750 grammes
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A boire et à manger
4 juin 2020

Joie de recevoir

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Après deux mois et demi d'intense frustration où je n'ai cuisiné que pour moi-même – et je ne peux pas dire que je me gâte particulièrement même si je me refuse à manger mauvais –  cela relève de la nécessité intérieure de mettre les petits plats dans les grands et de passer 2 jours aux fourneaux pour concocter un vrai repas qui réjouira des amis gastronomes. C'est long, fastidieux. Ça ne se passe pas toujours exactement comme vous le souhaiteriez. Mais c'est aussi excitant, trépidant, avec des brefs moments jubilatoires. Et surtout, vous vous sentez vivant comme jamais. Cela dit, non, je n'ai pas du tout envie d'être cuisinier professionnel : seule l'exploration culinaire m'intéresse. Et mon plus grand plaisir est de passer à table avec mes amis, de manger et boire avec eux, ce qui est difficilement envisageable au restaurant. 

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Lorsque j'avais lancé l'invitation à Patrick et Valérie, ils m'avaient demandé s'ils pouvaient apporter quelque chose. Je leur ai proposé de se charger du vin de l'apéro avec l'accompagnement de leur choix. Cela me donnerait plus de temps pour faire le reste du repas. L'accompagnement  s'est avéré nettement plus travaillé que ce que je pouvais imaginer puisqu'il était composé de trois mises en bouche. Dans le sens des aiguilles d'une montre, il y a un fromage blanc aux herbes et noix, puis du fromage de chèvre / tomates confites / fruits secs et enfin du saumon mariné aux agrumes en feuille de brick (mangés dans l'ordre 3/1/2). 

Et puis donc la bulle amenée par Patrick : un Champagne Augustine Brut de Paul Hazard (vallée de la Marne) composé de 45 % pinot noir, 30 % de pinot meunier et 25 % de chardonnay. Il a été conservé 5 ans en cave après son achat. Nous avons donc affaire à un champagne séveux/vineux aux bulles délicates, caressantes, rafraîchi et vivifié par le chardonnay qui n'a pas perdu de son peps, sur une aromatique de poire mûre et de fruits secs. C'est très bien équilibré, avec une finale tonique, finement crayeuse, donnant envie d'en boire une seconde gorgée, puis une troisième... Belle découverte !

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Etait-ce lundi la "journée mondiale des verrines" sans que l'on m'ait averti ? Toujours est-il que voici la mienne : des crevettes sauvages prises en gelée, en compagnie de carottes, poireaux, pois gourmands et coriandre. Les crevettes ont été préalablement cuites à basse température (46.5 °C) pour conserver leur texture délicates. La gelée est un mix de bouillon thaï et de dashi puisqu'on y retrouve de la bonite séchée, du kombu, du crabe, de la crevette, des feuilles de combava, du mirin, de la coriandre, de la citronnelle, du gingembre et citron vert (très peu de chaque, ce qui fait que ça reste subtil et harmonieux) 

Pour l'accompagner, un Mosel Riesling Wiltinger 2017 de Van Volxem. Ce n'est pas marqué "trocken" sur l'étiquette, mais ce vin devrait pouvoir rentrer dans cette catégorie, ayant 12 % d'alcool et a priori très peu de sucres résiduels. Le nez évoque les fruits exotiques, la citronnelle et l'écorce de mandarine. La bouche est tendue par un fil invisible – l'acidité n'est quasiment pas perceptible – avec une matière pure , aérienne, qui envahit le palais d'un voile de fraîcheur, toujours sur ces notes de citronnelle et de mandarine – un peu de pêche jaune, aussi. La finale savoureuse mêle l'astringence du pomelo à l'amer de la bigarade, et l'impression de croquer dans un ananas frais, le sucre en moins, avec une persistance sur la citronnelle. 

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Nous avons poursuivi avec un chaud froid de volaille, sucrine snackée et légumes printaniers. On ne le voit pas sur la photo, mais je versais ensuite un coulis de sucrine à l'oseille et à l'estragon d'un vert lumineux. Le chaud froid est une évocation d'enfance. Je me rappelle en avoir fait un lorsque j'étais ado en suivant une recette de Françoise Bernard. Ça devait être la première fois que j'utilisais de la gélatine. Celui-là est plus sophistiqué, puisque le coeur est composé de chair de poulet cuite à 62 °C, d'une mousseline de volaille à l'estragon, de citron confit et d'une brunoise de champignons de Paris mi-cuits. Puis il y a une "coque" à base de fond blanc de volaille et de gélatine, striée d'une "peinture végétale" à base de mâche, oseille et persil. Les oignons sauciers ont mijoté plusieurs heures dans un fond "brun" de volaille.

Nous avons d'abord bu un vin amené par Gilles, un Carignan blanc 2014 de Sainte-Lucie d'Aussou. La robe est or pâle. Le nez évoque le beurre frais (un côté bouton d'or), le citron confit et la craie humide. La bouche est tendue sans être raide, d'une grande fraîcheur aromatique et structurelle, sans le moindre signe d'évolution pour ce vin de six ans. La matière est dense et douce, avec une profondeur minérale. La finale mâchue mêle la craie au citron confit, avec une persistance sur le cédrat. Très joli vin !

Puis nous avons dégusté le vin prévu pour le plat, un Sancerre Chavignol 2017 du domaine Delaporte : la robe est un peu plus pâle. Le nez plus discret part également sur le citron, mais en version zeste, la pomme mûre et la Bergamote de Nancy. La bouche est plus élancée et tonique, tout en présentant paradoxalement une matière plus mûre et moelleuse.Mais rapidement, le terroir de Chavignol prend le dessus, et le vin se transforme en "jus de cailloux". Je ne m'attendais pas une telle expression du minéral sur le "petit vin" du domaine. La finale est un hymne au pomelo, autant dans son amertume/astringence que par son aromatique. C'est gourmand et juteux, très frais. Que du bonheur. Pour ne rien gâter, l'accord avec le plat est très réussi.

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Ceux qui suivent le blog reconnaîtront peut-être la porcetta que j'avais servie en décembre dernier. C'est normal : c'est la même. Je l'avais faite avec une poitrine entière de  2.5 kg. J'avais donc un reste que j'avais mis sous-vide au congélateur. Je me suis contentée de la décongeler, de la saupoudrer de la chapelure aux olives noires que j'avais faite à l'époque (également conservée sous-vide) avec en plus un peu de sucre rapadura. Je l'ai passée sous le grill à 275 °C. Elle est accompagné de dés d'aubergines cuits au four et d'un jus de porc réduit aux herbes que j'ai mijoté  la veille. Pour finir, j'ai fumé à l'instant chaque assiette avec des aiguilles de sapin pour avoir une petite touche résineuse. 

J'ai choisi de servir un vin italien, histoire de faire un accord "local" : c'est un Langhe Freisa 2018 de Giacomo Fenocchio. Je l'avais trouvé fermé et un peu dur à l'ouverture, ce qui lui a valu quelques heures de carafe. La robe est grenat profond. Le nez est dominé par le cerise rouge, complétee par la fraise confite, le poivre et la terre fraîchement retournée La bouche est fraîche, tonique, avec une matière juteuse, fruitée, mais qui a toujours une petite raideur de tanins limitant un peu le plaisir. Avec le gras de la poitrine, ceux-ci se fondent et ça va tout de suite mieux. Le côté austère de l'olive noire et de l'aubergine font ressortir encore plus le fruit. Un mariage bénéfique pour le vin, et qui ne nuit pas au plat. 

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La transition du salé vert le sucré m'inspire ces plats hybrides associant fromage et fruit.  Le convive perd un peu ses repères, et ce n'est pas pour me déplaire. D'autant qu'au final, la tablée est toujours unanime. La première photo montre ce qu'il y en dessous de l'émulsion de tomme de brebis : des cerises bigarreau dénoyautées et cuites juste deux minutes pour éviter qu'elles ne se dégradent,  saupoudrées d'un peu  de sucre et de paprika fumé et arrosées d'un trait de jus de citron. Les bols sont servis comme sur la photo du milieu, avec de la tomme de brebis rapée à l'instant sur l'émulsion. Puis je verse alors le coulis de cerises, aromatisé au cacao et au paprika fumé. J'ai fait le choix de ne pas servir de boisson avec, jugeant que le contenu du bol se suffisait à lui-même. 

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Le vrai dessert est composé de fraises, de citron confit, de palet breton au citron, de meringues à la fraises, d'une glace au basilic et d'un coulis de fraises. Il y a du croquant, du fondant, du croustillant, du fruité, de l'acidulé... avec des sensations différentes selon ce que vous avez dans votre petite cuillère. 

J'ai servi avec un Cabernet d'Anjou Les Noues 2015 du domaines Les Grandes Vignes : sa robe est rose "framboise écrasée". Son nez fait très liqueur aux fruits rouges /grenadine.  Par contraste, la bouche étonne par sa fraîcheur éclatante, renforcée par un très léger perlant. L'aromatique est tellement marquée par le fraise – fraîche et confite – qu'il est difficile de croire qu'il n'y a que du raisin dans la bouteille. Les notes acidulées de la finale équilibrent parfaitement les sucres résiduels. Vraiment d'la bombe, et accord plus que parfait !

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Pour terminer le repas, j'ai préparé un petit hommage à l'After Eight, avec des petits pots en chocolat contenant une mousse cacao/menthe selon la technique d'Hervé This (sans  crème, ni beurre, ni oeuf).Léger et rafraîchissant !

Ce genre de moment nous montre après coup à quel point il pouvait nous manquer lors du confinement. On en a envie de plein d'autres. Ca tombe bien : je recommence avec d'autres amis dans un peu plus d'une semaine... 

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Commentaires
P
Un grand moment de partage apres ce si long confinement....<br /> <br /> Nos papilles ont rapidement retrouvé le bonheur d être flattée par tous ces délices. <br /> <br /> Gros coup de coeur pour le carignan Ste Lucie qui m a bluffé complètement. <br /> <br /> Merci Éric et au plaisir de poursuivre ces instants de découverte en bonne compagnie.
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Quand deux passions se rejoignent pour n'en faire qu'une: la gastronomie
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