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A boire et à manger
12 novembre 2018

Bon anniversaire, Adrien, ou un repas millésimé1988

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J'ai rencontré Adrien lors  de mes escapades belges annuelles. Il est l'un des compagnons  de dégustation de mon  (quasi) frère Ludovic. Lorsqu'il m'a demandé si je voulais bien cuisiner à Reims pour son repas fêtant ses 30 ans, j'ai accepté de suite : il faut dire que concevoir des plats pour accompagner des vins nés comme lui en 1988 est un challenge auquel il est difficile de résister. 

Il y avait tout de même deux difficultés : la cuisine de l'appartement qu'il avait loué pour l'occasion était minuscule et pas très bien équipée : il a fallu faire avec les moyens du bord. Et le rapide et léger déjeuner que nous devions faire le midi à l'Assiette champenoise ne le fut pas tant que ça: je n'ai pu me remettre en cuisine qu'à 17h15. Ce qui m'a fait stresser pas mal car il restait un paquet de choses à faire. Pour tout dire, aux alentours de 18h30, j'ai cru que je n'y arriverai pas. Finalement, après coup, on peut dire que ça s'est bien passé. Mais ce fut sans hésitation le repas le plus difficile de ma "carrière" de cuisinier. Entre le stress du moment et le repas 3* du midi qui me pesait dans l'estomac,  je n'ai quasiment rien pu avaler de la soirée (mais j'ai tout de même dégusté les vins et "vérifié" que les accords fonctionnaient). 

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Nous avons démarré le repas avec des gougères au comté/noisettes et lardons fumés et des rouleaux de speck aux pommes, foie gras et noisettes. Des classiques de la maison Eric B, mas je sais que l'accord fonctionne impec, et qu'ils plaisent aux convives. Ça m'a aussi permis de confirmer que le "thermomix" que j'ai acheté à Lidl l'année dernière réussit à merveille la pâte à chou (j'avais déjà fait le test avec le vrai Thermomix de ma mère). 

 

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La bulle était une rareté produite uniquement en 1988 par la maison Moët & Chandon : la cuvée Claude Moët . Elle fut probablement excellente un jour, mais là, elle était un peu passée. Le nez était très champignonnière/feuilles mortes. La bouche manquait de joie de vivre même s'il restait encore des bulles. Ceci dit, elle regagnait en gourmandise avec les rouleaux de speck. 

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 En entrée, un carpaccio de lotte aux agrumes, cheveux d'ange de chou-rave à la pomme et au miel, perles de yuzu. La lotte a mariné la veille en gravlax avant d'être cuite sous-vide à 47 °C puis refroidie de suite. Ca lui donne une texture qui la rapproche de la Saint-Jacques. Les petits points noirs que vous voyez sont des râpures de bigarade et de citron noir d'Iran. Moins visible sur la photo, il y avait aussi de la bergamote. Les perles de yuzu m'ont été fournies par Yana Steudel.

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Le Vouvray sec Haut-Lieu  1988 de Huet était un peu comme le champagne et moi : fatigué. L'ossature était encore là :  il avait la fraîcheur et la finesse qui le caractérise d'ordinaire. Mais l'aromatique était un peu éteinte, dominée par les notes champignonnées (pour sa défense, Adrien a ouvert les bouteilles à la dernière minute à l'inverse de mes recommandations : je suis  quasi certain que quelque heures d'aération leur auraient été bénéfiques). Ceci dit, le plat a beaucoup plus, et l'accord marchait plutôt bien. 

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 Pour continuer, un Vol au vent 21ème siècle. Je l'ai rebaptisé ainsi, car je me suis écarté  de la recette traditionnelle à beaucoup de points de vue. Chaque ingrédient (Saint-Jacques, ris de veau, crevette, lotte, haddock, foie gras) ont été cuits séparement à des températures adaptées. La pâte feuilletée a été remplacée par de la brioche. Et la sauce (versée après la photo) était à base de homard et de champignons.  

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Le Corton Charlemagne 1988 de Bonneau du Martray était en plein forme. La robe était à peine évoluée, le nez était magnifique, mêlant les notes pâtissières aux fruits confits et à la noisette.  La bouche avait du volume, du gras, avec une matière dense et moelleuse, mais aussi ce qu'il fallait de tension. La finale était longue et majestueuse. Grand vin. J'ai à peine touché au plat, mais il parait que c'était très bon avec le vin. 

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Arrive le plat le plus barré du repas. Il a été pensé pour accompagner un Château Lagrange 1988. Pressentant ses arômes de cèdre et de cigare, je me suis dit que j'allais faire un tartare de boeuf fumé au cigare et au cèdre (puis truffé).. Et tant qu'à faire, pourquoi pas le présenter sous forme de cigare ? La cendre se mange : c'est de l'huile de truffe "solidifiée" par de la maltodextrine puis mélangée à trois farinées torréfiées : blé, seigle et sarrasin. Il y avait ensuite une sauce au cassis et tabac qui était versée sur la cendre. 

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Ouf, l'aromatique du Château Lagrange était bien au rendez-vous, avec une matière fine et élégante, et encore un joli fruit. Un vin à point, loin d'être en fin de vie. L'accord avec le plat était "phénoménal et hallucinant", aux dires de l'un des convives. 

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 Les ris de veau était une commande d'Adrien pour accompagner un Musigny. Ce que nous ne savions pas , c'est que nous en mangerions le midi au restaurant... La sauce est à base de griottes, de cèpes, de morilles, de champignons de Paris, d'échalotes et de vin 100 % Pinot noir. Et pas un gramme de matière grasse !

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Comme tout Musigny qui se respecte, ce Musigny 1988 de Moine-Hudelot était d'une finesse arachnéenne, avec un toucher évoquant la soie la plus fine qui vous caresse le palais en douceur. Une acidité-laser étirait le tout. On pouvait juste lui reprocher un manque de complexité aromatique. On en revient au point évoqué plus haut : il aurait fallu l'ouvrir à l'avance : on serait probablement passé d'un très bon vin à une excellente, voire grande bouteille. 

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 J'ai appelé ce plat : "rable de lièvre comme l'aurait aimé Rossini". Car ce n'est pas vraiment un lièvre à la royale  même s'il est fait dans cet esprit, mais il contient de la truffe et du foie gras. Car il était pensé pour accompagner the king of Bordeaux : Petrus himself. La sauce est à base de mûre et de cassis, avec un peu de truffe et  de cigare (Partagas). Là aussi, sans matière grasse. 

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Dès le nez, alliant puissance  et complexité, il attaque fort : truffe, tabac, fruits noirs, épices, violette.. Et la bouche de ce Petrus est juste somptueuse : une texture veloutée d'une rare sensualité évoquant le cashmere, mais aussi une énergie qui pulse grave sans être jamais agressive. Et puis une longue finale sur des notes truffées/fruitées.. C'est bouleversifiant, aurait dit Daniel Toscan Séplanté. Mon plus grand Petrus bu à ce jour. Du peu que j'ai mangé, plat et vin matchaient bien. 

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 La recette était intitulée "Lièvre à la royale, entre Coutaux et Barbot".  Elle est en effet plus proche de celle de Pascal Barbot de l'Astrance, tout en ne la suivant pas complètement. En plus du lièvre et de sous ses abats, il y a du vin rouge, du foie gras, des échalotes, du coing, de la pomme, des pruneaux, du porto réduit au miroir, C'est à peu près tout. Un plat qui a scotché tout le monde car personne n'avait jamais le lièvre ainsi. "Une tuerie" s'est exclamé un convive. 

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C'était un Châteauneuf du Pape rouge 1988 de Beaucastel qui était prévu. Mais il s'est avéré bouchonné. Il a été remplacé par un Beaucastel 2009 qui a très bien fait le boulot. J'avais écrit à son sujet en mai dernier : "Le premier a une robe grenat sombre. Le nez est complexe, sur les fruits rouges et noirs, le cuir, les épices. La bouche est ronde, sensuelle, avec un très beau toucher de bouche velouté. L'équilibre est parfait, entre maturité et fraîcheur. Cela se conclut sur une belle finale, légèrement mâchue et épicée, toujours sur la fraîcheur. Joli !" Je n'en change pas une ligne. J'ajoute que son fruit de jeunesse contrastait très agréablement avec le lièvre. 

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Adrien a ouvert en parallèle un Roc d'Anglade 2000. Son nez était absolumenent magnifique (pour moi, encore au-dessus de Petrus) mêlant les fruits noirs à notes de goudron/résine/garrigue. La bouche, elle, était plus simple, presque sur un fruit trop pimpant, manquant finalement de complexité tertiaire. Un comble pour un Languedoc de 18 ans ! A revoir dans 10 ans ;-)

 

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Le vin suivant étant une sélection de grains nobles de Gewurztraminer, j'avais prévu un munster que j'ai caramélisé au chalumeau. Et je l'ai servi avec un Berrawecka, un pain aux fruits confits alsacien( fait maison, of course). 

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Le nez de ce Grand Cru Altenberg de Bergheim SGN 1988 de Deiss était lui aussi d'un très haut niveau : rose fanée, épices orientales,  fleur d'oranger, bois de rose... La  bouche était très ample, aérienne, d'une élégance assez incroyable et au sucre plutôt discret. L'accord avec le plat était superbe, aux dires des convives. 

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 Le dessert se voulait automnal, mêlant la châtaigne au potimarron, au kaki et à la clémentine. La glace est une alliance du cèpe et du sarrasin. Je ne m'y attendais pas vraiment, mais j'ai des retours très enthousiastes sur l'accord avec le vin. 

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Le vin, c'est la Quintessence du Petit Manseng 1988 du domaine Cauhapé. Il est très marqué par la truffe, dans un style rond et aérien. L'acidité est peu marquée, ce qui est étonnant au vu du cépage et du millésime. Mais dieu merci le sucre est des plus discrets, ce qui permet de finir non seulement le verre, mais de se resservir. 

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Pour conclure le repas, j'avais amené un Madère Terrantez 1988 de la maison Oliveiras, accompagnés de financiers à la châtaigne et à la noix de Pécan. Les plus courageux ont apprécié. Les autres, eh bien tant pis pour eux ;-)

Commentaires
S
Mais nous aussi on s'entendrait bien avec JPP ! D'ailleurs, on s'entend bien avec tout le monde !!!!!
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L
Tu as aussi ouvert un excellent vin de 88, le plus "jeune" de la soirée, du Roussillon si je me souviens bien...
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L
Petit correctif quand même, le nez de Roc d'Anglade n'était bien sûr absolument pas supérieur à celui de Petrus, là c'est le côté gauchiste d'Eric qui s'exprime... :-)
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D
Bluffé par les plats et par ces vins,Roc d'Anglade chez moi est sur 2001 et 2011 alors j'ai le temps;le problème c'est que moi aussi je suis de 48;on verra bien....
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J
Phénoménal ! Ah, moi je suis né en 1948 ...
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Quand deux passions se rejoignent pour n'en faire qu'une: la gastronomie
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