Week-end de folie (2): visite au Château Pape Clément
En introduction, je signalerai aux personnes qui sont intéressées par la visite d'un château bordelais de prestige qu'il convient de réserver au moins un mois à l'avance pour être sûr d'avoir le jour et l'heure qui vous convient. Vous êtes alors reçus de très belle façon sans qu'il y ait la moindre pression financière: leur vin est quasiment vendu intégralement au négoce bordelais. Ils ne comptent donc pas sur le visiteur pour écouler leur stock...
Nous avions donc rendez-vous à Pape Clément vendredi dernier à 14h30. Nous étions partis de la maison à 13h00 environ. Nous avions donc largement le temps d'arriver. Sauf que le GPS nous a joué un drôle de tour. Arrivé à Talence, il nous a déclaré avec le ton le plus sûr du monde: "vous êtes arrivés"!. Nous étions alors entre une école d'ingénieur et le CROUS... A nous alors de nous débrouiller. Bon an mal an, nous sommes arrivés au centre de Pessac. Mais aucune indication pour Pape Clément... Je me rappelais être passé devant il y a 2 ans lorsque nous étions allés à Haut Brion, mais je n'avais pas plus de répères que ça... Enfin bref, l'avance s'est transformé progressivement en retard. J'ai fini par appeler le château pour leur dire que nous ne serions pas à l'heure prévue. Au final, nous sommes arrivés à 14h45. La dame de l'accueil nous a amené au chai à barriques où la guide expliquait le principe des primeurs à une visiteuse colombienne.
Nous avons été accueillis très gentiment. Tout nous a été réexpliqué depuis le début, ce qui fait que nous n'avons rien raté :o) Commençons par l'historique: le domaine existe depuis le douzième siècle. Il appartenait à la famille de Goth. Au début du XIVème siècle, son propriétaire devient ... pape! Sous le nom de Clément V. C'est lui qui, de mêche avec Philippe le Bel, déclare la guerre aux templiers. Mal lui en prend. Il subit la malédiction de Jacques de Moslay et meure dans l'année qui suit. Le domaine restera toutefois dans la famille jusqu'au début du XXème siècle! Il connaîtra ensuite des propriétaires multiples jusqu'à l'acquisition en 1986 par Bernard Magrez. Ce self made man qui a démarré dans le monde des vins et spiriteux avec William Pitters, Sidi Brahim et Malesan, s'est progressivement recyclé dans les vins plus haut-de-gamme. Il possède aujourd'hui plusieurs dizaines de propriétés dans le Bordelais et dans le monde, dont la Tour Carnet et Fombrauge. Toutefois, on peut considérer que Pape Clément est aujourd'hui le plus beau joyau de la couronne.
Avec Haut Brion et Mission Haut Brion, cette propriété est l'une des rares à être plantée en pleine ville. A quelques dizaines de mètres, vous avez une rocade, de nombreux commerces... La vraie ville, quoi! Tout est fait dans celle-ci pour avoir une récolte réduite mais d'excellente qualité. Au total, il n'y aura que huit grappes par pied, ce qui est relativement peu élevé dans le Bordelais.
Le vin est amené en caissette au chai où il va être trié, puis égrené à la main. On pourra longuement débattre pour savoir si cette démarche est marketing ou non. En tout cas, Bernard Magrez peut se vanter d'être le seul dans le Bordelais à pratiquer ainsi.
Le raisin est ensuite versé dans les cuves (sans utilisation de pompe) en couche alternée avec de la carboglace. Le but de celle-ci est de maintenir le raisin à 8° afin que la fermentation ne démarre pas (ce qu'on appelle en jargon vinicole une macération pré-fermentaire). Celle-ci va durer 15 jours: elle va permettre au raisin d'éclater et de libérer son jus. La couleur et les arômes vont être extraits en douceur sans production de tannins. Puis, la température sera remontée en douceur grâce à un système de régulation thermique. La fermentation alcoolique peut alors démarrer. Contrairement aux pratiques habituelles du bordelais, il n'y pas de remontage (cela consiste à pomper le vin à partir de la base de la cuve et de le verser sur le marc qui se trouve à la surface de celle-ci). L'on se contente de piger: avec un espèce de cône prolongé d'un manche, les employés enfoncent du haut des cuves le marc dans le vin. Cela demande beaucoup de force et de constance, vu le nombre important de cuves.
Une fois la fermentation finie, le vin continuera à macérer durant un temps variable selon les millésimes, puis sera écoulé directement dans les barriques (sans pompe, par gravité). Le marc sera pressé puis le vin de presse ira lui aussi en barriques. Le vin y fera sa fermentation malo-lactique puis son élevage durant une vingtaine de mois. Puis il sera assemblé et mis en bouteilles.
Nous descendons dans les souterrains du château pour visiter les caves de celui-ci. Sur la gauche, une crypte à été installée où l'on peut admirer une copie du gisant de Clément V. L'ensemble du mobilier et des accessoires vous donnent vraiment l'impression d'être dans le sous-sol d'une église (il y a même un bénitier).
Et puis, il y a les bouteilles. Beaucoup de bouteilles. De toutes les tailles et des millésimes sur plus d'un siècle. C'est assez étourdissant! Beaucoup sont obturées à la cire, avec le millésime gravé dans celle-ci.
En remontant, nous rendons visite à la jument de la propriété. Elle sert à tirer la calèche qui fait le tour des vignes, mais aussi à labourer les vieilles parcelles où les tracteurs ne peuvent rentrer.
Pour finir, nous sommes amenés à la boutique - au style un brin ostentatoire - où sont regroupés l'ensemble des vins que produit Bernard Magrez. Tous sont disponibles gratuitement à la dégustation. Sauf Pape Clément qui coûte 10€ le verre. Du coup nous nous rabattrons sur les seconds vins de la propriété, le Clémentin en rouge et en blanc. J'ai vraiment été surpris par leur très bonne qualité (pour des seconds vins). Mais leur rapport qualité/prix laisse tout de même à désirer (45€ la bouteille tout de même...).
C'était en tout cas une belle visite. L'accueil a été en tout point remarquable. Je ne peux que vous inciter à venir y faire un tour si vous passez à Bordeaux.