750 grammes
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A boire et à manger
28 février 2009

Belle-Vue, Gironville et Bolaire : un trio diaboliquement bon!



L'histoire commence simplement. Sur le forum la Passion du Vin, le responsable du Château Belle-Vue propose de faire visiter son domaine.  Je lui dis que je passe devant chez lui une fois par mois lorsque je me rends dans le Médoc. Why not? Finalement, nous prenons rendez-vous pour le 25 février à 17h. Je pensais y passer une petite heure, car je venais d'avoir une journée chargée, et deux heures de route à faire. J'y suis resté trois heures. Je pensais boire des vins bien faits, assez classiques. Je suis ressorti étourdi, heureux, avec le goût du Belle-Vue qui a persisté en bouche durant tout le voyage du retour... Mais commençons par le début.




Le Château Belle-Vue est un domaine de 11ha situé à Labarde, coincé entre Cantemerle et Giscours. Mais le style général du vin fait immanquablement penser à la Lagune "version Caroline Frey", également à deux pas. Les vignes sont plantées à 7.000 pieds/ha avec un encépagement assez atypique : 50% de cabernet sauvignon, 27% de merlot, 20% de petit verdot et 3% de carmenère. Longtemps intégré au Château de Gironville, celui-ci a repris son "indépendance" en 1996, même s'il est encore vinifié aujourd'hui dans ce château. Si Rémy Fouin a donné l'impulsion de départ, l'arrivée en 2004 de Vincent Mulliez a permis de donner au domaine les moyens de ses ambitions. A savoir un cuvier digne de ce nom qui a permis de faire un travail innovant en la matière. Et un chef d'orchestre en la personne de Vincent Bache Gabrielsen (arrivé quelques mois avant le rachat ) qui a osé ...l'inimaginable!




Ca ne s'est pas fait du jour au lendemain. Cela a démarré par des conseils prodigués par Daniel LLose de Lynch Bages qui a une winery juste en face du domaine. Suite à des difficultés d'extraire, il avait suggéré de pratiquer des délestages. Cela consiste à vider la cuve de tout son jus, puis de le reverser sur le chapeau de marc. Cela permet de le destructurer et de profiter au mieux de toute la matière qu'il contient. Le déléstage a une réputation assez moyenne dans le Médoc. Peu de grands châteaux avouent en faire, l'estimant souvent trop violent (Latour en fait tout de même trois sur le grand vin). Prenant à contre-pied tout ce qui se fait dans le beau-médoc, il est décidé progressivement de l'appliquer à tous les vins en excluant toute autre forme d'extraction (remontage ou pigeage). Et pas une fois de temps en temps. Plusieurs fois par jour. Le plus génial étant peut-être de séparer le marc et le moût chaque nuit pour qu'ils redécouvrent le plaisir d'être ensemble le lendemain matin winking smiley Plus sérieusement, cela signifie que durant quasiment la moitié du temps de sa fermentation, le moût n'a pas ce lourd chapeau de marc qui l'étouffe, l'oppresse. Etonnant, non?

Si l'on rajoute que l'essai de pré-macération à froid de 3 semaines sur le petit verdot en 2007 a été super concluant et généralisé sur une bonne partie de la vendange en 2008. On obtient au final des vinifications uniques dans le Médoc, voire ... dans la galaxie winking smiley



La malo se fait partiellement en barriques (dans celles qui sont neuves) ; le reste en cuve. L’élevage est assez court (12 à 15 mois) mais à mon sens adapté à la matière des vins produits ici.

Il y en a fait trois différents : Belle-Vue dont nous avons parlé jusqu’à maintenant. Gironville, situé légèrement à l’ouest sur des terres plus sableuses, et enfin Bolaire, situé sur « l’île de Macau » au bord de la gironde (un bras du fleuve qui a été asséché). Ce dernier a une proportion importante de petit verdot (40%), cépage traditionnel des palus médocains. Il est complété par du merlot afin de l’assouplir un peu. Trois châteaux, donc, avec des sols et des encépagements différents. Cela donne des vins possédants des personnalités vraiment dissemblables, même si l’on sent une trame commune liée à la patte du vinificateur.



La dégustation

Petit préambule : au départ, en goûtant les 2005, j'avoue avoir eu des doutes sur les méthodes utilisées. J'ai trouvé qu'il y avait une belle matière, mais que ça manquait de finesse. Je me suis dit "hum, les délestages, c'est pas ça...". Et puis en goutant ensuite les millésimes suivants, j'ai eu l'impression que les processus se sont affinés et qu'il y a de plus en plus de maîtrise. Il y a bien sûr des effets millésimes. Il est possible que le 2005 soit remarquable dans quelques années, mais pour l'instant, il n'est pas prêt.

Belle-Vue 05 : Beaucoup de fraîcheur au nez sur la griotte, les fruits noirs, les épices. Bouche ample, structurée avec des tannins tapissant le palais. Ce serait superbe si le grain était plus raffiné. La finale plutôt asséchante.

Belle-Vue 06 : nez plus fin, encore marqué par l'élevage (moka). Bouche fraîche, fruitée, pulpeuse aux tannins veloutée. Fin mâchue et épicée.

Bolaire 07 : nez "ténébreux"  profond, fruits noirs, suie, poivre de séchuan. Bouche gourmande, charnue sensuelle. Fin assez ferme. Mais que c'est bon!

Gironville 07 : nez frais et vif, marqué par un superbe élevage. Bouche fine, élégante, expressive, soutenue par une fine acidité. Bonne persistance. Classe.

Belle-Vue 07 : nez complexe floral, fruité presque confit, épices. Bouche ronde, ample, bien mûre, d'une grande intensité. Equilibre parfait. Loooong. Super!

Bolaire 08 : nez très mûr, épicé, alliant puissance et finesse. Bouche charnue, douce, gourmande. Finale saline. Slurp.

Gironville 08 : nez plus aérien, avec beaucoup de charme. Bouche pas encore en place. A attendre.

Belle-Vue 08 (Merlot) : nez confit, très mûr, pointe d'encens. Bouche mûre, crémeuse, sensuelle. Que du bonheur!

Belle-Vue 08 (Cabernet Sauvignon) : nez au fruit généreux, épicé. Bouche ample, ronde, très douce. Trame superbe. Grande persistance.Dur à croire que c'est du cabernet!

Belle-Vue 08 (Petit Verdot) : nez plus incisif, fin , droit. Bouche longiligne, avec une structure cristalline d'une précision diabolique, et un fruit d'une grande pureté. Jouera cette année le rôle du cabernet, vu que celui-ci se prend pour un merlot winking smiley

Belle-Vue 08 (Assemblage représentatif) : nez fin, percutant, dans l'esprit de celui du petit verdot. Plus complexe toutefois. Bouche ample, mûre, sensuelle, avec une tension et un équilibre frôlant la perfection. Une merveille de vin, avec certainement peu de concurrents dans le Médoc. C'est sûr. J'en prends au moins une caisse. A condition que Vincent l'enlève assez rapidement des barriques. Ce serait moi, je le mettrais direct en bouteille winking smiley




Une bien belle rencontre avec ce domaine, et peut-être plus encore avec Vincent BG. Ces trois heures de discussions sont passées à une vitesse sidérante, et si je n'avais pas regardé ma montre, on serait encore en train de discuter deux jours plus tard winking smiley
 
Au vu de la qualité des vins, il me paraît  évident que l'on entendra beaucoup parler de Belle-Vue dans les années qui viennent thumbs down

 

Commentaires
V
Bonjour à tous,<br /> la philosophie d'extraction est extrèmement variable d'une propriété à l'autre. Certains font deux petits remontages par jour (moins d'un volume de la cuve - assez classique dans le médoc), d'autres des pigeages (pas mal utilisé pour les vins de garage bordelais), d'autres des délestages, d'autres alternent.<br /> Notre philosophie est de valoriser au mieux le potentiel du raisin. Certains craignent de trop extraire et donc jouent uniquement sur les presses pour rétablir l'équilibre tannique. Cette solution n'est pour moi pas la meilleure, car la plupart des composés phénoliques ne passent pas dans les presses et partent ainsi à la distillerie. C'est sécuritaire, cela évite les erreurs dans un schéma systématisé de vinification, où les cuves ne sont dégustées qu'à posteriori par l'oenologue.<br /> Pour moi, faire le meilleur vin possible implique de la prise de risques, mais de manière calculée. Ainsi, je déguste de manière systèmatique toutes les cuves chaque jour, voire après chaque délestage sur la fin de la fermentation. C'est ce que font beaucoup de vinificateurs.<br /> La gestion de l'extraction est pour moi, avec la détermination précise de la maturité du raisin par la dégustation de baies, l'un des axes principaux de la valorisation du raisin et du terroir.<br /> Notre approche est pragmatique, on a pu comparer l'utilisation du remontage et du délestage et nous sommes convaincus de l'intérêt de cette dernière technique.<br /> <br /> J'espère à très bientôt<br /> <br /> Vincent
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T
Vincent est un type en recherche continuelle du perfectionement ...<br /> De plus de son ouverture d'esprit et ses qualités technique, il reste d'une simplicité complice avec son produit.
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J
C'est intéressant de constater les différences d'approche des vignerons.<br /> Patrick Corbineau, rencontré avant-hier dans son antre, considère que toutes ces manipulations cassent le vin.<br /> D'autres vignerons abondent dans ce sens (de + en +)...<br /> <br /> Alors, la meilleure extraction avec ou sans interventions humaines ?!
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