750 grammes
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A boire et à manger
31 octobre 2022

Superbe repas à la Table Lionel Giraud (Narbonne)

 

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Notre bande de Limoges est descendu en terre languedocienne pour fêter les 50 ans de Stéphane. Il était prévu d'aller au départ chez Gilles Goujon. Mais le prix du droit de bouchon  (125 € par bouteille) nous a dissuadé. Une recherche rapide des autres étoilés du secteur nous a mené chez Lionel Giraud à Narbonne. Le prix du menu en douze inspirations (160 €) nous a paru "raisonnable", et le prix du droit de bouchon l'est encore plus : 20 € par bouteille, ce qui nous permet d'envisager d'en amener plusieurs. 

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Nous n'avions pas regardé à l'avance où se situait le restaurant. Lorsque le GPS nous a guidé vers une zone commerciale en périphérie de la ville, nous nous sommes demandés si nous avions entré la bonne adresse. Mais non, la Table est est bien là, en face d'un KFC. Et à sa gauche, les fameux Grands Buffets. Etant arrivés un peu en avance, nous sommes allés voir de plus près à quoi ils ressemblaient. Nous ne attendions pas à ce qu'ils soient intégrés dans un bâtiment ultra-moderne accueillant aussi une piscine et un bowling. 

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Une fois le brise-vue franchi, l'atmosphère change totalement, et on oublie totalement cet environnement "industriel". Il faut dire que le bâtiment préexiste à toute cette modernité. C'est dans cet ancien oratoire du moyen-âge que le père de Lionel, Claude, a obtenu sa première étoile en 1981, et sa seconde en 1987. Le fils, lui s'est formé chez Christian Constant dans son époque "Crillon", chez Guy Legay (Ritz) et Jacques Chibois, avant de reprendre le restaurant paternel au début des années 2000. 

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Contraste...

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Nous démarrons pas trois mises-en bouche. D'abord par une tartelette de fleurs et aromates à la Flouve odorante. La pâte est tellement fine qu'elle a tendance à casser dès qu'on la touche. L'arôme de la flouve prend le dessus, rappelant la fève Tonka (les deux contiennent de la coumarine), dans un registre fin et subtil. L'agastache – la feuille au premier plan – prend ensuite le relais avec ses notes anisées. C'est très bon, d'une grande délicatesse.

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Version d'une olive de Lucques sans noyau. Après avoir mangé plusieurs versions très sophistiquées de fausses olives – avec extérieur croustillant et coeur coulant – je suis presque étonné de la simplicité de celle-ci :  une matière à la chair fondante, goûtant bien l'olive de Lucques, sans excès d'amertume. La petite inflorescence de fenouil apporte le niac qui change tout.

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Puis du maquereau laqué d'un suc de têtes cuit à la flamme. Il nous est indiqué que les arêtes ne se mangent pas : c'est de la déco. Rhhôôô. On sait pourtant grâce à Top chef qu'elles sont comestibles. Il faut juste les blanchir longuement avant de les passer à la friteuse. Après, est-ce que c'est bon ? Chépas... Mais revenons à la chair : elle est étonnamment dense : je m'attendais à quelque chose de plus moelleux. Le goût est d'une rare intensité, avec un côté très boucané : je me sens revivre la fête du hareng à Fécamp

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Pour l'apéro, nous avons bu un Champagne Extra-Brut V.O. de Jacques Sélosse. La robe est dorée, sans trop d'évolution. Le nez est très chardo, sur la noisette grillée, la brioche toastée. Un peu de fruits blancs rôtis, aussi.  La bouche élancée est d'une grande pureté, soulignée par des bulles ultra-fines et scintillantes. On reste dans le registre des fruits blancs et de la noisette, avec une subtile touche oxydative. La finale intense rappelle avec force le sol très crayeux de la Côte des Blancs, avant que les notes noisetées reprennent le dessus. Classieux

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Fleur de betterave, jus de vinaigre de surerau et achillée. Et caviar du Languedoc ne nécessitant pas la mort des esturgeons (qui peuvent vivre entre 50 et 100 ans). La fleur n'est constituée que d'une seule lanière de betterave : il vaut donc mieux la manger en une seule bouchée, car sinon, elle se défait, et c'est un peu le bazar... Mais au moins, ça permet de voir comment c'est fait ;-) Comme toutes les inspirations précédentes, c'est très très bon, tout en subtilité. 

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Oignon doux d'Ouveillan, crème de fanes et miso de petit épeautre. La preuve supplémentaire qu'un plat végétal peut être grand. L'oignon est confit à souhait, allant sur des notes sucrées / caramélisées, contrebalancées par la fraîcheur aromatique de la crème de fanes. On évite la mollesse grâce aux grains de petit épeautres cuits al dente. Et le miso apporte de la douceur et de l'umami.  Quand vous prenez les 4 ensemble, c'est de la bombe !

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Le traditionnel pain & beurre est remplacé ici par des petits pains cuits à la vapeur, très aérien, que l'on trempe dans une huile d'olive aromatisée au café Lavazza. Le pain est d'une grande légèreté, et l'huile est très délicate. C'est booooon !

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Les couverts pour le plat suivant. 

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Laitue celtuce, lait de noix, neige de Roquefort. La  celtuce, je connais de nom, mais j'ai rarement eu l'occasion d'en manger, car c'est rare sur les étals de fruits et légumes. Après cette expérience, je pense que je vais en planter dans le jardin, car j'adore. Ce qui est intéressant dans cette laitue, ce ne sont pas les feuilles, mais la tige de la taille d'une belle asperge : elle en a la fermeté et le fondant – ce  n'est pas incompatible – sans en avoir l'amertume. Il y a même un peu de sucrosité. Le lait de noix est mousseux / crémeux, finement goûteux, avec quelques cerneaux qui lui font écho. Le roquefort est subtilement dosé, n'écrasant pas tout sur son passage. Un plat très délicat, résumant bien l'approche toute en finesse de Lionel Giraud. 

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Lorsque j'ai vu sur la carte le Carignan blanc 2018 du domaine Lédogar, j'ai souhaité le prendre, car je l'ai trouvé formidable au printemps dernier. Laurie, la  sommelière,  m'a demandé si je connaissais le 2013 de la même cuvée. Je lui ai répondu que je l'avais goûté il y a un bon bout de temps, mais pas récemment. "Si ça ne vous plaît pas, elle sera pour moi", nous dit-elle pour achever de nous convaincre – on passe tout de même de 80 à 130 € la bouteille. 

Bon, elle n'aura pas besoin de payer la bouteille : c'est absolument superbe ! Le nez est "coche-durien" sur le sésame grillé et la pétard, mais d'une façon très subtile, aérienne, avec beaucoup de profondeur.  La bouche est énergique, étirée par une fine acidité traçante, tout en offrant une matière ample, aérienne, au toucher finement moelleux, doublée d'une sensation pierreuse, minérale. La finale prolonge la tension,  mêlant les notes grillées aux fruits blancs frais, pour finir sur le salin / crayeux. 

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L'oeuf de poule fermier aux Petits Paris, pulpe de polypode sauvage. Encore un plat délicieux, avec un oeuf juste "cuit au sel" à la texture plus onctueuse et concentrée que les oeufs "parfaits" cuits à 63 ou 64 °C (et pas trop salé). Au fond du bol, une purée de polypode d'un vert intense – une fougère au subtil goût de réglisse — contraste par sa fraîcheur. Dessus, une crème aux champignon très aérienne et goûteuse. Je retiens aussi l'idée des petits disques de feuilles en déco. 

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Un pain à la farine de maïs mélangé à une vielle variété de blé. Trois de mes voisins ont un autre type de pain. Ils sont tous coupés en 4 pour que nous fassions des échanges. 

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Lorsque j'avais vu sur la carte du sparassis crêpu, j'avais demandé s'il était possible de pouvoir en goûter, car je n'ai eu jamais l'occasion de le croiser. Mes voeux ont été réalises. Le voilà sous forme frite et croustillante, avec une purée de pomme de terre aux truffes, du jaune d'oeuf crémeux finement fumé, des feuilles de pimprenelle.... 

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Jérémy, le maître ajoute un jus de volaille crémé au rancio

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Et voilà ! Un plat magique, autant dans les goûts que les textures. Non seulement chaque élément est à tomber, mais leur interaction vous emmène dans une dimension totalement inconnue  – le 7ème ciel des mystiques ? 

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La bouteille de Carignan étant vide, nous sommes passés à la deuxième bouteille que nous avons amenée : un Palette blanc 2004 de Château Simone. La robe est d'un beau doré, sans trop d'évolution. Le nez est dominé par les fruits secs, complétés par de l'agrume confit et une légère touche terpénique. La bouche est ronde, ample, enrobante, avec une matière plutôt dense au toucher moelleux. C'est très bon, loin d'être mort, mais il manque l'énergie et la tension habituelles à cette cuvée, nous laissant un peu sur notre faim.  Avec l'aération en carafe, ça va mieux, sans que le vin nous donne le grand frisson attendu. 

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Thon rouge "Ikejime" au naturel avec une feuille de shiso pourpre. 

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Bouillon de tête en vinaigrette

La longe de thon a maturé durant 45 jours, lui donnant une texture dense et moelleuse rappelant la viande de boeuf, tout en lui faisant perdre son aromatique poissonneuse. Le bouillon de tête lui redonne une touche marine, et le shiso un côté japonisant. Ce n'est pas aussi électrisant que le plat précédent, mais c'est bien bon !

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J'ai "piqué" cette image sur la page FB du restaurant, car ce couvercle a été retiré avant que j'ai le temps de prendre la photo. Elle saisit un instant fugace que nous avons vécu. Cet hexagone de cire annonce un plat qui m'interpelait sur le menu ...

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Dorade "Ikejime" maturée en cire d'abeille, pulpe d'ortie... 

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.... et girolles. 

Comme pour le thon, la maturation a apporté à la dorade une plus grande mâche, mais aussi un léger goût miellé. Les girolles se marient très bien avec celle-ci, avec une texture pas si éloignée, et un jus crémé bien parfumé. La pulpe d'ortie apporte un contrepoint de fraîcheur et de "végétalité". On se régale !

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Avec ce riz Soccarate au safran des Aspres et au homard, on rédécouvre le plaisir du service au guéridon. La  paellera sortant du four est amenée en salle, et Jérémy dresse les assiettes devant nous. On le voit s'escrimer sur le fond du plat pour retirer la pellicule de riz croustillante qui a adhéré. C'est ce qu'il y a de meilleur !

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L'assiette finale, très appétissante !

Le riz, nourri au jus de homard, est d'une gourmandise indécente, même s'il colle parfois aux dents. Mais le sommet de l'assiette, c'est ce médaillon de homard cuit à la perfection :  croquant,  juteux,  résistant à la dent juste ce qu'il faut. Un plat de haut-vol !

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Pour une fois, j'ai trouvé une assiette vide jolie :-)

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Au départ, j'étais parti pour choisir Rozeta 2018 du même producteur, mais la sommelière nous a incité à prendre plutôt Campagnès 2016 de Maxime Magnon.  On est sur un vin juteux, fruité, à la texture pulpeuse évoquant un vin non filtré, sur une aromatique de cerise légèrement framboisée, relevée par quelques épices (poivre, laurier).  C'est bon, mais encore un peu simple. 

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Raviole de cochon noir longuement mijoté à l'huile de cameline, jus de cuisson. L'intitulé omet les trompettes de la mort qui  ont pour moi un rôle primordial dans l'intérêt de cette assiette. Car le porc est très tendre , voire fondant. Les champignons apportent du craquant, et ça fait un sacré bien. Je ne vous ai pas remis une énième photo du jus rajouté en salle. Mais il y en a  un, goûtu à souhait. Bref, encore un très bon plat. Dommage tout de même qu'on n'ait pas eu le pigeon, le canard ou l'agneau qui faisaient sacrément envie... Faudra qu'on revienne !

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Bouchons de chèvre frais marinés à l’huile de tournesol grillé Biograneta.

Croustillant de pollen de fleur et sel des Pyrénées.

Très bon !

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Brebis bleu des Pyrénees et Brie affiné aux cèpes

Les deux sont divins. Le fromage à son meilleur

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Lingot de Cocagne trèèèès affiné

C'est très sec et puissant. J'aurais adoré il y a quelques années. C'est moins ma came, maintenant. Mais c'est tout de même bon, hein. 

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Salade d'à côté, herbes et fleurs. Je la trouve un peu trop vinaigrée. Il y a intérêt à manger un bout de pain avant de reprendre du fromage, car elle écrase tout sur son passage. 

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Les  (superbes) desserts

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Kaki sauvage de chez François, mûri sur l'arbre

Très bien (-)

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Vacherin aux agrumes du Mas Bachès 

Excellent +

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Lait cru en déclinaisons (confiture,  biscuit moelleux, sorbet et chantilly)

Excellent !

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Pomme des jardins de l'Orbieu

Mijoté de feuilles de gingembre

Très bien (+)

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Miel du Berger des Abeilles 

Bien

Nous avons bu les desserts avec un Sul Q de Ganevat que j'ai omis de photographier.  La robe dense, entre l'ambre et le cuivre, libère des larmes épaisses sur les parois du verre.Le nez est très intense, sur la figue séchée, la datte, le coing, le sirop d'érable et des notes mellifères. La bouche est d'une rare onctuosité mais équilibrée par une fraîcheur vivifiante. La finale est très persistante, sans lourdeur aucune, sur le caramel au beurre, le coing confit, les fruits secs, les épices...

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Lionel Giraud est venu nous voir en fin de repas et nous a parlé avec amour des produits de son terroir qu'il essaie de magnifier.

Non, nous n'avons pas bu la bouteille de MT Chappaz qui est sur la photo. C'est notre cadeau d'anniversaire pour Stéphane. 

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Petit tour en cuisine

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La cave de maturation 

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Laurie, l'excellente sommelière !

Nous ne regrettons vraiment pas d'avoir choisi ce restaurant au lieu de celui de Gilles Goujon. Nous nous sommes régalés du début à la fin, avec certains plats de haut niveau qui valent largement 3 étoiles.  Nous en avons aussi pris plein les mirettes, car le visuel n'a rien à envier au gustatif. À cela s'ajoute un personnel en salle, sympathique et compétent, à l'écoute des clients. Ce qui donne au final trois heures d'hédonisme à l'état pur, loin du chaos du monde réel. Merci à toute l'équipe !

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Maison Saint Crescent

Rond point de la Liberté, 68 Av. Général Leclerc,   11100 Narbonne

Tél  04 68 41 37 37

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Quand deux passions se rejoignent pour n'en faire qu'une: la gastronomie
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