perdraient leur eau et ce serait la cata. Il me restait par contre des éclats de noisette grillée de la mise en bouche. Je les ajoute aux champignons.
Les deux citrons sont rapés intégralement à la microplane (façon William le Deuil) puis j'ajoute progressivement du sucre. Entre chaque ajout, je goûte pour savoir où j'en suis. Je veux que l'acidité perde de son agressivité - tout en gardant du peps et sans que l'on tombe dans la sucrosité. Puis je fais mijoter le tout 10 mn sur l'induction, j'ajoute une grosse noix de beurre. Je filtre le tout à la passoire fine et le place au frigo pour qu'il épaississe.
Les châtaignes sont elles aussi "microplanées" : ça donne de la neige. Trop joli !
Il reste à monter le plat.
Je dispose les tranches de champignons "façon négligée" dans les assiettes. Puis répartis les tranches de Saint-Jacques "dessus-dessous", histoire de donner l'impression qu'elles ont toujours été là. Puis Stéphane répartit ici et là la pâte de citron par petite touche. Puis le tout est recouvert par la "neige" de châtaigne, comme si elle venait de tomber ;-)
Il nous reste un peu trop de tranches de Saint-Jacques. Il me vient l'idée de les griller à la poêle avec une noisette de beurre jusqu'à ce qu'elles soient dorées/caramélisées. Puis je les hache et répartis ces pépites de Saint-Jacques sur les différentes assiettes.
Je n'ajoute la fleur de sel que dans les secondes précédant le service.
L'accord avec le Chablis s'est révélé superbe, chaque composant du plat jouant son rôle, autant dans la texture (le crayeux du champignon, le soyeux de la Saint-Jacques, le croquant de la noisette) que dans les arômes.