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A boire et à manger
5 novembre 2017

Kei : juste sublime !

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Il y a trois ans, nous avions découvert la cuisine de Kei Kobayashi. Nous fûmes éblouis ! À l'époque, le restaurant n'avait qu'une seule étoile au guide Michelin alors qu'il en méritait deux. Depuis, il les a obtenues. En mériterait-il trois ? Réponse à la fin de ce billet...

Nous savions que Kei préparait parfois en automne des oreillers de la belle Aurore. Cette recette mise au point par Brillat-Savarin est l'un des plats qui font rêver le plus les gastronomes, mais que peu ont eu la chance de goûter. Elle a été transmise au chef japonais par Gérard Besson, grand maître du gibier, et prédecesseur de Kei à la rue Coq Héron. Nous avions demandé au restaurant s'il serait possible de l'avoir au menu. La réponse fut positive : ce serait le premier de la saison 2017. Nous avons pu apporter la bouteille pour l'accompagner, moyennant un droit de bouchon. 

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La traditionnelle assiette vide a été remplacée par un "rouleau" de porcelaine blanche. Pas bête : au lieu d'occuper l'espace en seulement deux dimensions, il en occupe trois. Et le cercle non fermé me rappelle l'idéogramme qui figure sur l'album Changeless de Keith Jarrett (j'en parlais ICI). Puisque nous sommes aux références orientales, nous avons droit aux serviettes chaudes/humides servies dans les restaurants asiatiques, parfois au début de repas  (oshibori au Japon), soit après certains plats en Chine. Je ne m'en lasse pas: ça devrait être obligatoire PARTOUT !

changeless

Ce rouleau nous fut rapidement enlevé. C'est plus simple pour attraper les amuse-bouches qui nous sont servis.  

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Nous démarrons par un rafraîchissant Granité au Shiso rouge. Il allie douceur et acidité grâce au Ume-Su (vinaigre de prunes japonaises, de couleur rose). C'est parfait pour ouvrir l'appétit. 

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Puis une tartelette au yaourt, sardine espagnole, oignon rouge et du  concombre, pâte au miso et cacahuètes Barmejan, blettes et ricotta (oui, tout ça dans cette petite boule de pâte noire). Vous aurez remarqué que le concombre a été remplacé par du céleri branche pour l'un des convives (qui ne supporte pas le concombre).

La pâte de la tartelette est ultra fine et très croustillante, le yaourt très aérien. La sardine a une chair ferme et goûteuse (marinée,pas cuite), l'oignon rouge apporte du croquant, du peps et de la douceur. Ça se mange en une bouchée, mais c'est complexe en terme de saveurs et textures, avec une avalanche de sensations et une sacrée longueur en bouche. Quelques grammes de plaisir qui annoncent la couleur... 

On part en Orient avec le mélange cacahuète/miso qui ne déplairait pas à Pascal Barbot. Le croquant et la fraîcheur du concombre contrebalance impeccablement cette pâte très goûteuse. Miam !

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Il nous a été servi la première bouteille choisie sur la carte du restaurant : un Savennièrères Fidès 2014 d'Eric Morgat. Ce vin m'avait épaté en début d'année même s'il est encore jeune. Je voulais que mes amis le découvrent. Un peu trop froid au départ, il mettre du temps à se mettre en place. Mais lorsqu'il y arrive, c'est de la bombe : la matière est riche, expressive, mais avec une tension, une fraîcheur et une énergie qui vous emmènent loin.

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Un beurre  exceptionnel des plus addictifs (de Loire-Atlantique)

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Avec ce pain aux céréales, c'est de la pure tuerie. Le repas aurait pu s'arrêter là : j'eusse été le plus heureux des hommes. Mais bon, ça aurait été dommage, quand même....  

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Première entrée : le tourteau, gelée d’anguilles et cresson, caviar schrenki

La petite touche "orientale" du plat vient du caviar : l'esturgeon est elévé sur les rives du fleuve Amour. Il est délicat, légèrement noiseté, avec une texture soyeuse. Il fond en bouche comme le reste du plat. Délicatesse, c'est vraiment le mot qui convient pour celui-ci. Le goût de l'anguille est délicatement suggéré. Sans qu'il y en ait un gramme de chair, il se diffuse dans tout le plat sans que ce soit agressif. La chair du tourteau est très aérienne. Et même le cresson,  plutôt puissant de nature, a mis sa sourdine pour être au diapason. C'est ce qui est admirable chez Kei : vous n'êtes jamais dans le combat de saveurs puissantes qui vous donnent des uppercuts gustatifs, mais dans la subtilité de l'estampe japonaise. 

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C'est le plat signature du chef, comme on dit : le jardin de légumes croquants, saumon fumé d’Écosse, mousse de roquette, émulsion de citron, vinaigrette de tomate et crumble d'olives noires. Il y a trois ans, il était beaucoup plus spectaculaire :

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On retrouve en fait plus ou moins les mêmes composants, mais l'idée est que le convive les découvre progressivement sans trop savoir où il met la  fourchette et le couteau. Et plus on plonge, plus c'est éblouissant : saveurs et textures se succèdent en cascade, tout étonné qu'on puisse s'éclater avec quelques végétaux. Il y a bien sûr le saumon, absolument magnifique – même si on aimerait en avoir plus. Et là, encore, tout estd'une grande délicatesse : la roquette n'a rien d'agressif, pas plus que l'anchois, utilisé comme "sel/poivre" de la mayonnaise. Si le serveur ne nous disait pas qu'il y en avait, nous ne le devinerions pas. 

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Puis arrivent les gnocchis de Kei, avec une émulsion et une crème au parmesan et du jambon Bellota. La crème au parmesan est une merveille : on a le goût du fromage avec une rare intensité dans ce qu'il a de plus jouissif, sans le côté fort/piquant. Le Bellota est d'une grande tendreté et très goûteux. Par contre – ce sera mon seul bémol du repas – les gnocchis n'ont pas d'intérêt particulier. Il ressemblent à des gnocchis, quoi (à savoir compacts et plutôt fades). Si on avait eu à la place des petites quenelles aériennes, le plat eût été divin. Mais bon, l'impression finale est tout de même excellente, car cette crème au parmesan, mon dieu qu'elle était bonne !!!

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Nous continuons avec le bar rôti sur ses écailles croustillantes, endives rouges...

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  ... condiment câpres et shiso pourpre et champignons

Là, le chef d'oeuvre du plat, c'est la texture de la peau : hyper croustillante, avec un goût extra, intense mais pas fort. Même les gens fâchés avec la peau de poisson doivent goûter celle-ci. Sinon, bien sûr, la cuisson de la chair est parfaite, ferme tout en étant aérienne, légèrement iodée. L'utilisation des champignons crus finement émincés est astucieuse (j'aurais pas osé...). Ils vont bien avec les câpres et le shiso. À noter aussi l'ultra-mini concombre avec sa fleur, croquant/iodé/poivré. Encore un plat magnifique, avec le Savennières qui est à son optimum. Nous sommes déjà en lévitation...

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Pour finir cette balade en mer, arrivent les langoustines fumées, fricassée de shiitakes, cébettes et homardine

Les langoustines ont d'abord été cuites très rapidement dans leur carapaces avant d'être décortiquées puis fumées à l'instant dans une petite cocotte avec du foin. Leur chair est d'une délicatesse irréelle, le fumage réussissant encore plus à les sublimer. Les shiitajkes sont très bien cuits – à savoir pas trop – la sauce "homardine" est très intense aromatiquement sans être trop salée ni écrasante pour les langoustines. Et la cébette n'est pas cramée façon chef branché (ouf !).

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Sur le conseil du sommelier, nous avons dégusté notre premier verre de Vosne-Romanée Vieilles Vignes 2007 d'Alex Gambal (ouvert dès le début du repas). C'était une excellente suggestion : sa chair fine et soyeuse respecte celle des crustacés, et ses notes fumées s'accordent parfaitement. Grand moment de gastronomie... qui en précède un autre !

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Afin de faire une transition de la mer vers la terre, une pastille de sorbet citron/menthe

Très rafraîchissant tout en restant léger. 

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Et voici l’oreiller de la Belle Aurore avant la découpe qui se fait à l'ancienne devant les convives. 

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L'intérieur, avec une poêlée de champignons

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Puis est versée une sauce crémeuse au champagne (de mémoire)

... dont nous pouvons nous resservir à l'envi :-) 

 Il a fallu pas moins de 16 viandes pour la préparation de ce plat : elles ne nous ont pas été toutes nommées. Mais il y de la perdrix, du perdreau, de la grouse, du colvert, du lièvre, du lapin de garenne, du porc, du ris de veau, du foie gras.... Néanmoins, à l'instar des autres plats, il n'y a aucune compétition gustative : c'est harmonieux, élégant, d'une rare intensité gustative sans jamais tomber dans le côté "violent" du gibier. La pâte feuilletée fait magnifiquement son job en apportant de la croustillance et un bon goût de "viennoiserie".  La sauce, elle, est à mourir... Le tout vous donne l'impression que vous êtes en train de rêver.  Et ce n'est pas le vin qui va rompre le charme. Il s'avère être un remarquable compagnon, fin et sensuel. Bref, nous sommes en train de vivre l'une de nos plus grandes expériences gastronomiques.

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Pour faire la transition vers les desserts,

La glace de chèvre frais, confiture de cerises et balsamique, huile d’olive de Sicile

Là encore, finesse des textures, alliance subtile des arômes, ni trop sucré, ni trop salé.

Élégance totale !

 

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Le premier dessert : le vacherin agrumes et basilic.

Le dessert signature du chef,avec des variations au fil des saisons, comme le fait la maison Bras avec ces coulants. Ici cohabitent pas mal d'agrumes comme  le yuzu, le combava et le kumquat – j'en oublie –  sans que l'un ne domine l'autre. La finesse, toujours. Il y a aussi un morceau de pêche qui apporte la délicatesse de sa chair et de ses arômes. 

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Et puis il y a le basilic dans ce qu'il a de plus envoûtant tout en restant subtil. Le tout est carrément magique, ce qui est à souligner. Car souvent, le dessert est le point faible des cuisiniers (pas pour rien que certains embauchent des chefs pâtissiers). Un des meilleurs desserts que j'ai jamais mangés (avec les fraises aux olives noires de Gilles Goujon et les aubergines cristallisées au sucre, glace au basilic, crème de badiane de Thierry Marx). 

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Peut-on réinventer le Baba au Rhum ?

Eh bien oui : tous les composants de ce dessert sont d'une légèreté inouïe. Le goût du rhum est bien présent sans être envahissant. L'ensemble est frais, d'une gourmandise inimaginable, insolente. P... que c'est boooonnn !!!  

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Et pour finir : 

Guimauve « Pina Colada » :  GÉ-NIALE (fraîche, intense, peu sucrée)

Tartelette au caramel beurre salé et nougatine :

très belles textures crousti-fondantes... mais caramel un peu trop brun à mon goût.

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Nous avons pu échanger un peu  avec le chef et lui dire combien nous avons apprécié ce repas. 

Que dire si ce n'est que ce repas fut vraiment exceptionnel, parfait de bout en bout (à part les gnocchis, histoire de faire le pénible).  Je pense que l'on est au niveau des 3 * autant en terme de technicité, d'émotion, de présentation des plats (assiettes et couverts TOP). Et puis, je n'en ai pas encore parlé, mais tout le personnel mérite les applaudissements : prévenant, serviable, attentif, d'une grande gentillesse, n'hésitant pas à prendre du temps pour échanger sur les plats. On se sent presque plus chez des amis que dans un restaurant !

Pour les gens de passage à Paris, nous ne pouvons que vous conseiller le menu déjeuner à 58 € qui vous permettra de découvrir la cuisine de Kei à moindre coût. Ceci, le menu dégustation à 125 € reste un beau rapport qualité/prix par rapport à de nombreux autres étoilés. 

___________________________

Kei, 5 rue Coq Héron, 75001 Paris

Tel : 01 42 33 14 74

http://www.restaurant-kei.fr

Commentaires
M
Waouh... En lévitation, c'est le terme ! Merci pour ce magnifique partage, je fonds littéralement devant l'oreiller de la belle Aurore, quelle incroyable préparation ! Superbe établissement à tester dès que possible, de la poésie dans l'assiette :)
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L
Excellente initiative ! Je ne me prononce pas sur celui de Gérard Besson... Celui de Kei est grand, mais on attend votre avis avec impatience !
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J
Ça y est ! Réservation ce jour chez Kei pour le 23 décembre 2017, avec au programme le fameux Oreiller de la Belle-Aurore, histoire de faire le parallèle avec celui dégusté dans ce même lieu le 11 novembre 2009, époque Gérard Besson.<br /> <br /> J'avais mis en images sa découpe et son dressage en salle: https://youtu.be/NielRUgnMZ0
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L
Quel magnifique repas !
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L
Un immense repas. Merci pour ce beau CR. Et merci à Kei et à toute son équipe pour la perfection de bout en bout qu'ils ont su nous distiller. Et en plus, le chef est dans sa cuisine, ne volant pas de Macao à la Corse ! A très bientôt à tous !
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Quand deux passions se rejoignent pour n'en faire qu'une: la gastronomie
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