Horizontale de bourgognes rouges 2009
J'en parlais rapidement dans mon compte-rendu sur Pérégrinations : dimanche dernier, j'ai participé à une dégustation à Bourges chez l'ami Jean-Loup où j'ai retrouvé des LPViens que je n'avais pas vu depuis deux ans. En effet, elle devait avoir lieu au départ au printemps 2020. Elle avait été reportée à l'automne 2020. Le virus semblant se calmer sérieusement, nous avons donc pu enfin nous réunir.
Faisant suite à une très belle dégustation Bourgogne blanc 2009, le thème du jour est Bourgogne rouge 2009. Cela exclue donc la bulle de départ et le vin de dessert. Il y aura donc 5 paires de rouges, et deux "hors concours". Comme d'habitude, chaque paire est accompagné d'un plat concocté par Nicole.
Nous sommes dans le Berry. Un repas ne commence pas sans la traditionnelle galette de pomme de terre.
Et donc, une bulle : la robe est dorée, avec une belle effervescence. Le nez est superbe, complexe, sur le pain d'épices toasté, les fruits confits, une légère truffe. Après une attaque fraîche et éclatante, la bouche se montre élancée, étirant une matière mûre et dense, à l'aromatique confite, tonifiée par des milliers de micro-bulles crépitantes. L'ensemble est racé, énergique, d'une grande intensité. La finale est concentrée, séveuse, tout en affichant une grande fraîcheur, avec des notes salines persistantes. Je ne trouve pas la vinosité que l'on a dans les blancs de noirs. Il y a donc pour moi une grosse dominante du chardonnay. C'est même plus qu'une dominante, puisque c'est un blanc de blancs : Champagne V.O. Extra Brut de Jacques Sélosse (dégorgement juillet 2019). Une belle entrée en matière !
Puis arrivent deux premiers rouges, servis avec un saumon rôti sauce bourguignonne.
Le premier a une robe translucide entre rubis et grenat. Le nez est expressif, sur la compose de cerise, le pain grillé, les épices (dont clou de girofle) et une touche de terre humide. La bouche démarre ronde et souple, mais s'affermit assez rapidement, se faisant plus accrocheuse. L'aromatique est dominée par les fruits mûrs, complétés par les épices. Les tannins se font encore plus ferme et sèvères en finale, à la limite de l'asséchant, avec les notes d'élévage (pain grillé, moka, réglisse, girofle) qui prennent le dessus sur le fruit jusqu'à en devenir (pour moi) désagréable. Peu de plaisir sur ce vin. Mais je suis minoritaire dans l'assemblée. C'est un Nuits Saint Georges Les vignes rondes 2009 de Confuron-Cotetidot.
Le second a une robe grenat plus claire. Le nez est plus discret, laissant s'échapper de la cerise, du noyau et quelques épices. La bouche est plus ample, plus fine, plus fraîche, avec un fruit un peu plus présent qu'au nez. L'ensemble est sobre et élégant, contrastant avec son partenaire du jour. La finale poursuit dans le même registre, avec une fine mâche crayeuse et des notes fumées. Un joli vin qui me plait beaucoup plus que le précédent. Celui-là, je peux en boire plusieurs verres d'affilée sans me forcer. C'est un Chambolle-Musigny 2009 du domaine Roumier.
L'accord avec le saumon n'était pas gagné sur le papier. En fait, ca s'avère très réussi. Et parvient à adoucir les tannins du NSG.
La deuxième paire est servie avec une terrine de lapin aux herbes.
Le premier a une robe grenat translucide. Le nez est fin, profond, sur le prune, la cerise, un léger cassis, et une touche de cendre. La bouche est longiligne, plutôt aérienne, avec une matière finement veloutée, fraîche, au fruit expressif mais pas exacerbé. La finale poursuit dans le registre fin / aérien, avec une subtile mâche gourmande. On a clairement monté d'un cran par rapport à la paire précédente. C'est très bon. C'est un Morey Saint Denis 1er Cru Les Chaffots 2009 de Michel Magnien.
Le second a une robe grenat légèrement évoluée. Le nez est plus sur la retenue, sur une cerise plus confite, un léger fumé et une pointe balsamique. La bouche est plus élancée et énergique, déployant une matière soyeuse plus profonde et dense qu'elle n'y paraît au premier abord, et exprimant un fruit pur et intense. L'ensemble est superbement équilbré, d'une grande présence. La finale nette et fraîche, intense, avec une cerise explosive et gourmande, et une persistance sur des notes grillées. Là encore – tout le monde est de loin de partager mon avis – je trouve ce vin un bon cran au-dessus de l'autre. Et pour cause, c'est un Clos Saint-Denis Grand Cru 2009 du même Michel Magnien.
L'accord avec la terrine est très bien !
La troisième paire est servie avec des (délicieuses !) brochettes de magret de canard.
Le premier a une robe rubis translucide. Le nez est fin, aérien, expressif, sur la cerise et les épices (et une pointe d'élevage bien intégrée). La bouche est tendue, aérienne, portée par une énergie tellurique, dérloulant une matière soyeuse au fruit éclatant. La finale a une mâche légèrement asséchante, mais reste très agréable. Au final, c'est un très bon vin. C'est un Vosne-Romanée 1er cru les Beaux Monts 2009 de Michel Noëllat.
Le second a une robe grenat translucide. Le nez est concentré, résineux, fumé, avec une pointe de rafle et de cerise confite. La bouche est plus ample que le vin précédent, mais moins tendue, avec une matière plus dense, veloutée, enveloppante. L'aromatique fait plus "cuite" et alcooleuse. La finale tannique manque également d'harmonie. Bref, ça commençait bien ... mais bof. Quand j'apprends ce que c'est, je ne suis pas trop surpris, vu la réputation "moyenne" que cette cuvée avait à l'époque (il paraît que le niveau est remonté depuis. C'est La grande Rue Grand Cru 2009 du domaine Delamarche.
La quatrième paire est servie avec un (très bon) goulash de boeuf.
Le premier vin a une robe grenat translucide. Le nez est fin, assez complexe, sur un fruit évolué et des notes d'élevage. La bouche est ronde, ample, soyeuse, dotée d'une belle tension et d'une fraîcheur communicative. Le fruit est expressif, toujours sous une forme patinée /évoluée. La finale est plus concentrée, avec une mâche encore un peu serrée, et une persistance sur des notes grillées / épicées. Un très beau vin qui commence à être point. C'est un Clos de la Roche Grand Cru 2009 de Michel Magnien.
Le second a une robe légèrement plus sombre. Le nez est plus riche, plus intense, avec une pointe de rafle et une touche "brûlée". La bouche est plus impactante, avec une matière plus dense, veloutée, et un profil plus charpenté. L''ensemble est néanmoins harmonieux. La finale est raccord, dans un style solide, mais gourmand. On est au niveau du vin précédent, mais il gagnera à être encore attendu pour être à son optimum. C'est un Charmes-Chambertin Grand Cru 2009 du même Michel Magnien.
Bon accord avec le goulash !
La 5ème et dernière paire est servie avec du Délice de Bourgogne et du Comté 18 mois.
Le premier a une robe rubis translucide. Le nez est très fin, sur la cerise mûre, les épices et le tabac. La bouche allie ampleur et tension, conjuguant une matière soyeuse délicieusement enrobante; et une grande fraîcheur aromatique qui tient lieu de colonne vertébrale. Un vin que je trouve racé, d'une grande évidence. La finale longue et savoureuse prolonge ce beau moment. Peut-être pas le plus grand vin de la série, mais il m'a procuré beaucoup de plaisir. C'est un Gevrey-Chambertin Capita 1er Cru 2009 du domaine Trapet.
Le second a une robe proche, un nez plus expressif, plus confit. La bouche est plus dense, plus large, avec une matière plus pulpeuse – mais aussi plus brute – et une fraîcheur croquante. La finale possède une mâche gourmande, plein de sève. C'est très bon, mais je préfère la finesse du précédent. C'est un Beaune 1er Cru Clos des Fèves du domaine Chanson.
Le dernier vin est servi avec de l'ananas rôti à la cardamome.
La robe est entre l'or en fusion et l'ambre. Le nez est intense et foisonnant, sur le coing confit, l'orangette, le safran et la truffe. La bouche est hyper tendue, pétante de fraîcheur, avec une matière très dense, très aromatique qui vous envahit le palais tel un tsunami. L'absence de gras et d'onctuosité laisse penser que c'est un vin issu de raisins passerillés (et donc plutôt Jurançon / Pacherenc). La finale, légèrement douce, est d'une intensité et d'une puissance de dingue, sur le coing, la datte et la truffe. Vin magique ! C'est un vin de France Joliette 2001.
C'est un magnifique cadeau, mais c'est tout de même terrible que le vin du jour ne soit pas un Bourgogne rouge. Concernant ceux-ci, j'ai tout de même été agréablement surpris : très peu de surmaturité, aucune lourdeur, de beaux équilibres, et une promesse de tenue dans le temps. Et Nicole, comme toujours, nous a gâté !