Forez, terre d'accueil (partie 7) bouquet final !
Cela faisait plusieurs années que je lisais sur le forum La passion du vin les récits des soirées du groupe "LPV Forez". Cela donnait vraiment envie de faire leur connaissance. Les quelques messages échangés avec ses membres ont montré que c'était réciproque. Restait plus qu'à trouver la bonne date. Ce fut le vendredi 10 juillet.
Chacun n'avait le droit d'apporter "que" deux bouteilles, histoire de ne pas se retrouver avec 25 quilles à descendre pour 6 personnes. C'est un peu frustrant pour l'apporteur, car il aurait tellement de vins à faire découvrir aux autres. Mais franchement, une dizaine de bouteille suffit amplement pour passer une bonne soirée.
Je rencontre Cédric dès 12H30 puisque nous déjeunons ensemble au Restaurant "le petit prince" à Saint-Alban les eaux. Puis nous passons l'après-midi au domaine Robert Sérol où nous avons été superbement accueillis par Stéphane Sérol. Comme la visite à été beaucoup plus longue que prévue, nous rentrons après directement chez Cédric pour préparer la soirée. Nous ouvrons nos bouteilles respectives, préparons les papillotes de cabillaud. Très rapidement, un premier sonne à la porte. Je dois deviner qui c'est (et oui, ça aussi on le fait à l'aveugle). Florian ? Perdu. Simon ? Gagné ! En parlant de Florian, il arrive quelques minutes plus tard. Pas drôle : il se présente tout de suite avant même que je commence à chercher. Comme il n'en reste qu'un à arriver, ce ne sera pas difficile de le reconnaître, d'autant que Nico est trahi par son accent marseillais ;-)
Tout monde est là (six avec l'épouse de Cédric) : nous pouvons démarrer. D'une part avec les délicieux toasts foie gras/girolles apportés par Nico, d'autre part avec une première bulle proposée par Simon.
La couleur et les arômes de ce vin relance le long débat sur les définifions des termes "oxydé", "oxydatif" et "évolué". Pour moi, ce vin n'est en aucun cas oxydé (= défaut), et je ne le considère pas non plus comme oxydatif (qui signifierait que le propriétaire a vinifié/élevé son vin en "oxydation ménagée" dans le but d'obtenir une aromatique différente des blancs secs classiques, cf Jura). Non, c'est simplement le temps qui a fait son oeuvre, et il fait plutôt bien son job.
La robe, donc, est d'un bel or intense, sans tomber encore dans le cuivré, avec de nombreuses bulles très fines ne formant aucun cordon. L'anarchie, quoi. Le nez est très expressif, sur des notes de briocje toastée, de pralin, de fruits sec (raisin de corinthe, pomme tapée...). Plus il s'aére, plus les arômes se multiplient, à ne plus savoir où donner du nez...
La bouche est toute en largeur, se déroulant ensuite dans le palais comme un rouleau sur le bord d'une plage, avec cette même implosion finale quand il est bout du chemin. Les bulles très fines apporte du peps et de la fraîcheur tout en restant très caressantes. La finale dévoile de nobles amers et une sensation légèrement crayeuse qui prolongent longuement le plaisir.
Je pars sur un Chardonnay (aromatique typée) et sur un vin d'une quinzaine d'années. C'est effectivement un pur Chardonnay... et il a 15 ans ! C'est un Champagne Avize 2000 de Jacquesson, dégorgé en 2009 (ce qui explique les notes évoluées).
Nous poursuivons par une deuxième bulle apportée par Florian. On est dans un autre monde. La robe est nettement plus claires, et les bulles moins nombreuses et éparses. Le nez fait nettement plus jeune, avec des notes de pomme fraîche, de zeste d'agrume, de craie mouillée, et même un petit côté "goémon" dû à la réduction (qui disparaîtra). Autant le premier vin était large en bouche, autant celui est longiligne, traçant, avec une énergie et une puissance étonnantes. Si les bulles ne sont pas très nombreuses, elles se font remarquer par leur crépitement citronné qui apporte de la fraîcheur. Ce côté vif et frais n'exclue cependant qu'il y a du fond : en arrière-plan, on sent une belle vinosité qui s'exprimera sûrement dans quelques années. Certains indices laissent supposer le Chardonnay (un côté très "chablisien"). En même temps, la vinosité laisse pencher qu'il y a aussi du Pinot noir. Par contre, je me vautre totalement sur l'âge de ce vin. Je le pressens jeune, alors que ce Gosset Celebris est de 2002. On est à peu près à moitié/moitié pour les deux cépages évoqués. Le dégorgement n'est pas indiqué, mais je le suppose relativement récent (ou alors je n'y comprends plus rien...).
Nous passons ensuite à deux blancs secs, avec les papillottes de cabillaud, mangue, litchi et lait de coco.
Le premier a une robe dorée. Le nez est superbe, très aérien, sur des notes de terpène d'agrume, combava, de mandarine, et un côté pierre chauffée au soleil. La bouche est très ample, toute aussi aérienne que le nez, avec un sentiment de grande pureté, et une tension marquée qui lui apporte de la droiture. Sans toutefois avoir une acidité saillante/tranchante "à la mosellane (alors que le nez fait plus mosellan qu'alsacien, je trouve). La finale salivante est marquée par l'amertume/astringence de l'écorce de pomelo, se prolongeant sur des notes salines. Un très beau vin que j'ai déjà bu il y a moins de deux mois en présence de son propriétaire (la voyant quelques heures plus tôt en cave, j'avais conseillé à Cédric de la séléctionner, car je présumais qu'elle plairait au reste de la bande. C'est le Riesling GC Kastelberg 2008 de Kreydenweiss (parcelle très pentue sur laquelle j'ai passé des journées entières éprouvantes il y a une vingtaine d'années - mais aussi heureuses, car la beauté du paysage vu des hauteurs du Kastelberg à 9h du matin, lorsque les brumes commencent à se dissiper, est juste magique).
Le vin suivant a une robe or clair. Le nez est d'abord sacrément réduit, évoquant un port à marée basse, puis l'aération aidant, il se transforme du tout au tout : pomelo, écorce de citron, poivre de cassis (bourgeon de cassis séché) et pierre à fusil (silex, dit Florian).
La bouche est éclatante, avec une ampleur qui monte crescendo soutenue par une belle trame acide. L'ensemble est d'une fraîcheur et d'une intensité remarquable. Dans un style plus terrien et minéral que le vin précédent, il évoque lui aussi un sentiment de pureté totale. En finale, il rejoint le vin précédent par ce mélange noble d'amertume et d'astringence, avec un agrume peut-être plus marqué et une et une plus grande puissance. On retrouve aussi des notes salines qui perdurent. Les notes aromatiques laissaient peu de doute. Tout le monde part sur du Sauvignon. Le mot silex a été lâché à plusieurs reprises. Et si c'était THE Silex ? Ben oui : Blanc Fumé de Pouilly Silex de 2008 de Louis-Benjamin Dagueneau.
Nous passons avec des entrecôtes grillées sur les vins rouges
Le premier, je sais ce que c'est : je l'ai apporté. La robe est grenat sombre, légèrement évoluée. Le nez est expressif et foisonnant : prune, mûre, tabac, orange sanguine, âtre de cheminée, épices grillés. La bouche est sphérique, soyeuse, caressante, se durcissant quelque peu en finale (mais cela se gommait en mangeant) sur des notes de tabac et de menthol. J'aime beaucoup mais je ne suis pas objectif, étant ami et grand fan du producteur (qui m'a offert cette bouteille). Lorsqu'on en a jamais bu, c'est difficile de deviner : il s'agit du Domaine de Cambes 2006, "simple" Bordeaux de François Mitjavile.
Le second présente une robe plus sombre. Le nez est juste magnifique, d'une grande complexité aromatique : encens, olive noire, orange sanguine, cerise noire, poivre... La bouche est élancée, harmonieuse, avec une matière veloutée qui vous caresse le palais. L'ensemble est d'une fraîcheur étonnante pour un vin bien typé sud. Seule la finale marquée par l'olive et la fumée est un peu chaude, avec une légère sucrosité. Cela ne gâche toutefois pas le plaisir. Très très belle rencontre avec ce Fonsalette 2005 !
Nous passons aux fromages dont certains se mariaient bien avec les liquoreux qui sont maintenant servis.
Le premier a une robe superbe, entre or liquide et cuivre. Le nez semble bouchonné au départ, mais cela disparait avec l'aération. Arrivent alors le pralin, les fruits secs, la pâte d'amande, l'orangette. La bouche est droite, fraîche, avec une belle acidité enrobée par une matière onctueuse (juste ce qu'il faut). La finale nette et fraîche, sans sucrosite. Par contre, ça manque un peu de persistance. C'est vraiment très bon, ne faisant pas son âge, car ce vin a ... quarante ans, tout comme Cédric qui nous l'a apporté ! C'est un Lafaurie-Peyraguey 1975.
Le deuxième n'est pas une surprise pour moi, puisque je l'ai apporté. Et comme ils savent que je suis Tireculophile, ils n'ont pas mis trop de temps à trouver... La robe est d'or intense, avec des larmes. Le nez est riche, sur la mangue, l'orange confite, l'ananas rôti. La bouche est nettement plus onctueuse que le vin précédent, avec une acidité traçante qui l'étire et le rafraîchit (effet millésime). La finale est expressive, évitant le piège du sucre, sur des notes d'écorce d'orange et d'olive verte. Oui, c'est Château Tirecul la Gravière 2008.
Entre temps, nous sommes passés au(x) dessert(s)
suivi(s) d'un after (rouge) offert par notre hôte du jour
La robe est rubis translucide. Le nez n'est pas très causant, du fait de l'ouverture trop récente. On sent toutefois beaucoup de fraîcheur, avec une pointe résineuse. La fraîcheur se confirme dans la bouche élancée, soyeuse, au fruit plus expressif qu'au nez. La finale à la noble astringence est légèrement marquée par le végétal/racinaire, sans que cela soit dérangeant, bien au contraire. Si elle avait ouverte le matin pour le soir, nous aurions une très belle bouteille, je pense. Bon, Bourgogne, c'est facile à trouver. Après, je cale... Bon allez, on vous le dit : c'est un Hautes-Côtes de Nuits "Le Clos du Prieuré" 2011 de Thibault Ligier-Belair.
Eh bien voilà. La fameuse rencontre s'est faite. Peu de dire que je ne le regrette pas. Ils sont encore mieux en vrai qu'en "virtuel", ces lascards ! Juste dommage que Jean-Bernard n'ait pu être des nôtres. On essaiera de faire mieux la prochaine fois. Oui, il n'y a aucun doute qu'il y aura une prochaine fois. Et même plusieurs !