Origines, ou un midi à Issoire
Cela faisait un petit bout de temps que nous voulions explorer la gastronomie de notre région voisine, l'Auvergne. Nous avons hésité entre plusieurs restaurants, pour finalement choisir Origines, tout près d'Issoire. Non pas parce qu'il a été créé par Adrien Descouls, candidat de Top Chef, mais parce que son menu Origines à 90 € nous faisait bien envie.
Cela nous paraissait original sans être complètement barré. Tout à fait ce que notre petite bande recherche Le tout a un prix correct (pour l'instant). De plus, le restaurant a accepté que nous amenions deux bouteilles en nous faisant payer un droit de bouchon raisonnable (12 € X2).
Même si ce n'est pas trop loin à vol d'oiseau, il nous a fallu près de 3 h pour y arriver. Par chance, le temps pluvieux de Limoges a été progressivement par de belles éclaircies, et nous avons pu profiter de la vue sur la chaîne des Puys (vous voyez l'étiquette de Volvic en vrai !).
La déco intérieure est un clin d'oeil à l'extérieure. Ou l'inverse ;-)
Y compris au niveau des luminaires.
Ce relooking permet de faire oublier le restaurant qui existait auparavant sans tout casser. La vaisselle (Bernardaud pour l'essentiel) et la verrerie (100 % Riedel) ont également été changées. Restent encore les couverts (mais chaque chose en son temps, car ça coûte cher).
La vue panoramique est superbe !
Vue d'encore plus près... toujours de la salle du restaurant.
Allez, on démarre avec trois mises en bouche : de droite à gauche, un cornet croustillant contenant une crème de brocoli et surmonté de céréales soufflées (quinoa?) ; un émulsion de tomme de Salers sur une tuile légère, et une mini-tartelette aux coques et au yuzu. Celle qui m'a marqué le plus est celle du milieu : le contraste entre la légèreté aérienne de la préparation et l'intensité de son goût était bluffant ! Mais les deux autres ne déméritaient pas .
Puis une nouvelle série de trois : la première est un tartare de boeuf enroulé dans une gelée de céleri vert(très bien)
La seconde est une tarte à la carotte, gngembre et noix de coco. La pâte croustillante était délicieuse ... et l'emportait sur le reste, ce qui n'était certainement l'effet recherché
Et des cromesquis de pied de cochon, très goûtus, pour le coup !
Le beurre est parfumé au citron vert et à la verveine. Il est servi avec divers pains maisons qui se sont tous avérés excellents (noix, seigle, brioché et campagne).
Pour l'apéro, nous avions amené un Champagne Les Cognaux de Ruppert-Leroy, un pur Pinot noir non dosé et non sulfité. 200 % nature, quoi. Il a par contre fait sa malo, ce qui lui apporte de la rondeur. Le nez mêle les petits fruits rouges aux fruits à coque et à la craie humide. La bouche est longiligne, tout en déroulant une matière dense et mûre, vineuse, pleine de fraîcheur. L'équilibre est superbe, avec une finale nette et gourmande, sans l'austérité de nombreux "bruts nature". Une réussite !
Et voilà le premier plat: champignons, marinade acidulée...
Baba au cèpe jaune ...
... et Béarnaise.
Un plat d'anthologie qui pourrait être servi dans un grand étoilé (genre Marcon ou Plazza-Athénée, qui sont fans de champignon et de naturalité). La marinade est d'une grande justesse, n'écrasant pas les champignons qui ont une texture parfaite, entre tendre, moelleux et croquant. Le baba, même s'il ne le parait pas sur la photo est imbibé d'un "jus" que j'imagine au champignon, sans être trop engorgé non plus, ce qui le rendrait trop ramollo. La Béarnaise que je craignais lorsque j'ai choisi le vin n'a rien d'une Béarnaise classique. Elle aussi est "champignonnée". Tous ces éléments communiquent entre eux avec bonheur, se renvoyant la balle ... et vous transportent de bonheur : sacré démarrage !
Avec ce plat, nous avons bu un Gaïa 2016 de Jérôme Brétaudeau, un melon de Bourgogne sur gabbro élevé en cuve béton ovoïde. Un vin rond, ample et frais, avec une belle tension, tout en n'ayant pas l'acidité typique d'un muscadet classique – ce dont je ne me plains pas. Son aromatique plutôt discrète, sur les fruits blancs mûrs et lègèrement fumés, évite de contrarier le plat., bien mis en valeur. Ce n'est pas l'accord du siècle, mais ça se passe bien !
La déco se reflète dans le verre :-)
Le serveur moud devant nous des baies de genièvre et nous fait sentir la poudre tombée dans le tiroir.
Puis, une fois la sphère de topinambour servie,
il saupoudre la poudre de genièvre sur la glace au genièvre.
Sous les fines tranches cuites de topinambour, se cachent des dés de rutabaga, un autre légume "oublié". Dans les deux cas, ils sont cuits juste comme j'aime, à la fois tendres et croquants – en un adjectif, cruits. La sauce crémeuse au gin qui les accompagne est très sympa. Dans l'autre assiette, la glace au genièvre est excellente. Mais je l'aurais plus vu en pré-dessert qu'à ce moment du repas, car c'est tout de même bien sucré. On a beau aller d'une assiette à l'autre, il est difficile de voir en quoi l'une complète l'autre, le gin étant très peu marqué dans la sauce. C'est tout de même bien agréable, mais loin du choc du premier plat.
Arrive sandre, pain soufflé...
... sabayon aux agrumes...
.... et salade automnale.
Le pain de sandre est une petite merveille : je comprends bien que c'est une farce fine qui a réussi à gonfler comme une quenelle dont elle a le goût et la texture, mais j'aimerais bien savoir comment le chef a réussi à la placer entre deux tranches de "pain de mie" croustillant et doré (enfin, ça ressemble à ça). Le sabayon est également excellent, tout comme les traits de "jus d'herbe". Cette assiette se suffisait à elle-même.
Car le bol de salade est très agréable, mais l'huile de sésame qui l'assaisonne couvre tout et délivre un message assez différent de l'assiette. Comme pour le plat précédent, le mieux est l'ennemi du bien. Mais n'empêche que ce "pain de sandre" est une idée géniale, jamais vue ailleurs.
Pour accompagner ce plat, nous avons pioché dans la carte des vins un Riesling Grand Cru Sommerberg 2008 de François Bohn. Je ne connaissais pas ce vigneron, mais je me suis dit qu'un 2008 sur cet excellent GC, ça devrait le faire. Et en effet, ça l'a fait. Un nez très Riesling, entre ananas, pêche jaune, écorces d'agrume et pétrole. Une bouche tendue et fraîche, et une matière mûre, presque moelleuse. Une finale tonique et épicée. L'accord se faisait avant tout sur le sabayon, seul élément à contenir des agrumes. Mais cela se passait plutôt bien avec le reste.
Ce lièvre à la Royale, c''était un peu le plat pour lequel nous étions venu, car il nous est devenu inenvisageable de passer un automne sans en goûter au moins un. Sa sauce à la bière noire annonçait une version corsée, en tout cas dans notre imaginaire. D"où notre choix d'un Châteauneuf du Pape 2007 du Vieux Telégraphe plutôt qu'une Côte Rôtie. Sur la présentation, il n'y a rien à redire : l'idée du carré est excellente, rompant avec une tradition ronde de 200 ans. Gustativement, c'est un peu frustrant : il manque la violence propre à ce plat, ce côté giboyeux tellement loin du cuisinement correct actuel. On a plus l'impression de manger un gentil lapinou q'un méchant lièvre. Et plus encore, il n'y a pas la fusion totale entre la sauce et la viande, donnant l'impression d'une cuisson séparée. La viande a une cuisson "Couteaux", à savoir effilochée, mais elle est vierge de toute trace de sauce – hormis celle qui nappe le plat – juste agrémentée de dés de foie gras. Malgré ces derniers, elle donne l'impression d'être un peu sèche, faute d'être nourrie par une sauce généreuse. Cela dit, c'est très bon et on n'en laisse pas une miette, mais loin du moment de grâce qu'on attendait.
Pour le coup, le vin était un peu surdimensionné. L'aromatique est exubérante, sur les fruits compotés; les épices de Noël, le cuir, l'encens... La bouche est ample, d'une rondeur généreuse, avec une matière séveuse, intense, tout en ayant une certaine fraîcheur aromatique. La dégustation se fait un peu en parallèle avec celle du lièvre, les deux manquant d'atomes crochus. Mais aucun ne nuit à l'autre. C'est bien l'essentiel.
En Auvergne, on privilégie évidemment les fromages locaux, affinés par la maison Houlbert, sise à Issoire, où nous sommes allés juste après le repas pour faire quelques emplettes.
Saint-Nectaire affiné, Séverac illustre (et qui le mérite !), persillé de Saint-Florus, un inconnu ... et de la pâte de coing. Tous étaient magnifiques.
Nous avons commandé ce V Sens XVI de Jérôme Brétaudeau pour les accompagner. Et ce fut une excellente pioche que cet assemblage merlot/cabernet franc du Muscadet ! Un fruit pur et intense, très frais. Une texture soyeuse et aérienne, d'une précision millimétrée. En même temps, on sent qu'il y a du fond au-delà du glougou, et que ça pourrait certainement bien vieillir. Et l'accord de ce vin plein de fruit avec ces fromages affinés puissant est un pur délice. La réussite (inattendue) de la journée en la matière !
En pré-dessert une glace au sésame noir et une émulsion matcha. Qui a déjà goûté un gâteau de Sadahoru Aoki sait que ces deux-là vont très bien ensemble. Manque peut-être un élément croustillant dans l'assiette pour que ce soit parfait (genre tuile au sésame ?
En dessert, Marron comme une bogue, poire et estragon. Le gros choc du dessert c'est la délicieuse glace à l'estragon – et l'on se dit que cette herbe aromatique est sous-exploitée en version sucrée. C'est tellement bon et expressif, qu'elle a tendance à rendre le reste un peu plat, d'autant que la poire et le marron se présentent sous des formes "adoucies "qui ne leur permettent pas de lutter à armes égales. Mais c'est tout de même très bon, hein.
Le triple sablier pour les infusions !
Mon café déca qui est très bon.
Les mignardises : pâtes de fruits, guimauves, chocolat au thé matcha
(préférénce pour la pâte de fruit, bien acidulée)
Lorsque nous sommes sortis, la lumière était magnifique !
À la lecture de ce compte-rendu, vous pourriez en conclure que nous sommes mitigés sur le repas que nous venons de faire. Alors oui, c'est vrai que nous n'avons pas été convaincus par tous les plats (ou juste certains de leurs éléments), mais nous en retirons tout de même une impression très positive. Car sur le premier plat aux champignons, nous sommes au niveau des plus grands restaurants ; itou pour la présentation et la texture du "pain de sandre". À cela s'ajoute un service efficace, attentif et sympathique ; un cadre très agréable et dépaysant. une carte des vins éclectique et pas trop chère... Bref, Origines vaut le détour et ne devrait pas tarder à décocher sa première étoile.
HOTEL RESTAURANT ORIGINES
Rue du clos de la chaux
63500 LE BROC - ISSOIRE
tél. : +33 4 73 71 71 71
contact@restaurant-origines.fr
BONUS
Petite balade à Issoire pour récupérer du fromage, mais aussi visiter l'église abbatiale Saint-Austremoine.
Ce qui frappe, c'est l'omniprésence des peintures
Cette restauration polychromique date du XIXème siècle.
C'est beau, non ?